Animal'z - La Trilogie du Coup de sang, tome 1 par Hard_Cover
Enki Bilal est un personnage majeur de la bande dessinée française. À la fois scénariste et dessinateur, il a marqué de son empreinte et de son style si particulier le monde de la BD, au point que ses albums sont attendus avec impatience par les fans du neuvième art.
Avec Animal'z, il revient après deux ans d'absence livrer une fresque lugubre d'une Terre dévastée. Les quelques survivants du Coup de Sang, dérèglement climatique brutal et généralisé, survivent tant bien que mal – plutôt mal que bien – et cherchent à rejoindre les Eldorados. Ces espaces épargnés par les catastrophes naturelles, sont des havres rares où les hommes, dit-on, sont en train de se réorganiser. Le détroit D-7 est paraît-il un des passages vers un de ces Eldorados.
Lester Outside s'y rend par le seule voie encore à peu près sûre : la mer. Mais son navire croise celui d'Ana Pozzano, dont s'est emparé un homme-dauphin, puis celui de Ferdinand Owles, magnat de l'industrie génétique, inventeur des packs d'hybridation. Ensemble, rejoindront-ils le détroit D-7, et pourront-ils l'emprunter ?
Du pur Bilal, qui n'a rien de nouveau.
La couverture d'Animal'z annonce tout de suite la couleur : le dernier album d'Enki Bilal ne va déstabiliser le lecteur par son esthétique. On est dans la même approche artistique que pour la série du Sommeil du monstre, avec toutefois une utilisation encore moindre des couleurs (on peut compter les touches de rouge et le bleu est presque totalement absent), ce qui renforce l'ambiance de fin du monde de cet album. On retrouve la patte si caractéristique, et inimitable, de Bilal. Les personnages ont des visages puisés dans la palette limitée dont dispose le dessinateur.
Pas de surprise avec Animal'z. Bilal fait peu – voire pas du tout – évoluer son esthétique, ce qui rassurera ses fans et ne fera pas changer de bord ses détracteurs. Le dernier album du célèbre dessinateur n'apporte donc aucune nouveauté d'un point de vue artistique.
Un (non) scénario décevant.
Loin d'être inintéressante, l'idée de base d'Animal'z, sans révolutionner les thèmes de la science-fiction, donne sérieusement envie de découvrir la bande dessinée. Les récits post-apocalyptiques ne se comptent plus, mais on trouve régulièrement de nouvelles choses fascinantes émerger. C'est le cas dans Animal'z, avec les packs d'hybridation qui permettent à certaines personnes de se transformer en animaux – en particulier en dauphins – et qui participent à l'atmosphère un peu farfelue qui règne dans le dernier album de Bilal.
Car comme dans d'autres de ses œuvres, le dessinateur-scénariste plonge le lecteur dans un univers futuriste qu'on aura bien du mal à situer. Est-ce un avenir proche, comme le laissent à penser nombre d'éléments extrêmement familiers, ou sommes-nous projetés loin dans le futur, où des robots volants assisteraient les humains ? En fait, on est plus probablement dans un univers parallèle, ce qui confirme sûrement et inconsciemment l'absence chez le lecteur que je suis d'une quelconque empathie avec les personnages et le monde dans lequel ils errent.
Mais la principale cause de cette absence de sentiment est due au scénario. Ou plutôt l'absence de véritable histoire dans cette bande dessinée. Loin d'écrire un récit à proprement parler, Bilal décrit plutôt une situation. Car il faut dire ce qui est : il ne se passe pour ainsi dire rien dans Animal'z.
L'auteur place quelques personnages atypiques et que tout – ou presque – rapproche dans un même environnement. Inévitablement, ces individus s'associent, car c'est d'une certaine façon leur destin – ils étaient fait pour se rencontrer, ils ont des atomes crochus, les mêmes éléments (ici l'hybridation) marquent leurs vies (leur vie) – et vont participer de la construction d'un microcosme décoratif limité.
Car Bilal place en effet ses personnages dans un milieu particulier qui est sensé être notre Terre future. Mais il centre toute image, tout événement, dans un cadre limité. On a l'impression que du monde d'Animal'z n'existe que ce que l'auteur nous montre. Derrière les montagnes qui bordent l'horizon, sous la surface de la mer, au-delà du ciel gris parcouru de nuages, il n'y a rien. Bilal emprisonne l'imagination du lecteur dans une bulle qui l'empêche – dans son esprit – d'explorer le reste de cette Terre ravagée. L'album dévoile un univers solipsiste, vide et silencieux, désolant.
Finalement, on découvre une non histoire, qui se termine sur la même image que celle qui l'a débuté, non comme si la boucle avait été bouclée, mais plutôt comme si on avait tournée en rond, pas avancé.
Le fait est : on démarre la lecture d'Animal'z sans connaître les personnages. On les découvre, sans qu'ils réussissent à nous attirer. Puis on les abandonne, à la fin, sans avoir quoi que ce soit à faire de ce qui peut bien leur arriver ensuite. C'est probablement parce qu'il ne survient presque aucun événement marquant au cours de leur pseudo-aventure.
Conclusion.
La dernière bande dessinée signée Enki Bilal n'est donc certainement pas ce qu'il a fait de mieux. On regrettera notamment le manque de contenu scénaristique.
Il ne se trouve dans cet album rien qui restera en mémoire chez le lecteur. Ce dernier va l'oublier aussitôt l'album rangé dans sa bibliothèque.
Il n'y a qu'artistiquement que Bilal se rattrape, fournissant tout un tas d'images fantastiques au lecteur (les animaux volants, les étendues désolées, les bateaux futuristes...). Mais c'est là encore du Bilal classique, et peut-être pas du meilleur.
C'est la conclusion finale de cette critique : Bilal est un grand monsieur, mais qui n'a jamais rien fait pour que je l'admire. Il va vendre des milliers d'exemplaires d'Animal'z, et ce sera sur son propre nom, sa propre réputation. Car sa dernière bande dessinée n'est définitivement pas très bonne.