Il y a deux niveaux d'appréciation de cette œuvre. Le premier, qui consacre la réunion de deux auteurs majeurs de laquelle a abouti un roman graphique très sombre qui dans son écriture comme dans son esthétique bouleverse les codes du comics en ciblant un public plus mature. De ce point de vue l'objectif est réussi et c'est un album qui fait date. Cependant, cette narration n'est pas sans écorcher le mythe. C'est là qu'intervient le deuxième niveau d'appréciation. Morrison a enveloppé son récit d'un vernis pseudo-psychologique qui tout bien considéré résonne assez creux et laissera le lecteur exigeant sur sa faim. Hormis le Joker qui tient le rôle-clé, les vilains défilent sans consistance d'une page à l'autre. Le traitement qui est réservé à ce pauvre Batman, ici méconnaissable, complètement perdu au point de douter de sa santé mentale et qui finira par fuir devant des antagonistes qu'il a vaincu vingt fois au cours de sa carrière ressemble à un beau raté de la part de Morrison. Autant dans The Cult de Jim Starlin par exemple, on peut expliquer cette dégringolade d'un Batman drogué, affamé, et finalement manipulé, autant ici ça n'a aucun sens et va à l'encontre de tout le mythe du Chevalier Noir.