Avec Billy the Kid (1962), René Goscinny et Morris revisitent le mythe de l’un des plus célèbres hors-la-loi du Far West en le transformant en un ado capricieux et insupportable, armé jusqu’aux dents mais pas plus grand qu’un tonneau de whisky. Ce tome est un bijou d’humour et de satire, où Lucky Luke, éternel flegmatique, doit gérer un gamin terrible qui tire plus vite que son ombre… et réfléchit après, si jamais.
L’histoire commence sur les chapeaux de roue lorsque Lucky Luke est chargé de ramener Billy the Kid à la justice. Mais ce n’est pas aussi simple : Billy, avec son sourire narquois et son penchant pour le chaos, sème la zizanie partout où il passe. Entre prises d’otages absurdes, bastons à répétition, et crises d’ado dignes d’un feuilleton télé, Lucky Luke se retrouve dans une mission qui relève plus de la psychologie que du tir au revolver.
Billy the Kid est la star incontestée de cet album. Caricature hilarante du hors-la-loi mégalomane, il incarne une version réduite mais amplifiée des bandits classiques. Arrogant, cruel, mais étrangement attachant, il est aussi ridicule que redoutable. Goscinny s’amuse à explorer son complexe d’infériorité déguisé en fanfaronnade, offrant des dialogues et des situations qui alternent entre éclats de rire et facepalms.
Lucky Luke, fidèle à lui-même, reste impassible face à ce tourbillon de chaos. Son calme légendaire et ses répliques pleines de sarcasme contrastent magnifiquement avec les caprices de Billy, créant une dynamique savoureuse. Si Luke est souvent relégué à l’arrière-plan pour laisser briller les excentricités de son adversaire, il reste le pilier moral et comique de l’histoire.
Visuellement, Morris est au sommet de son art. Les expressions exagérées de Billy, ses mimiques d’enfant gâté, et les scènes de chaos qu’il provoque sont magnifiquement croquées. Les décors du Far West, qu’il s’agisse des saloons ou des plaines désertiques, apportent une ambiance immersive et authentique qui ancre l’humour dans un cadre crédible.
Narrativement, Goscinny délivre une intrigue rythmée, pleine de gags et de rebondissements. La progression est fluide, alternant entre moments de tension et comédie pure. Le contraste entre les tentatives de Billy pour se faire craindre et les réactions moqueuses de Lucky Luke ou des habitants ajoute une couche supplémentaire de ridicule qui fait mouche à chaque fois.
L’un des points forts de cet album est sa capacité à mêler satire et action. Derrière les éclats de rire se cache une critique subtile de la mythification des hors-la-loi, où Goscinny rappelle que même les figures les plus redoutées du Far West peuvent être ramenées à une échelle humaine… ou caricaturale.
En résumé, Billy the Kid est une aventure hilarante et intelligente, où Goscinny et Morris s’amusent à déconstruire les codes du western tout en offrant un pur divertissement. Avec un antagoniste aussi mémorable qu’exaspérant, et un Lucky Luke toujours égal à lui-même, cet album est une pépite de la série. Une chevauchée explosive où les balles fusent et les egos éclatent, pour le plus grand plaisir des lecteurs.