Quand Batman perd un Robin et qu’on accuse les lecteurs de complicité

Avec Batman : Un deuil dans la famille (1988), Jim Starlin, Jim Aparo et la fine équipe nous livrent un récit aussi tragique que controversé, où le destin de Jason Todd, le deuxième Robin, se joue… au téléphone. Oui, vous avez bien lu : dans un grand élan d'interactivité avant l’heure, DC a laissé les lecteurs décider si Jason devait vivre ou mourir. Résultat ? Un grand plongeon dans le drame gothique, où Batman enfile sa plus belle cape de culpabilité.


L’histoire démarre avec Jason Todd en pleine crise existentielle. Adolescent rebelle, tête brûlée, et souvent agaçant, Jason découvre que sa mère biologique est toujours en vie et décide de partir à sa recherche. Batman, fidèle à lui-même, le suit pour le protéger tout en fronçant les sourcils comme jamais. Mais voilà que le Joker, armé de son sadisme légendaire et d’une barre de fer (classique), s’invite à la fête. Spoiler : Jason passe un très mauvais quart d’heure dans une cabane, et une explosion vient sceller son destin tragique.


Là où Un deuil dans la famille frappe fort, c’est dans son traitement des thèmes de la perte et de la culpabilité. La mort de Jason Todd est brutale, choquante, et elle marque profondément Batman, qui se retrouve face à son échec en tant que mentor. Voir le Chevalier Noir, d’habitude si stoïque, plonger dans le doute et la douleur ajoute une vraie dimension émotionnelle au récit. C’est sombre, c’est tragique, et ça colle parfaitement à l’ambiance gothique de Gotham.


Cependant, le récit souffre d’un rythme un peu bancal. L’intrigue autour de la quête familiale de Jason aurait pu être plus développée, mais elle est rapidement éclipsée par le grand cirque du Joker, qui pousse le chaos jusqu’à devenir… ambassadeur iranien. Oui, parce que pourquoi pas. Le scénario bascule alors dans une folie qui frôle le grand n’importe quoi, et on passe d’une tragédie intime à une crise internationale complètement WTF avec Superman en guest-star diplomatique. C’est à la fois déroutant et étrangement divertissant.


Visuellement, Jim Aparo assure l’essentiel. Son trait classique, propre et efficace, colle bien à l’ambiance sombre du récit, notamment lors des scènes où Batman découvre l’horreur. Les expressions de douleur et de rage sont bien rendues, même si certaines cases manquent de subtilité. Les moments iconiques, comme la scène où Batman tient le corps inanimé de Jason, sont marquants, mais l’aspect "blockbuster" de la deuxième moitié de l’album donne parfois l’impression de lire deux histoires collées ensemble.


L’autre point controversé reste bien sûr l’aspect "vote téléphonique". En donnant aux lecteurs le pouvoir de décider du sort de Jason Todd, DC a transformé ce drame en un événement médiatique, au risque de diluer la profondeur du récit. Certes, cela a marqué l’histoire des comics, mais le procédé donne un arrière-goût un peu cynique à la mort du personnage. Pauvre Jason, abandonné par les lecteurs avant même d’être explosé par le Joker.


En résumé, Batman : Un deuil dans la famille est une histoire marquante, mais imparfaite. La mort de Jason Todd est un moment historique, et l’impact émotionnel sur Batman est indéniable. Mais le récit s’éparpille dans des péripéties absurdes qui affaiblissent le propos initial. Entre tragédie intime et cirque diplomatique improbable, cet album est à la fois puissant et un peu chaotique. Un drame qui aurait pu être parfait… si les lecteurs avaient décidé autrement.

CinephageAiguise
7

Créée

le 17 déc. 2024

Critique lue 3 fois

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