Si j'ai relu ce premier tome de notre gaulois préféré en version de luxe, c'est, vous vous en doutez, davantage pour le contenu de ladite édition de luxe, pour les nombreuses anecdotes qui y sont partagées, que pour relire l'album en question… que je possédais déjà de toute façon (mais en qualité déplorable).
Quoique pour parler de l'aventure, c'était mieux que dans mes souvenirs. Loin de faire de ce Astérix le Gaulois la meilleure BD de la franchise… loin de là effectivement, le duo Goscinny-Uderzo étant arrivé à se surpasser à plus d'une vingtaine de reprises (pour le dire autrement, j'ai trouvé toutes leurs suites meilleures). Reste que ça se suit bien, on prend du plaisir à suivre le stratagème de Caius Bonus pour connaître le secret des gaulois, ainsi que les moyens employés par le duo composé d'Astérix et de… Obé… euh Panoramix… pour s'en sortir.
Mais là où j'ai pris le plus de plaisir à relire le tome en question, c'est justement en décelant et recontextualisant les nombreuses différences qu'a cet album, avec les suivants d'une part, mais à l'intérieur de lui-même d'autre part. Un détail que cette édition m'a apporté, et qui m'a permis de comprendre énormément de choses, est qu'Uderzo n'a pas pu énormément travailler sur les personnages en amont. Plus concrètement, il n'a pas eu le temps d'établir des croquis préparatoires, la faute au fait qu'il devait crayonner et encrer pas moins que 5 planches par semaine, entre ses diverses collaborations, notamment avec Goscinny pour Oumpah-Pah, et plus généralement Pilote (pour rappel, les 20 premiers albums d'Astérix ont été publiés le journal avant d'être édités). C'est ce qui explique donc le fait que certains personnages connaissent de nombreuses différences physiques au sein de ce même premier album. Obélix est dessiné avec une hache à sa ceinture et des poils sur les bras ? Rassurez-vous, ça disparaîtra dès sa prochaine apparition pour la hache ; quant aux poils, il faudra attendre encore un petit peu. C'est le cas aussi de Panoramix qui passe du mode Claude Piéplu à celui de Claude Rich au sein du même album. Astérix voit son trait légèrement affiné au fil de pages, ressemblant de plus en plus au Astérix que l'on connait. Quant à Cétautomatix, il faut le savoir que c'est lui qui a été dessiné tant il ne ressemble en rien au Cétautomatix des tomes suivants (si ce n'est son métier de forgeron). Concernant Ordralfabétix et Idéfix, il faudra attendre encore un petit peu avant de les voir apparaître, respectivement les tomes 14 et 5. Mais le personnage qui a subi le plus de transformation au sein du même album est bel et bien César, passant d'un visage rond contenant un nez bien long et droit, pour se rapprocher du César que l'on connait à la dernière page du numéro : les deux auteurs n'ayant finalement pas voulu le traiter de façon caricaturale.
Outre les nombreux autres changements que je n'ai pas évoqués (notamment ceux concernant la potion magique, le banquet, ou encore Assurancetourix), j'ai beaucoup apprécié cette édition, ne serait-ce que pour la recontextualisation. L'importance du journal Pilote par exemple, et plus particulièrement de son créateur, François Clauteaux, qui voulait s'éloigner de ses concurrents qui publiaient du contenu étasunien ou qui demandaient à leurs auteurs de « faire comme les autres » pour se tourner vers des œuvres s'inspirant du patrimoine français (comme quoi, le chauvinisme peut avoir du bon). La vie de Goscinny aussi, le fait qu'il ait beaucoup voyagé à l'étranger, aux États-Unis notamment, ce qui explique en partie pourquoi il ne succomba pas à l'american dream (beurk !) contrairement à nombre de ses contemporains. À cela, j'aurais pu ajouter la manière dont les gaulois ont été crées, comment le thème des gaulois a justement été choisi, la manière de travailler des deux autres… m'enfin, le but de cette critique n'est pas non plus d'être exhaustive.
Bref, j'ai pris beaucoup de plaisir à relire cette première aventure de nos chers gaulois réfractaires au changement. Est-ce que je recommande la version de luxe ceci dit ? Pas forcément, déjà parce que le prix est relativement élevé et que cette version a été tirée à seulement 6000 exemplaires (comme pour la première édition en 1961)… quoique pour avoir vérifié les prix auxquels se revend déjà cette édition sur internet, peu de chance pour que vous y perdiez au change à terme (petite précision : ne donnez pas votre argent à ces [les mots en question ont été censurés par l'équipe de modération SensCritique] de scalpers). Plus sérieusement, et pour reprendre sur les défauts, je suis persuadé que des livres dédiés seront plus appropriés si vous voulez en savoir plus sur l'univers, les versions de luxe étant davantage intéressantes si vous voulez (re)lire le contenu de la BD dont il est question… et puis, je ne le savais pas avant de me procurer ledit album, mais ça reste édité par Hachette… suivez mon regard…