Il s'agit du premier tome d'une série indépendante de toute autre. Ce premier tome comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2013/2014, tous écrits par Ales Kot. L'épisode 1 est dessiné et encré par Michael Walsh, le 2 par Tradd Moore, le 3 par Mateus Santolouco, le 4 par Morgan Jeske et le 5 par Will Tempest.


Épisode 1 - En 2018, à Beit Hanoun dans la Bande Gaza, Edward Zero est un agent secret infiltré dans ces territoires occupés où se confrontent l'armée palestinienne et le Hamas. En plein milieu des combats armés dans les rues, il doit récupérer un dispositif technologique dérobé et greffé sur un soldat, augmentant ainsi ses capacités. Il doit rendre des comptes à Sara Cooke et Roman Zizek.


Épisode 2 - En 2000, Edward Zero (encore enfant) et Mina Thorpe sont dans la même classe dans une école très spéciale pour futurs agents très spéciaux. Épisode 3 - En 2019, Eward Zero accomplit une mission de reconnaissance lors d'une réunion de financement d'un groupe terroriste ; Mina Thorpe assure ses arrières. Épisode 4 - En octobre 2019, à Shanghai, Edward Thorpe a pour mission d'assassiner Garreth Carlyle à Rio de Janeiro. Épisode 5 - En 2019, Edward Zero est interrogé par Roman Zizek, puis Sara Cooke pour débriefer de sa mission à Shanghai.


Il s'agit d'un récit mêlant thriller et aventure, avec une bonne dose d'action. La première histoire montre cet agent efficace, intelligent, sans remords, évoluer dans une zone de guérilla urbaine, pour accomplir une mission clandestine à haut risque. Les dessins évoquent ceux de Michael Lark (voir Gotham Central), secs, un peu esquissés, avec un encrage un peu pâteux. Le récit est à la fois intense et concis, avec un niveau de violence élevé (des blessures sadiques, et des plaies béantes) dont la nature est un peu atténuée par le graphisme à gros traits.


Dès ce premier épisode, le lecteur prend également conscience qu'Ales Kot développe en arrière plan des personnalités complexes et une organisation clandestine aussi efficace que dépourvue de scrupules. Contrairement à ce que le résumé peut laisser croire, ou contrairement au fait que chaque épisode est dessiné par un artiste différent, ces 5 épisodes présentent une réelle unité. Pour commencer, il y a un seul et unique personnage principal : Edward Zero. Le lecteur découvre peu à peu qui il est, comment il a été formé, ce qu'est devenu son prédécesseur, ce que devient l'un de ses collègues formé en même temps que lui. Kot n'expose pas de manière magistrale ce qui motive un tel individu ou les valeurs qui sont les siennes. Il le montre de manière implicite dans ses actes. Edward Zero n'est pas un bon petit soldat, c'est un agent qui a atteint l'excellence, ce qui implique une forme de pensée, un état d'esprit. Kot ne recourt pas à des bulles de pensées, ou des monologues intérieurs, il fait habilement apparaître le décalage entre les actions de Zero et les ordres qui lui sont donnés. Ales Kot n'hésite pas à dédier le deuxième épisode à Garth Ennis, sous-entendant une forme d'hommage, reconnaissant une influence.


De manière tout aussi discrète et efficace, Kot montre comment chaque individu est conditionné par sa formation, prisonnier de sa nature, de ses idiosyncrasies. À nouveau ces éléments sont intégrés en filigrane, ce qui donne un ton très adulte à la narration, s'élevant au dessus d'une dichotomie bien/mal. L'aspect graphique participe également au caractère adulte de la narration. Michael Walsh réalise des cases fonctionnelles, sans grande séduction, brutes de décoffrage. Tradd Moore utilise des traits plus fins et lus soignés. Il apporte une grande attention aux décors. Il insuffle une petite exagération dans les formes et dans les expressions des visages, ce qui facilite la lecture des émotions et augmente le niveau d'empathie vis-à-vis des 2 enfants. Il sait transcrire le mouvement et la force des impacts.


Avec l'épisode 3 et Mateus Santolouco, retour à des graphismes plus réalistes, toujours aussi adultes, avec une propension marquée à la disparition des arrières plans. Étrangement, ils ne font pas défaut à la lecture, le scénario de Kot installant un suspense tendu, et le metteur en couleurs s'amusant avec des teintes vives, voire criardes pour insister sur la tension des personnages et les rapports de force.


L'épisode 4 fait un peu crade, visuellement parlant, avec un encrage marqué et griffé, installant une ambiance sale et poussiéreuse dans ce quartier défavorisé de Rio de Janeiro. Si ce parti pris graphique peut repousser un peu au début, il s'avère totalement adapté à la suite de l'histoire particulièrement brutale et viscérale. Après les dessins qui tachent de Morgan Jeske, les dessins au trait très fin de Will Tempest semblent éthérés, manquent presque de substance, avec un peu côté amateur dans les visages. À nouveau, après un premier mouvement de "bof, c'est pas terrible", le lecteur prend conscience qu'il s'agit d'une approche parfaitement adaptée pour transcrire la fragilité de l'individu, son insignifiance par rapports aux événements.


Ce premier tome de la série fait tout pour dissuader le lecteur de lui donner sa chance : une couverture patchwork, avec un orange criard, un titre en gros caractères moches, avec le prix comme une étiquette d'ingrédients sur une boîte de conserve. Un rapide feuilletage permet de constater une hétérogénéité graphique qui ressemble à nouveau à un patchwork sans ligne conductrice. La lecture du premier épisode donne immédiatement confiance, avec une aventure rapide, brutale et intelligente. Une fois terminé les 5 épisodes, le lecteur a pu constater une étonnante cohérence narrative et il se demande quelles surprises réservent le tome 2 At the heart of it all, surtout au vu de la révélation de la dernière page.

Presence
9
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le 4 avr. 2020

Critique lue 62 fois

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