Un terroriste à Coquefredouille
Par comparaison avec"Les Croquillards", "Zizanion le Terrible" est plus resserré dans l'espace, plus oppressif, plus conforme aux rituels de l'enquête policière classique.
Le terroriste Zizanion cherche à tuer le roi Mitron sous prétexte qu'il est un tyran, en réalité pour mettre un ambitieux sur le trône. Ce n'est pas de la plaisanterie : les bombes sautent bien, et Macherot accroche le lecteur par un véritable attentat, dont le roi ne se tire que par la grâce du scénariste, parce qu'a priori, rien ne s'est interposé pour le faire rater.
Chlorophylle et Minimum, devenus journalistes avec carte de presse bien en évidence sur leur chapeau, mènent une enquête méthodique à partir d'un indice laissé par Zizanion : un fixe-chaussette. Déjà, à l'époque de la parution de l'album, on n'avait guère le souvenir de ce genre d'ustensile, alors aujourd'hui...
Zizanion est un vrai méchant, mais pas très intelligent au final. Il a besoin de s'adjoindre Anthracite pour faire ses mauvais coups, surtout parce qu'il ne réfléchit pas suffisamment avant de mettre ses méfaits à exécution. La fin montrera qu'en plus, il est lâche et paniquard.
Macherot nous tient sous le charme avec ses dessins ravissants pour les enfants : petites maisons, petits appartements basiques, couleurs fraîches (les pavés de la rue sont jaunes !!!), villa flanqué d'une tour, style Côte d'Azur des années 1950-1960. Tenues comiques portées par les passants (planche 14). Le sentiment d'oppression vient du rôle que jouent la prison (celle d'Anthracite, mais aussi la villa de Zizanion qui se referme sur les héros), et les égouts dans ce récit, y compris le moment dramatique où Chlorophylle et Minimum s'y font emporter par une inondation.
Un des clous d'imagination du récit consiste dans le procédé trouvé par le directeur de prison où Anthracite est incarcéré pour éviter que ses pensionnaires ne s'échappent. Ah ! Voir Anthracite gras de soupe ! Et la naïveté de ces pilules-miracles (il y avait un culte des pilules à l'époque) qui vous font changer de dimensions dans tous les sens ! Et Anthracite déguisé en fillette ! Aujourd'hui, les adultes pervertis par l'obsession du cul hurleraient à la présence d'un travesti dans un récit pour les gosses ! Mais ici, c'est tellement spontané et drôle !!!
Les personnages sont assez bien délimités : le commissaire Bouclette est un peu moins bête que dans "Les Croquillards", et le gardien de prison, qui aime les romans d'amour, est une trouvaille.
Le dessin,outre son charme, adopte parfois le rythme et les procédés du dessin animé (planche 34), des dialogues répétitifs (planche 37). La planche finale, un peu bavarde, se devait d'expliquer le coup de théâtre qui vient d'avoir lieu, en deux vignettes seulement.
Pour des enfants, voilà un récit propre à frapper l'imagination !