* Critique originale disponible sur Duotaku no Sora*
Kurosaki Ichigo. Occupation : Lycéen. Shinigami remplaçant.
Kurosaki Ichigo, un lycéen de 15 ans, peut voir les fantômes depuis qu'il est petit. Un beau jour, lui et sa famille se font subitement attaquer par un Hollow, un mauvais esprit. Rukia, une shinigami tente alors de leur venir en aide, mais en vain. Elle offre pourtant une dernière solution à Ichigo : lui donner la moitié de ses pouvoirs de shinigami pour qu'il tente de terrasser le Hollow à sa place. Ichigo accepte le marché, devient un shinigami, et parvient à sauver sa famille.Rukia lui demande alors de l'assister dans la chasse aux Hollows le temps qu'elle régénère la totalité de ses pouvoirs, faisant d'Ichigo le nouveau shinigami remplaçant du quartier, un travail qui ne sera pas de tout repos et qui ne tardera pas à venir chambouler la vie du lycéen qui semble posséder beaucoup trop de pouvoirs pour un simple humain.
Le n°3 oublié
BLEACH ne vous est très certainement pas inconnu puisqu'il a fait partie de la Sainte Trinité du Weekly Shônen JUMP des années 2000 (avec ONE PIECE et NARUTO), et est donc considéré comme un des mastodontes du manga étalé sur 74 tomes et 15 ans de publication hebdomadaire.
Si les débuts de BLEACH ont été tonitruants au Japon comme en Occident où il parvenait à concurrencer ses deux confrères cités plus hauts voire parfois même à les surpasser, le manga verra néanmoins sa popularité baisser de manière drastique au fil des années de publications et des arcs qui se succèdent. Bien sûr, BLEACH fera toujours de bons résultats comparés à un manga lambda mais il est tout de même important de noter que ses ventes ont chuté de plus de la moitié sur la fin (tandis que son adaptation animée n'a même pas été jusqu'au bout de l'œuvre, faute d'audience), expliquant peut-être son arrêt prématuré par rapport à NARUTO (qui aura bénéficié d'1 an de publication de plus que lui) et ONE PIECE (toujours en cours à l'aube de 2023) et la trace beaucoup moins conséquente qu'eux qu'il a laissé après sa conclusion puisque le manga est un des rares de cet acabit à ne bénéficier de presque aucune promotion ou nouveaux projets suite à la fin de sa publication, semblant tomber petit à petit dans l'oubli pour la nouvelle génération qui lui préfère généralement ses deux confrères d'un temps.
Mais que s'est-il donc passé pour en arriver là ? Le manga n'était-il qu'un effet de hype passager ou une œuvre trop ancrée dans son époque ? C'est ce que nous allons essayer de voir dans cette critique !
It was not all according to keikaku
BLEACH se découpera en quatre grands arcs :
La première partie "Soul Society" qui s'étale du T.1 au T.20 démarre lentement mais sûrement avec un synopsis assez bateau, à savoir un lycéen qui obtient des pouvoirs et part à la chasse aux monstres. Comme vous pouvez vous en doutez, ces fameux Hollows s'attaqueront principalement à des proches d'Ichigo, leur permettant soit de développer leur histoire soit leur relation avec notre héros, et parfois de s'éveiller à leurs pouvoirs et devenir ainsi les compagnons d'armes d'Ichigo. L'introduction se fait donc en douceur et de manière progressive et plutôt efficace, permettant à Ichigo de développer ses nouveaux pouvoirs petit à petit. Une fois ceci fait, l'auteur met vite en avant toute l'étendue de son univers en nous montrant ses mécaniques et en faisant apparaître différents types de personnages jusqu'au fameux twist où les Hollows deviennent un soucis secondaire et où l'auteur nous met la tête en plein dans ce qui définit réellement son oeuvre : la Soul Society, c'est à dire le "monde des âmes", là d'où viennent les shinigamis en somme. Et c'est dans ce monde remplis de shinigamis chevronnés que se déroulera toute la suite de l'intrigue.Et à partir de là ça ne s'arrête plus, de nouvelles infos arrivent de partout, les combats deviennent de plus en plus intenses, les personnages se développent et l'histoire devient hyper prenante grâce à sa double intrigue qui finit en apothéose. Bref, BLEACH est réellement un des leaders incontesté du shônen !
