Que sommes-nous ?
Être vivant, biologie pensante avec son caractère, ses réflexions, ses intermittences du cœur et ses vicissitudes, dont les convictions domestiquent la volonté et le libre arbitre ? Ou simplement un exceptionnel mécano biochimique, une personnalité parmi tant de possibilités, prédisposée, finalement soumise à l’agencement, aux interconnexions de milliards de petites cellules, tributaire de la plasticité d’une étonnante matière molle et grise ? Deux jeunes neuro-scientifiques britanniques ont crânement donné corps à leurs réponses dans cette ébouriffante aventure, une virée incongrue aux tréfonds du cortex humain dévoilant moult coulisses et autres cachotteries fascinantes.
Il existait sûrement mille et une façons pour anatomiser ce fameux carafon. Intrusives ou pas. Salissantes ou moins. La plus habile, et à n’en pas douter la plus appétissante, émoustille le sujet même que l’on ambitionne visiter. Par le prisme des yeux et du croquis. Un pinceau ludique, philanthrope, illustrant ex professo, des notions méta textuelles épineuses avec une évidence que la plume seule aurait bien du mal à délivrer. Du pain béni pour celui qui, à l’instar de mézigue, aurait la comprenette un chouia récalcitrante. En route donc ! Offrons-nous une balade pédagogique aux lisières du fantastique et, fermement agrippés aux basques d’un héros littéralement perdu, prisonnier de ses propres pensées, osons arpenter les chemins cognitifs et électrisants d’une forêt synaptique oppressante. Dans un aperçu extravagant des populations locales, examiner, câliner un neurone (stupéfiant à envisager dans un intellect typé homme tant les certitudes féminines logent cette gent organique plus, mais alors beaucoup plus au sud du nombril et de la banalité du mâle), dénuder les méandres mnémoniques et leurs gardiens bizarres ou fuir des monstres psychotropes spectaculaires.
Aux tours et détours des circonvolutions encéphaliques, observer, tendre oreille et curiosité à une équipée de sommités émaillant l’Histoire, toutes flanquées du même zèle irrésistible pour exposer leurs découvertes, leurs savoirs dans des leçons précieuses. S’accommoder de quelque idiome barbare inévitable qui viendra écorcher le tympan, d’un concept ardu qui mettra plus de temps à se laisser embrasser. Rien d’irrémédiable. Et marcher, encore un peu. Jusqu’au croisement des raisonnements scientifique et philosophique, pour s’égarer dans le dualisme du qui-suis-je, aspirant à dénicher la cachette de l’âme dans le brouillard des illusions. Enfin, au bout du chemin, se voir récompensé, désaltéré à la dialectique subtile d’un épilogue rudement bien senti, à la poésie fulgurante de sa case ultime.
Neurocomix se dégustera comme une bourlingue prométhéenne à travers l’esprit, capiteuse, démystifiante, transportée par la résonance d’un graphisme noir et blanc tout en courbes, amusant puis inquiétant, parfois grotesque et dont la légère disproportion dans les caboches ou le vide de certains regards souligne la perspective hallucinée de l'exposé. Un jeu de mollets pour cerveau lent, burlesque et incroyablement instructif, un « brain » trop linéaire, qui mériterait davantage de ce flegme barré « mad » in England prompt à générer les meilleures endorphines. Mais je me montre difficile...
Vous rependrez bien un peu de cervelle ?