Ce tome fait suite à Through open doors (épisodes 1 à 6 de la série débutée en 2013) qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant. Il contient les épisodes 7 à 10 parus en 2014, ainsi que le numéro spécial "A visitor's guide" (initialement paru en 2004), soit un peu plus de 100 pages de comics, et un guide richement illustré d'une soixantaine de pages. Tous les scénarios sont de Kurt Busiek, les dessins et l'encrage de Brent Anderson, et les couvertures d'Alex Ross.
- Victory (épisodes 7 à 10) - Aux abords d'Astro City, se trouve Samothrace, un complexe de bâtiments abritant les appartements privé de Winged Victory (Lauren Freed), ainsi que l'un des centres d'accueil pour femmes maltraitées ouverts par elle. Ce soir-là, Joey Lacroix (un jeune adolescent molesté) vient chercher refuge dans ce sanctuaire destiné aux femmes. Il aperçoit Winged Victory et Samaritain en train de faire l'amour dans le ciel. Il est recueilli bien qu'il soit de sexe mâle. Le même soir, 3 supercriminelles attaquent un casino à Montecarlo. Ces ennemies de Winged Victory déclarent qu'elles ont fait partie de celles recueillies et entraînées dans ses centres et qu'elles ont été payées par elle pour chacun de leur combat, avec l'objectif pour WInged Victory de se construire une image médiatique positive.
Déjà le dixième tome de la série Astro City, et toujours les mêmes créateurs depuis le début en 1995. Cette fois encore, Kurt Busiek reste fidèle à sa promesse de se servir des superhéros comme genre pour évoquer un thème qui lui tient à cœur. Le premier niveau de lecture est donc celui d'une superhéroïne se débattant dans une conspiration dirigée contre elle, avec l'aide de 2 alliés superhéros Samaritain et Confesseur. L'histoire respecte à la lettre les conventions propres à ce genre : superpouvoirs, méchants très méchants, affrontements physiques à coup d'énergies crépitantes (et même un vampire). Busiek maîtrise ces conventions sur le bout des doigts et les utilisent avec pertinence et efficacité.
À un deuxième niveau, il y a bien sûr l'intrigue. Busiek a concocté une conspiration contre Winged Glory, qui perd peu à peu la confiance du public qu'elle protège (peut-être un peu rapidement car il suffit des déclarations des supercriminelles pour le gouvernement des États-Unis décide de fermer ses centres d'accueil). La recherche du coupable et la montée de la pression sont bien menées, mais de manière assez basique et classique. La révélation de l'identité du coupable tombe un peu à plat car il s'agit d'un personnage inconnu. C'est la limite de ce récit.
À un troisième niveau, Kurt Busiek raconte l'histoire de Lauren Freed qui est confronté à une crise de confiance en elle-même. Elle doute de sa capacité à réaliser sa mission, du réel intérêt d'accueillir ces femmes maltraitées, de savoir si ses commanditaires lui renouvelleront sa confiance. Busiek décrit cette crise d'une manière adulte, sans crise de larmes ou trépignements, comme une interrogation qui la taraude, qui la déprime.
À un quatrième niveau, Kurt Busiek parle de féminisme, avec circonspection. Il condamne sans appel les violences faites aux femmes, ce qui ne demande pas grand courage même s'il est toujours bon de le rappeler. Par la force des choses, par sa nature même, Winged Victory est une icône féministe, mais qui refuse d'être récupérée par quelque mouvement que ce soit, et qui n'hésite pas à s'afficher avec le plus grand superhéros blanc de la planète (le Samaritain, l'équivalent de Superman). Au fil de l'histoire, elle apparaît comme un être humain, avec ses contradictions, ses doutes, et son caractère. Samaritain fait tout pour ne jamais se conduire de manière paternaliste, alors que ses pouvoirs lui permettent de faire tout plus vite et mieux qu'elle. Comme d'habitude c'est le ton mesuré, réfléchi et empreint d'une sensibilité réelle qui permet à Busiek de montrer que ces questions sont plus compliquées que ça, qu'elles ne souffrent pas le manichéisme et qu'il revient à chaque individu de se forger sa propre opinion.
Comme à son habitude, Brent Anderson représente les personnages de manière réaliste, avec une légère emphase dans les cadrages empruntée à Neal Adams. Il porte une attention particulière aux tenues vestimentaires, aux morphologies (pour qu'elles restent réalistes), aux façades des immeubles, pour que la ville d'Astro City dispose d'une certaine consistance, au langage corporel des individus pour qu'il reste naturel. Il n'y a que certains décors qui manquent parfois un peu de textures.
Du coup, malgré les habits hauts en couleurs des superhéros et leur capacité de vol autonome, le lecteur conserve la sensation qu'il s'agit de personnes plausibles et normales d'un point de vue psychologique et affectif. Comme la narration de Busiek, celle d'Anderson peut paraître un peu fade en surface, parce qu'elle reste mesurée. Dans le fil de la lecture, elle révèle sa pertinence et sa saveur.
Pour la dixième fois, Kurt Busiek et Brent Anderson réussissent un récit de superhéros qui ne se limite pas à des gugusses en costumes bariolés en train de se taper dessus. Pour la dixième fois, ils tiennent leur pari de proposer un roman subtil, avec des personnages étoffés et des thématiques complexes abordées avec sensibilité.
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- A visitor's guide - Cette partie commence d'une introduction de 8 pages en bandes dessinées, montrant une jeune femme en visite à Astro City espérant se retrouver au cœur de l'action. Puis elle comprend quelques pages sur les quartiers d'Astro City, un plan de la ville, et des dessins pleine page sur ses différents superhéros. Chacun de ces dessins a été réalisé par un dessinateur différent, tel que Jim Lee, Carlos Pacheco, Jason Pearson, Dave Gibbons, Bill Sienkiewicz, Jerry Ordway, Walter Simonson, Phil Noto, Lee Weeks, Bruce Timm, Ray Lago, Mark Buckingham, Simon Bisley, Jackson Guice, Jim Starlin, Gene Ha, Kelley Jones, John Paul Leon, Mark Texeira, Howard Chaykin, Michael Golden, Pascal Ferry, Tom Grummett, et Darwyn Cooke.
Cette visite dans Astro City est agréable et certaines illustrations valent le déplacement. Il s'agit toutefois de pages bonus qui ne présentent pas le même niveau d'intérêt que l'histoire en elle-même.