Quand le Batverse se fond dans le mythe de Cthulhu, cela donne une petite merveille comme sait en concocter le père de "Hellboy". Mike Mignola nous sert ici une version proprement tentaculaire de Gotham, la ville qui abrite le Chevalier Noir, et des grandes figures qui la hantent, qu’il s’agisse de la Batfamily ou des monstres qui en arpentent ses rues et leurs tréfonds.
1928, Cap Victoria, en Antarctique. L’expédition Cobblepot, en perdition, vient d’être retrouvée. Mais les sauveteurs constatent rapidement qu’il n’y a aucun survivant. Leur chef explore les environs et découvre alors une monstrueuse créature s’apprêtant à sortir de son cercueil de glace.
Espérant sceller à nouveau le piège de la créature, l’aventurier décide qu’il est temps pour lui de rentrer à la maison, après vingt ans d’absence à naviguer sur les mers : Bruce Wayne retourne à Gotham City !
Sur les traces d’un livre maudit, de Ra’s al Ghul bien évidemment, le Chevalier Noir côtoie le monstrueux et la folie, dans une version paroxystique issue de l’épouvante lovecraftienne.
Le tour de force de Mignola tient au fait d’avoir exploité le potentiel gothique de Gotham dans cette perspective horrifique précise tout en préservant les grands marqueurs du Batverse.
Ainsi, les figures de Tim, Jason, Dick ou Alfred d’une part, d’Harvey Dent, Kirk Langstrom ou Talia intègrent-elles parfaitement la trame de l’aventure dans une version renouvelée. Leur participation va de la simple figuration à une utilisation détournée, pertinente et savoureuse, comme pour notre procureur à la pièce de monnaie, en pleine campagne pour se faire élire Maire de Gotham. Tandis que d’autres grandes figures connaissent de nouveaux avatars étonnants.
Franche réussite jusqu’au dénouement qui, en ce qui le concerne, pourra peut-être autant frustrer que surprendre, cette Malédiction qui s’abattit sur Gotham offre une excellente réappropriation de la constellation Batman. Et après le Providence d’Alan Moore, Lovecraft est décidément à l’honneur dans les comics en ce moment ! Même s’il faut rappeler que le titre proposé par Urban Comics, situé dans les Elseworlds de DC, date de la fin 2000.
Rappelons aussi que Mignola avait déjà, par le passé, en 1989, proposé une version alternative de Batman, transposé cette fois dans une ambiance victorienne : Gotham by Gaslight. On aimerait d’autant plus la redécouvrir que la savante introduction d’Alex Nikolavitch sur cette Malédiction lovecraftienne enrichit la présente édition et confirme le travail soigné d’Urban Comics sur ces titres de la collection Deluxe.
Chronique originale, et illustrée, sur actuabd.com