Mères perdues
Tout doit se jouer dans cet ultime épisode. Les personnages, qui ont maintenant bien évolué, doivent effectuer des choix de vie définitifs. Il se révèle que le choix majeur se situe entre la fuite...
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le 29 sept. 2012
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Pour une BD sombre, c'est une BD sombre. Travaillée exclusivement en des nuances de gris souvent soutenues, avec deux ou trois gradients de clarté pour tout rendu des lumières, elle suscite sans peine un sentiment automnal, crépusculaire, qui répond au délitement général des personnages au cours de l'intrigue. Il n'empêche que ces contrastes sommaires parviennent ici et là à de beaux résultats, sur le point de tromper l'oeil qui est tenté d'y décrypter une photo en noir et blanc.
Il n'y a pas de héros là-dedans, que des paumés plus ou moins blessés par la vie, genre "mauvais garçons et filles perdues", et qui ont un mal fou à trouver du sens à leur existence. Le sordide plane sur les comportements de tous les personnages : ici, côté "personnages principaux" (enfin, ceux qu'on voit le plus souvent), un mec viril (il baise à la demande sans fatiguer), voleur, braqueur, tueur, qui est en couple (enfin, c'est ce qu'il dit de temps à autre) avec une fille assez moche, complètement paumée accro au sexe et à la drogue, capricieuse, névrosée, narcissique, insupportable. Et vient se mettre au milieu de ce duo peu glamour une vieille qui s'entiche du mec, alors forcément il y a vite de l'eau dans le gaz avec la première.
Les dialogues sont d'un réalisme et d'une modernité en harmonie avec l'ingratitude des visages et des corps, en général pris sur le vif et peu flattés. Des tranches de (mauvaise) vie, en somme. On relèvera un curieux effet stylistique auquel le lecteur doit s'accoutumer pour y comprendre quelque chose : les bandeaux récitatifs, nombreux, sont censés reproduire les réflexions subjectives d'un des personnages; le problème, c'est que, d'une case à l'autre, il arrive que les pensées contenues dans ce récitatif sautent sans préavis d'un personnage à l'autre, et Emmanuel Moynot ne nous fait nullement l'aumône d'un indice qui pourrait nous faire savoir d'emblée à qui il vient de passer la parole; on le comprend après deux ou trois vignettes, à la faveur d'une situation exposée ou de l'emploi d'un masculin ou d'un féminin...
Les réflexions du mec principal, Martin, à propos des femmes, sont d'une actualité et d'une lucidité désarmantes; il nous expose dans les grandes largeurs l'inconfort qu'il y a à vivre avec elles, et leur obstination mégalomane à persécuter le mec en permanence pour le façonner à l'image idéale qu'elles s'en font. On se doute qu'il n'y a pas beaucoup d'amour, dans ces conditions, dans les relations homme-femme; le romantisme est laissé au rayon des accessoires inutiles. Par contre, on baise. Souvent. Parce que visiblement, c'est le seul type de relations que l'on peut assumer.
Les personnages secondaires sont gratinés aussi : une assemblée de bourgeois dans une soirée alcoolisée : c'est une anthologie caricaturale de vanité, de prétention, de déprime aussi devant la vacuité de leurs existences et l'absence de sens des choses.
De belles techniques narratives et graphiques au service d'un récit parfaitement déprimant : gris c'est gris. Foncé de préférence. Et ne lui faites pas l'injure de supposer qu'il y a une happy end, c'est pas son genre.
Créée
le 7 nov. 2015
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