La fin de l'arc arrive, et elle amorce avec elle la nouvelle intrigue qui suivra, l'arc "Arrancar" du T.21 à 48. Un arc qui commencera pas trop mal en restant dans la continuité du précédent puisqu'il s'agit plus ou moins de sa suite directe en faisant revenir les nouveaux ennemis dans le monde réel cette fois-ci. Les personnages devront donc à nouveau s'améliorer pour leur faire face jusqu'à ce qu'ils se retrouvent encore une fois entraînés dans un nouveau monde, le Hueco Mondo, où vivent les Hollows. Mais la machine du shônen à rallonge qui va de paire avec le succès d'une série à cette époque est d'ores et déjà lancée... et comme toujours ça casse. On sent après la moitié de l'arc que ça commence à s'essouffler, mais rien de bien surprenant au vu des autres shônens du genre qui ont tous connus le même destin. Bon c'est tout de même loin d'être catastrophique, l'histoire se tient à peu près bien si on oublie le nombre d'ennemis à rallonge et les combats qui s'enchaînent non-stop afin de faire durer un peu plus tout ça. L'arc arrive finalement à sa conclusion, un peu tardive mais qui restera très satisfaisante, et on souhaite que le manga s'arrête là avant qu'il ne se perde dans son propre univers. C'est d'ailleurs ce que le chapitre 423 annonçait... Mais non, Mr JUMP est passé par là et a dit qu'il avait encore besoin de soussous, du coup rebelote !
Pour se faire, on lance alors l'arc "Fullbringer"... qui étrangement (ou pas) ne plaît pas et ne s'étendra que sur six tomes seulement, les T.49 à 54. L'arc Fullbringer est ce que l'on pourrait appeler un arc de transition. Il permet de placer l'intrigue cette fois-ci entièrement sur Terre, sans shinigamis, Hollows et compagnie et introduit un nouveau type d'ennemis et de pouvoirs, un total renouveau en somme ! Le tout est loin d'être inintéressant et le déroulement de l'histoire est plutôt bien géré si on omet le sentiment de rush du à l'arrêt probablement prématuré de l'arc, mais son problème c'est que l'arc est pour le coup très éloigné de ce qui a pu être fait jusqu'à maintenant. On a du mal à comprendre les nouvelles mécaniques, les nouveaux personnages ne semblent être ni des amis ni des ennemis, et surtout, Ichigo devient le seul et unique personnage central. Alors l'arc possède une dimension plus psychologique assez intéressante du côté du développement de chaque personnage comparés aux autres arcs qui se contentaient surtout de montrer de l'aventure et de la baston. Néanmoins celui-ci sera finalement si court qu'une fois arrivé à la fin, on sentira clairement que l'auteur n'a pas eu le temps de raconter tout ce qu'il aurait souhaité. Et au final c'est peut-être ça qui rend cet arc si anecdotique, car si l'arc était assez dur d'approche de par sa grande différence avec les précédents, il possédait un potentiel certain qui a aucun instant ne semblera pleinement exploité, les chapitres d'introduction et les gags de meublage semblant s'enchaîner sans plus de raison en globalité. Un arc qui aurait peut-être pu marquer les esprits si il avait pu être développé jusqu'au bout donc...
Mais allez, ce n'est qu'une erreur de parcours, on sait tous que BLEACH a encore moyen de nous ramener du flouze alors on relance la machine avec l'arc décisif où l'on tente le tout pour le tout, soit la phase finale : l'arc "Quincy" du T.55 à 74.
Et là c'est le drame.
BLEACH est devenu ce que l'on redoutait tous : une pâle copie de ce qu'il savait déjà faire, mais en moins bien. Déjà le principal défaut de l'arc sera qu'il démarrera tout simplement en trombe en offrant des combats plus spectaculaires les uns que les autres. Ainsi vous vous en doutez, la suite n'atteindra plus jamais ce niveau, malgré quelques bonnes idées datant sûrement des prémisses de l'œuvre que l'auteur n'avait pas encore eu le temps de glisser dans son récit jusque-là. Mais la suite du manga tombera progressivement dans tout ce qu'il a su faire de plus mauvais : encore et toujours plus d'ennemis Kleenex, des pouvoirs désormais totalement illogiques et incompréhensibles, un boss final tout simplement invincible, et même pour la première fois du très mauvais fanservice où l'on ramène des morts à la vie et où les personnages les plus populaires semblent increvables. La cerise sur le gâteau ? Ichigo qui bouffait littéralement tous les autres personnages jusqu'à maintenant sera quasiment absent pendant tout cet arc final ! Et cet arc alors, c'est long... Dieu si c'est long ! Et tout ça pour quoi ? Pour une fin que tout auteur qui ne rapporte plus assez mérite : une conclusion bâclée qui n'a même pas eu le temps de boucler son récit, laissant derrière elle un combat final qui tient en seulement quelques chapitres, une fin à moitié ouverte, de nombreux personnages dont le devenir reste incertain, et un épilogue aussi cliché qu'expéditif.
