Un ouvrage très intéressant et ambigü que je recommande de lire.

D'abord le dessin, très beau, très coloré, au service de la narration. Il y a une réelle complémentarité entre la forme et le fond. Rien n'est superflu ou hors de propos par rapport au récit.

Le roman graphique retrace quelques années de la vie d'Anaïs Nin, l'une des premières auteures à écrire des romans érotiques voire pornographiques. On hésite entre admirer, aimer ou mépriser et détester le personnage. Admirer et aimer parce que c'est une femme libre, qui essaie de sortir du carcan que la société lui impose (bonne épouse, bonne mère, bourgeoise raffinée qui vit dans l'ombre de son mari banquier). Admirer aussi parce que c'est une femme qui a été violée enfant par son père (qui exerce toujours son emprise sur elle) et qui continue d'être abusée par d'autres hommes (comme son psychiatre voire son amant Henry Miller qui lui demande constamment de l'argent). Mais mépriser et détester parce que c'est l'archétype de la bourgeoise égocentrique névrosée qui s'ennuie, qui n'a jamais rien fait de concret ou de productif pour les autres et qui a de l'argent par un bon mariage. Détester parce que c'est une femme qui fait souffrir son mari qui lui donne tout : argent, sécurité, fidélité, amour inconditionnel et patience sans borne. Aucune considération sociale ou politique (on est pourtant dans les années 1920 - 1930, en Europe !), tout tourne autour de la petite personne d'Anaïs Nin qui accumule les infidélités et les mensonges, ce qui n'est pas très original. Un passage très dur sur la mort de sa petite fille, qu'elle a plus ou moins tuée à force de tentatives d'avortement.


Pour toutes ces raisons, il faut éviter de présenter Anaïs Nin comme l'archétype de la féministe de son temps (comme George Sand au demeurant). C'est juste une bourgeoise qui veut faire ce qu'elle veut, sans considération pour personne, sans souci des conséquences et il se trouve qu'elle a eu l'idée originale d'écrire des romans érotiques. Bref, elle agit comme un homme et pas sûre que ses écrits ont fait avancer la cause des femmes.

Isabeau
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le 11 févr. 2025

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Isabeau

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