Avec Blast : Intégrale (2017), Manu Larcenet livre une œuvre magistrale, où chaque page est un coup de poing visuel et émotionnel. Ce récit sombre, introspectif, et terriblement humain est une plongée vertigineuse dans l’esprit tourmenté de son personnage principal. Préparez-vous à un voyage où la beauté côtoie le désespoir, et où chaque case semble contenir un peu plus que ce que l’on peut absorber.
L’histoire suit Polza Mancini, un homme imposant et abîmé, qui narre son parcours chaotique entre interrogatoires policiers et souvenirs dévastateurs. Accusé d’un crime dont les contours restent flous, Polza nous emmène à travers son errance existentielle, faite de "blasts" – ces instants où il touche à une forme d’extase transcendante, loin des normes et de la réalité. Mais cette quête d’absolu le conduit à des abysses aussi fascinants que terrifiants.
Polza est un protagoniste unique, aussi repoussant qu’attachant. Larcenet ne cherche jamais à le rendre sympathique ; il est brut, complexe, et souvent déconcertant. Mais c’est précisément cette honnêteté crue qui le rend si captivant. À travers ses monologues intérieurs, ses errances dans la nature, et ses confrontations avec les autres, Polza devient un miroir de nos propres failles et contradictions.
Visuellement, Blast est un chef-d’œuvre. Le noir et blanc utilisé par Larcenet est d’une intensité rare, jouant avec les ombres, les textures, et les contrastes pour créer une atmosphère oppressante et hypnotique. Les paysages naturels, souvent vastes et écrasants, deviennent des personnages à part entière, reflétant l’état d’esprit de Polza. Et ces fameux "blasts", représentés par des visions hallucinées et graphiquement audacieuses, offrent des moments de pure poésie visuelle.
Narrativement, Larcenet prend son temps, et c’est là toute la force de l’œuvre. Chaque révélation, chaque moment d’introspection est distillé avec une précision chirurgicale. Le rythme lent peut désarçonner au départ, mais il sert parfaitement le propos : Blast n’est pas un simple récit, c’est une expérience immersive, une descente progressive dans les tréfonds de l’âme humaine.
L’humour, bien que discret, n’est jamais loin. Un humour noir, grinçant, qui surgit dans les moments les plus inattendus pour alléger (ou accentuer) la tension. Ces instants de dérision rappellent que même dans les ténèbres, il reste une lueur d’humanité, aussi fragile soit-elle.
Cependant, Blast n’est pas une lecture facile. Son poids émotionnel, ses thématiques sombres (solitude, addiction, folie, violence), et sa profondeur philosophique demandent une attention et une implication totales. Ce n’est pas un album que l’on parcourt à la légère ; c’est une œuvre qui se vit, qui remue, et qui laisse une empreinte indélébile.
En résumé, Blast : Intégrale est une fresque saisissante, où Manu Larcenet transcende les limites de la bande dessinée pour offrir un récit viscéral et inoubliable. Avec une narration maîtrisée, des visuels d’une rare puissance, et une exploration sans concession de l’âme humaine, cet album est une bombe émotionnelle. Un voyage brut et bouleversant, où chaque page est un choc, et où chaque "blast" vous laisse sans voix.