Le Royaume fait partie de ces séries de l’écurie Spirou un peu trop méconnues mais terriblement attachantes. La création de Benoît Feroumont est composée de six tomes parus entre 2009 et 2014 et un hors-série en 2019 qui vient conclure celle-ci. Ce sont des petites histoires humoristiques à l’époque du Moyen-Age qui peuvent se suivre pour constituer une histoire globale. Mais ce qui en fait son charme, c’est sa causticité derrière son trait faussement enfantin.
Le Royaume, c’est celui d’un roi bien trop gentil, d’une reine un peu trop manipulatrice, de rejetons royaux pas vraiment disciplinés, et surtout d’Anne, la servante de la famille. Celle-ci se retrouve virée par la reine, qui la soupçonne d’avoir une liaison avec son mari. Ce dernier lui confie une maison dont elle fera une taverne. D’autres personnes se grefferont autour d’elle, comme le forgeron François, amoureux d’elle, et qu’il veut épouser.
Car Anne est forte en caractère. Elle se moque des qu’en-dira-t-ton, elle est libre et fière, bien qu’un petit coup de main ne soit pas de refus au vu des nombreux obstacles et péripéties qu’elle rencontrera. Mais pas question d’épouser François ! Ou d’être reconnaissant au Roi. Nous ne sommes pas dans un Disney. Et si les oiseaux parlent, c’est pour raconter des vacheries et causer des embrouilles aux différents personnages.
La parole est très importante dans cette bande-dessinée, et la plupart des personnages ne sont pas des plus glorieux, ce qui contribue pourtant à leur sympathie. La rumeur publique est importante, et constitue l’un des grands thèmes de ce premier tome. Il n’est pas certain qu’Anne ne soit pas la maîtresse du roi, et la série contient même une certaine part de sensualité. On peut y voir les fesses d’Anne, dans une série Spirou, rendez-vous compte. Ces colportages vont la desservir, jusqu’à ce que la parole publique soit retournée pour faire de l’ouverture de cette taverne une réussite.
Benoît Feroumont vient du monde de l’animation, et cela se ressent, que ce soit dans les dialogues relevés ou dans l’esthétique de la série, découpée et rythmée, avec un grand soin dans l’expressivité des visages. Le trait est déjà appréciable dans ce premier album, mais il s’améliora encore par la suite, pour donner encore plus de force à l’univers de la série. Les couleurs légèrement pastels de Christelle Coorman peuvent faire croire à une sympathique et innocente série jeunesse. C’est pour mieux surprendre le lecteur.
Avec ses personnages attachants et une certaine liberté de ton, Le Royaume détonne un peu. A l’image d’Anne, le ton est assez libre et parfois impertinent, toujours moqueur. C’est un petit plaisir que de se plonger dans cette série, amusante et imaginative, dont on apprécie de découvrir les péripéties des personnages comme toute bonne série comique.