Il est des ouvrages qui redéfinissent un genre et un personnage, sorte de rupture brutale avec une époque pour plonger pleinement dans une nouvelle ère.
Dans les années 80, DC comics, connaît des difficultés, ses personnages phares s'essoufflent et tournent en rond en ressassant la même formule indéfiniment. Batman qui (avec Superman, et dans une moindre mesure Wonder Woman) représente le fer de lance de la maison d'édition, n'échappe pas à cette dégradation et des ventes et de son fond.
Aussi est confié à deux jeunes talents la délicate tache de relancer le Chevalier Noir. Après avoir fait leurs preuves sur le reboot de Daredevil :Born Aigain, Frank Miller au scénario et David Mazzucchelli au dessin, vont, tout en gardant les éléments structurels de Batman (il est toujours Bruce Wayne, orphelin héritier de la fortune Wayne, ses parents furent tué par un voyou dans une ruelle sombre, il possède maîtrise toutes les techniques de combat connues, et possède une intelligence hors normes ainsi qu'un esprit déductif unique au monde ce qui lui vaudra le surnom de Détective ), lui donner une forme et un fond bien plus noir.
Gotham City est une Métropole sombre et crasse, où la pègre règne en maître phagocytant toutes les couches de la société ; même la police. Ne voulant plus vivre dans un monde où un voyou armé d'un révolver peut réduire à néant la vie d'un petit garçon, Bruce Wayne, de retour d'un exil où il s'est formé physiquement et mentalement, va endosser après pas mal de déboires l'identité masquée du Batman. Pourquoi un masque et l'allure d'une chauve-souris, parce que les voyous sont superstitieux et craintifs. Il va y croiser son seul allié, le lieutenant fraîchement muté James Gordon.
Par ailleurs, cet album aurait tout aussi bien pu s’appeler "James Gordon Année Un". Le flic fraichement muté à Gotham en vient presque à piquer la vedette à Batman. Sa vie, son travail et ses aspirations et réflexions sont très bien développés. Il incarne l’un des seuls ilots d’intégrité et de justice, dans cette ville pourrie, voir dans ses propres services de police ce qui ne rendra pas sa tache aisée. Batman trouve en quelque sorte un écho à sa quête chez ce jeune officier de police, amené à partager plus que les enquêtes du Chevalier Noir.
Le travail narratif de Miller est tout dirigé vers la psychologie des personnages, privilégiant ainsi une certaine profondeur de l'histoire aux seuls combats. Ces derniers sont quand même présent, et là encore c'est du Miller, ils sont violents, à l'image de la ville où ils ont lieu.
Le dessin de Mazzucchelli, plutôt sobre et dépouillé, est en harmonie avec le ton noir de la série, privilégiant les couleurs froides et les fonds sombres.
Cet album bien que vieux de plus de 20 ans, est une belle réussite sur le fond et sur la forme. Panini Comics a fourni un réel travail de traduction et de relecture, présenté dans un bel écrin rouge bordeaux, le tout agrémenté de bonus sous forme de croquis, de couvertures et de story-board.
Batman Year One permet de comprendre un peu mieux les motivations de Bruce Wayne, et de sa croisade contre le crime qui gangrène sa ville, et redécouvrir le plus grand super-héros, sans pouvoir, jamais créé.
Un must du genre, qui n'a pas prit une ride.