Ce tome fait suite à La Faune et la flore (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2014, écrits par Chris Dingess, dessinés et encrés par de Matthew Roberts, avec une mise de couleurs d'Owen Gieni.


Ce tome commence le 18 juin 1804, peu de temps après la fin du premier. Meriwether Lewis continue de tenir 2 journaux de bord : l'officiel et celui qui relate les vrais objectifs de la mission. Alors que la remontée de la rivière se poursuit, le navire s'échoue sur un obstacle immergé. Le capitaine William Clark prend la décision de débarquer une partie des hommes à terre pour explorer, pendant le capitaine Meriwether Lewis reste à bord pour essayer de comprendre ce qui bloque le bateau.


Parmi les rescapés du village de La Charrette, Irène Lebrun obtient la permission de descendre à terre, chaperonnée (ou plutôt protégée) par le caporal Hardy. Madame Magdalene Boniface choisit de rester à bord pour servir d'assistante au capitaine Lewis. À terre, comme sous le navire, les hommes découvrent des créatures bizarres, et une nouvelle arche.


Après un premier tome enchanteur, le lecteur retrouve cette variation sur le voyage vers l'ouest de Clark & Lewis, commandité par le président Thomas Jefferson. Dingess et Roberts continuent leur amalgame élégant pour cette exploration, mélangeant horreur générée par la présence de monstres, et horreur provenant du comportement des individus. De manière habile, ils ont bâti la structure de leur récit sur cette expédition historique réelle, en jouant sur le fait que ces explorateurs s'attendaient en partant, à découvrir des vestiges extraordinaires, tels que des mammouths ou des montagnes de sel (véridique). Le lecteur peut également identifier des individus ayant eu une réalité historique comme les 2 capitaines, mais aussi Sacagawea et Toussaint Charbonneau.


Cette dynamique s'avère très efficace, le lecteur découvrant avec une grande curiosité les surprises de cette expédition. Pour commencer, il y a le plaisir immédiat dérivé du récit de genre "horreur", devant les monstres imaginés par les auteurs. Le parti pris naturaliste de Matthew Roberts donne une grande vraisemblance à ces monstres (amphibia & insectia), avec des caractéristiques empruntées au règne animal. Cette approche est en phase avec le principe d'une expédition à visée scientifique, avec un botaniste à son bord. Non seulement Matthews a un vrai don pour représenter les bestioles et les monstres, mais en plus Owen Gieni réalise des mises en couleurs sophistiquées qui rehaussent et nourrissent les dessins, sans les écraser.


Tout du long, le lecteur peut se plonger dans cet environnement naturel, dense et authentique, grâce à la combinaison des dessins et des couleurs. Il peut voir le courant du fleuve, examiner les herbes poussant dans son lit, constater la densité de la forêt, détailler la forme des pétales d'une fleur aux vertus essentielles, apprécier l'humidité de la peau des grenouilles, ou la carapace mate des insectes. Le lecteur a le plaisir de voir une nouvelle arche, tout aussi bien intégrée dans l'environnement que celle du premier tome, avec ce gigantisme qui provoque immédiatement un sentiment d'émerveillement mêlé d'effroi.


Le lecteur côtoie également les individus de près, grâce aux notes du journal de Lewis. Dingess s'en sert à la fois pour rappeler au lecteur le nom des personnages, Lewis notant comment les rescapés de La Charrette s'intègrent au reste de l'équipage, et à la fois pour exposer les réflexions du personnage. Les dessins et la mise en couleurs donnent une identité visuelle spécifique à chaque personnage, sans recourir à des artifices grossiers. Certes, le lecteur identifie Charbonneau à la forme de son chapeau, et Sacagawea à la couleur de sa peau. Mais tous les personnages disposent de leur propre tenue, et d'un visage qui est leur propre.


Sans bulle de pensée ou cellule explicative, Dingess compose chaque scène de manière à faire ressortir le comportement de chacun, en fonction de ses motivations. Le lecteur peut ainsi apprécier la fragilité de l'équipe composée de militaires et de repris de justice. Il n'éprouve aucun doute sur le fait que la majorité des marins considèrent les 3 femmes comme des proies potentielles, et que ces dernières mettent en œuvre des stratégies pour ne jamais se retrouver seules. De même il n'y a pas de personnage lisse. Même les 2 capitaines ne se limitent pas à des héros au cœur pur. Ils ont aussi leur propre motivation et leur part d'ombre. Dingess n'en fait pas des enfants de chœur, et il sait montrer que la discipline dans une telle équipe doit être appliquée sans hésiter.


À la fin du premier tome, le lecteur émerveillé pouvait craindre que, l'effet de surprise étant passé, le deuxième tome perde de sa capacité de divertissement. Il n'en est rien. Matthew Roberts et Owen Geni continuent de créer une nature sauvage séduisante et dangereuse. Ils apportent un grand soin à la conception graphique des monstres pour qu'ils semblent naturels dans ce milieu. Ils dépeignent des individus crédibles et réalistes, avec leurs particularités tant morphologiques que vestimentaires.


De son côté, Chris Dingess développe son récit avec une grande habileté. Le lecteur sait que cette expédition s'enfonce en territoire inconnu (pour l'homme blanc) et que les surprises sont nombreuses. Néanmoins le récit ne se réduit pas à une succession d'apparitions monstrueuses. Dingess dose avec soin et finesse ses composants : vie quotidienne sur e navire, dynamique de groupe complexifiée par les criminels et les survivants du village, stratégie pour se défendre contre les monstres et contre les prédateurs humains, mission officielle et mission officieuse, personnalités complexes et affirmées. Il rythme sa narration avec adresse, trouvant le bon équilibre entre les scènes d'action haletantes, et les périodes calmes, au rythme de la nature et de la progression du navire.

Presence
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le 26 janv. 2020

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