Ce tome fait suite à Lovers quarrel (épisodes 18 à 21, 23 & 24) qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 17, 22, 25, 27, 28 et 31, initialement parus en 2015/2016, tous écrits par Kurt Busiek, avec une couverture d'Alex Ross. Ce tome comprend 6 histoires indépendantes, se déroulant dans le même univers partagé.
Épisode 17 (dessins de Tom Grummett, encrage de Cory Hamscher, Agustin Padilla, Andrew Pepoy, Derlis Santacruz, Bob Wiacek) - Quelqu'un rêve de la vie de Starhawk, alors qu'il se rend sur le site de la construction de sa nouvelle demeure qui lui servira également d'observatoire aviaire. Dans le quartier général de l'équipe de superhéros Honor Guard, c'est un jour spécial, celui où des gâteaux extraterrestres de couleur rouge sont déposés sur la table de la salle commune, par une personne anonyme qui ne se montre pas. Cette année-là, Eth (un extraterrestre) apparaît pour la première fois et explique qu'il s'agit de gâteaux pour une commémoration, et il explique de quoi il s'agit. Épisode 22 (dessins et encrage de Jesus Merino) - Duncan Keller fut le superhéros Starfighter. Cinquantenaire, il est maintenant un écrivain de science-fiction célèbre pour la qualité de son imagination. Il est également retiré de la vie active de superhéros, marié, père de famille et il vit sur une planète en dehors du système solaire. Il se demande pourquoi sa connexion avec les lorus (la source de son pouvoir) semble se faire de plus en plus faible de jour en jour. Épisode 25 (dessins et encrage de Jesus Merino) - Amanda Hammacher est une jeune femme tout juste sortie de l'adolescence. Lors de son dernier anniversaire, il lui a poussé une paire d'ailes. Elle reprend l'identité de superhéros de sa mère Barbara : Hummingbird. Cette dernière lui a raconté son histoire d'amour avec un homme d'une autre dimension.
Épisode 27 (dessins et encrage de Jose Infumari) - Depuis quelques temps, l'équipe Honor Guard se bat régulièrement contre des créatures mi robot, mi animal, de plus en plus en plus puissantes à chaque apparition. American Chibi finit par se rendre compte que ce phénomène est lié à son existence et à son alter ego Marguerite Li. Épisode 28 (dessins de Gary Chaloner, encrage de Wade von Grawbadger) - Lorsqu'il était un jeune enfant, Ben a été piqué par une araignée d'une espèce inconnue. Pour essayer de le guérir, sa mère (brillante généticienne) a expérimenté des techniques non éprouvées ce qui a eu pour effet de le rapetisser. Arrivé à l'âge adulte, il a pu regagner sa taille normale et il a pris l'identité de Wolfspider pour sa carrière de superhéros. Un jour il constate que l'équipe de superhéros Queenslaw (une série de dessin animé qu'il regardait enfant à la télévision) est devenue réalité en Australie. Il s'y rend pour les rencontrer. Épisode 31 (dessins et encrage de Jesus Merino) - Living Nightmare est une créature surnaturelle qui se nourrit de la peur des gens. Elle est de nouveau en activité à Astro City.
En ouvrant un nouveau tome d'Astro City, le lecteur éprouve le sentiment réconfortant de revenir dans une ville qu'il aime bien, un quartier dont les visages lui sont familiers. Dans ce tome, il revoit des superhéros qu'il a croisé longuement comme Cleopatra, qu'il n'a pas vu depuis longtemps comme Silver Agent, des connaissances inoubliables comme Beautie et des nouveaux venus, comme ceux à qui chaque chapitre est consacré. Mais le sentiment d'appartenance va bien au-delà de la familiarité avec les individus hauts en couleurs. Il peut s'agir du concept ou du dessin d'un nouveau personnage qui fait immédiatement penser à un autre devenu une icône chez Marvel ou DC. Quand Barbara et Amanda Hammacher (Hummingbird I & II) vont consulter Tabitha Grey (Greymalkin), c'est à la fois l'archétype de la sorcière qui se tient en face d'elles, dans son fauteuil en osier, mais aussi Agatha Harkness. Quand Honor Guard donne l'assaut à Krigari dans son arche spatiale, c'est un écho du combat mené par les Avengers contre Thanos, avec Adam Warlock. Ce sont aussi des échos de la culture populaire qui résonnent, comme lorsque Ben regarde des dessins animés d'une équipe de superhéros pour se réconforter, irremplaçables même s'ils sont de mauvaises qualités et que leurs aventures sont ineptes.
Indéniablement Kurt Busiek écrit pour des lecteurs familiers des conventions des récits de superhéros, ainsi que pour des lecteurs ayant grandi en lisant des comics Marvel des années 1960 et 1970. Pourtant les récits n'exhalent jamais de mauvaises odeurs de plagiat ou de manque d'inspiration. Les personnages de ces épisodes sont uniques, même si certaines de leurs caractéristiques forment des hommages appuyés et assumés à des histoires inscrites au panthéon des récits patrimoniaux des comics de superhéros. De même, le scénariste n'hésite pas à piocher dans les récits d'aventure classiques et dans les contes. Le lecteur peut percevoir des influences de John Carter, des histoires de monstres surnaturels, et même de la Belle au Bois dormant. À nouveau, Kurt Busiek ne cache pas ses sources d'inspiration, mais il met ces références au service de son récit plutôt que de s'en retrouver prisonnier. Certes Amanda Hammacher a reçu des dons à sa naissance, de la part de personnes bien intentionnées dans la famille de son père, mais ce n'est pas une redite, ni même une simple variation sur le conte de la Belle au Bois dormant. L'auteur ne se complaît pas non plus dans un passé réconfortant par la sécurité de déjà le connaître. Il suffit de lire l'épisode 27 avec American Chibi, pour voir que Busiek se confronte à la culture des jeux vidéo et de l'influence de la culture populaire japonaise, avec une sensibilité respectueuse.
