Très franchement, en me jetant sur Basketful of Heads, je ne savais absolument pas à quoi j’allais avoir à faire. Juste une couverture qui capte le regard, la présence de Joe Hill au scénario et le logo de ce nouveau label Hill House Comics, nouvelle ligne horrifique de DC Comics. Il n’en faut pas plus pour aguicher ma curiosité. Il faut dire que Joe Hill, et son Locke & Key, est un scénariste qui sait nous prendre à la gorge et nous happer dans son histoire, ses intrigues.
June Branch mène une vie tranquille… jusqu’au jour où quatre criminels parviennent à s’évader de prison et enlever son petit ami, Liam. Pour leur échapper, June n’a d’autre choix que de se munir d’une arme étrange… une hache viking du VIIIème siècle ! Mais celle-ci est dotée de propriétés bien singulières… Pour sauver Liam, June n’a plus qu’une seule solution : garder la tête (ou plutôt tout un panier de têtes) froide…
Basketful of Heads signe, sous l’impulsion du scénariste et romancier Joe Hill (Nosfera 2, le Carrousel Infernal, l’Homme-Feu), le retour de l’horreur chez l’éditeur DC Comics. Artisan de sa propre collection au sein du DC Black Label, Hill House Cosplay, le créateur de Locke & Key continue d’explorer un genre qui le fascine depuis plus de quarante ans. Avec ce récit complet, Hill renoue avec les comédies horrifiques de la fin des années 1980 telles que le Re-Animator ou Evil Dead 2, et, au-delà du genre, développe une intrigue brillante, portée par son héroïne June et le dessin habité de Leomacs (Lucifer).
(Contient les épisodes #1 à 7)
Nous sommes à Brody Island, petite île américaine où il fait bon vivre, en 1983. Avec son activité maritime, son shériff emblématique, son maire caricatural, sa grande rue principale et ses habitants accueillants et disponibles. C’est là que nous rencontrant June et Liam, un jeune couple, aux prémices de leur histoire, de leur amour, où tout est beau, tout est merveilleux. Ce sont les derniers jours d’été, et les deux amoureux comptent bien en profiter.
Alors que l’on s’attache rapidement aux petits tourtereaux, que l’on baigne dans cette atmosphère idyllique, tout va basculer de façon tragique et dramatique en un rien de temps !
Une tempête, la nuit, des prisonniers dangereux en cavale, Liam qui est tabassé et kidnappé ! June plonge en plein cauchemar, en compagnie des lecteurs. On plonge dans ce chaos en même temps qu’elle, on traverse tout cela avec elle. June ne va pas vouloir se laisser faire, loin de là. Et lorsqu’elle tombe sur une très vieille hache viking pour trancher la tête d’un des prisonniers évadés qui voulait l’agresser, qu’elle stupeur de voir que cette tête tranchée continue de lui parler !!
La tête dans le panier et voilà June qui part en quête de Liam ! La voilà qui plonge dans une intrigue où se mêlent horreur, thriller et drame. D’abord perdue et apeurée, June prend du poil de la bête, si elle est plus que décontenancée par ce qu’il se passe avec cette hache viking, elle n’a qu’une obsession en tête, sauver Liam !
Sur son chemin elle va croiser de nombreux hommes, presque caricaturaux de l’époque (pour ne pas dire totalement caricaturaux), un flic corruptible, un croyant justifiant tous ses actes, et un « fils de... » plus pourri qu’une pomme molle. De vrais clichés des années 1980 mais que Hill va faire en sorte d’approfondir un maximum en y ajoutant des caractéristiques en contradiction totale avec les de cette Amérique puritaine. La drogue. L’homosexualité.
On se retrouve avec des personnages vraiment intéressants et profonds, attachants même ! Et pas seulement June, non ses victimes également, surtout à partir du moment où elles perdent la tête. Cependant, on remarquera que tous ces personnages masculins qui gravitent autour de June, qui l’a poursuivent, s’ils sont très différents, ont tous un point commun, la misogynie et la façon qu’ils ont de traiter June, et la femme en général.
June est la cible de violences autant verbales que physiques. Et le lecteur ne peut rien faire. On doit assister à ces horreurs, la voir se débattre avec sa hache mystique. Des hommes pourris que se protègent en eux, tous plus pourris les uns que les autres et qui ne peuvent accepter, simplement l’idée, qu’une jeune femme comme June puisse simplement vouloir, leur tenir tête, ou mettre un frein à leur plan.
A travers son récit, Joe Hill nous montre que le personnage fort et charismatique, malgré ses doutes et ses craintes, c’est June. Malgré ses « faiblesses » elle parvient à tenir et traverser ce monde dur et violent, ce monde masculin.
Graphiquement, je découvre Leomacs avec ce titre. Et je me retrouve avec un sentiment très mitigé. Je trouve que le style de l’artiste colle très bien au récit de Joe Hill. C’est fluide, c’est immersif. Une certaine capacité à passer d’une image idyllique du début, à la violence qui se dégage de la hache. Cela dit, je trouve que son style nous pousse plus vers quelque chose d’angoissant, d’oppressant, mais on est loin d’une ambiance de films d’horreur. A aucun moment je n’ai tremblé ou sursauté. De l’angoisse oui, de l’horreur non.
Par contre j’ai un peu de mal avec les personnages, leurs visages surtout. Je trouve cela pas toujours très beau, un peu brouillon. Ce n’est pas moche, mais je n’accroche pas. Et je dois reconnaître également que les détails ne sont pas très présent.
Bref, une excellente lecture ! Ce n’est pas une série inoubliable ou qui mérite des tonnes d’éloges. Mais c’est un bon moment de lecture, avec sa dose d’angoisse un poil oppressante. On plonge dans un monde étrange et fantastique en compagnie de June, un personnage qui va se révéler et s’essuyer les pieds sur une Amérique puritaine et misogyne.