Le lecteur de comics de superhéros se sent donc plus qu'en territoire familier, il a l'impression d'être chez lui, avec un conteur qui le connaît et qui parle son langage. Il lui présente de nouveaux amis dont il ne soupçonnait pas l'existence, tous attachants et familiers, mais avec l'attrait de la nouveauté, de la découverte. Il ne s'agit pas d'encore une aventure de tel ou tel superhéros classique. Il s'agit de faire la connaissance de nouvelles personnes, avec un passé, des motivations, et une histoire unique. Au cours de ces 6 épisodes, le lecteur voit ses nouveaux amis évoquer le poids d'une culpabilité écrasante suite au sacrifice d'un héros pour que d'autres continuent à vivre, se rendre compte que leur temps sur le devant de la scène est passé et qu'un des leurs doit céder la place à la génération suivante, que les pouvoirs transforment un individu en profondeur, que sa simple existence peut avoir des conséquences sur les personnes de son entourage et son environnement, que l'on n'est pas toujours bien accueilli par ses idoles, ou encore qu'il est possible de s'interroger sur son mode vie et de le remettre en question. À chaque épisode, Kurt Busiek fait la preuve que les récits de superhéros appartiennent à un genre comme tous les autres, avec ses conventions attendues par le lecteur, mais qui offrent la liberté de parler de tout, à commencer par ce qui tient à cœur à l'auteur. Il prouve à chaque fois que si lesdites conventions peuvent être de nature enfantine, le récit peut être adulte dans le fond, intelligent, sensible et émouvant.
Ce tome regroupe des épisodes de la série ayant servi de respiration pour Brent Anderson, le dessinateur habituel. Jesus Merino dessine 3 épisodes sur 6 (numéros 22, 25 et 31) et c'est celui dont l'apparence des dessins s'approche le plus de ceux de Brent Anderson. Il inclut un bon niveau de détails dans ses représentations, que ce soit dans les personnages, les décors, les textures, ou les accessoires. Le détourage des formes est réalisé par un trait encré assez fin et il privilégie une esthétique descriptive et naturaliste. Cela lui permet de donner de la consistance à tous les éléments y compris les plus fantastiques, mais la conséquence est que ça leur enlève une part de mystique, enparticulier les dieux de type aztèques. Cette approche visuelle se marie bien avec la nature des récits, en phase avec des héros très humains, faillibles et positifs.
Les dessins de Tom Grummett sont un peu plus dépouillés et un peu plus simplifiés. Il semble également qu'il n'ait pas pu s'investir dans toutes ses planches, ce qui explique le nombre d'encreurs. Même s'il fait des efforts manifestes pour se calquer sur la forme de naturalisme initiée par Brent Anderson dans la série, le manque de poids de certains traits, ainsi que la densité fluctuante des arrière-plans ramènent par moment la narration visuelle dans le domaine des comics de superhéros basiques. Les dessins de Jose Infumari tranchent tout de suite avec les autres, du fait de traits de contour beaucoup plus fins, et pas toujours jointifs. Du coup la séquence d'ouverture dans la ville habituelle d'Astro City acquiert une forme d'irréalité déconcertante, mais finalement cohérente avec la nature des robots qui apparaissent. À contrario, ses dessins dans le monde vidéo sont en décalage avec l'esthétique habituelle, ce qui donne une identité propre à cette partie de l'histoire, et lui évite de tomber dans les poncifs des jeux vidéo, ou dans l'utilisation mécanique et sans âme des codes des mangas. Gary Chaloner réalise également des dessins à l'encrage peu appuyé, et sans beaucoup de texture. Mais là où ceux de Tom Grummett tirait vers les clichés des comics de superhéros, ceux de Chaloner virent plutôt vers les dessins des magazines pour la jeunesse, en parfaite adéquation avec le ton du récit, ce qui le renforce plutôt que l'affadit.
Alors que le lecteur découvre que Brent Anderson n'a pas réalisé les dessins de ce tome, il se prépare à ressentir une petite baisse de qualité. Le premier épisode le rassure par une histoire touchante sans être nunuche, dont Kurt Busiek a le secret, avec une forme de conte, et l'évocation d'un coût psychologique impossible à payer, suite à un sacrifice. Les dessins de Jesus Merino pour le deuxième épisode rapprochent la narration visuelle de la qualité de celle de Brent Anderson, et le récit est parfait, cumulant la familiarité des récits d'aventure, avec une histoire originale, et à nouveaux des sentiments d'une grande justesse, pour un thème incompatible avec les univers partagé de DC ou de Marvel. Le troisième épisode est parfait avec une héroïne aussi humaine qu'admirable, une richesse incroyable dans les personnages et la mythologie, une conclusion optimiste teintée de tragédie, plusieurs niveaux de lecture, et des émotions franches et honnêtes. Le lecteur sait que ce tome est à nouveau un cru exceptionnel, et la seconde moitié de ce recueil ne déçoit pas.