Et voilà. Après 15 ans de publication, BLEACH s'en est allé dans l'incompréhension de tous, avec un certain « Ouf ! » de soulagement libérateur tout de même, car c'est maintenant clair et net : BLEACH a fait son temps. Et il était grand temps qu'il puisse reposer en paix dans les mémoires des lecteurs de la première heure.
Le héros sans but
Ceci étant dit, parlons maintenant des différents personnages qui peuplent cette aventure, car pour le coup ils sont très nombreux mais peuvent se classer assez facilement.
Nous avons d'abord notre groupe de héros principal, avec bien évidemment notre personnage central. Ichigo change des héros tête brûlée habituels de shônen puisqu'il se révèle bien plus sage et mature et moins m'as-tu-vu malgré son aspect de jeune délinquant, une particularité que j'apprécie tout particulièrement même si dans le fond il n'est pas si différent d'eux sur d'autres aspects comme le courage, son sens aigu de la justice ou encore le fait de tout faire pour protéger ses amis, bref les valeurs propres aux shônens nekketsu habituels. Ichigo est donc un personnage plutôt ordinaire et facile d'approche mais qui possède tout de même son franc parler et sait rester fidèle à ses convictions, faisant de lui un bon personnage principal. Néanmoins sa personnalité plus posée et réaliste se révèlera également être son plus gros défaut puisqu'Ichigo, même en devenant shinigami, ne développera aucun nouveau but autre que celui de vouloir vivre une vie normale et tranquille entouré de ses proches. Ichigo d'ailleurs n'ira jamais se battre pour lui-même ou pour accomplir quelque chose, il n'ira que si l'un de ses amis se retrouve en danger, rien d'autre ne viendra le motiver à prendre part à un combat ou une guerre, et c'est ce manque de but au final qui le rendra de plus en plus fade malheureusement.
Pour ma part il m'est assez difficile de donner mon avis sur Ichigo. S'il est vrai qu'il est un héros beaucoup moins marquant que Naruto ou Luffy par exemple, je trouve néanmoins qu'il a une personnalité pour le coup bien plus agréable que les autres héros braillards habituels qui auraient vite fait de nous taper sur le système si ils n'avaient pas d'histoire pour venir les développer. De plus, Ichigo possède ce côté humble en refusant de se voir comme un espèce de sauveur ou de héros mais qui pourtant ne détournera jamais les yeux devant une injustice et ne lâchera jamais rien quand il saura qu'il a un devoir à accomplir, et c'est ce qui le rendra si humain. Ainsi si certains pourront le trouver vide, moi je le trouve authentique, tout simplement. Certes sa vie idéale ne fait pas rêver, mais dans un monde rempli de fantaisie et de batailles comme le sien, n'est-ce pas justement le même quotidien banal mais paisible que nous rechercherions aussi ? Bref, un héros principal en demi-teinte, qui perd de son charme avec le temps certes, mais comme l'histoire j'ai envie de dire. Il n'empêche qu'il a su garder ses valeurs jusqu'à la fin (et ce sont en soi de belles valeurs à mon sens) et je crois que c'est ce qui est le plus important au final.
Ichigo sera vite accompagné par certains de ses camarades de classe, à savoir Ishida, le garçon studieux et intelligent qui se placera donc comme son premier rival avec ses lunettes carrées et son air dédaigneux. Ishida sera un personnage intéressant dans le sens où là aussi il ne sera pas forcément présenté comme "l'ami d'Ichigo". Les deux ont des valeurs différentes et apprendront à se respecter mutuellement au fil du manga sans jamais trahir leurs convictions personnelles cependant. Nous aurons également Sadô (dit Chad), un grand costaud au coeur bon et à l'âme pacifiste mais qui malheureusement, malgré sa grande complicité avec Ichigo, restera peut-être le personnage le plus sous-développé du manga (vraisemblablement car il était censé briller durant l'arc Fullbringer qui s'est donc vu coupé en plein élan...). Et enfin Inoue, une jeune fille aussi candide que bizarre mais qui sous ses airs de greluche fera preuve d'une énorme force mentale et du cœur le plus pur qui soit. Inoue est la fameuse "fille" du manga, celle qui n'aime pas se battre, qui est amoureuse du héros et qui est toujours conciliante et souriante, bref le cliché qui n'a jamais fonctionné par chez nous. Et pourtant Inoue est un personnage admirablement bien développé qui, si il est vrai qu'elle est totalement inutile durant les combats, sera néanmoins un énorme soutien mental pour ses compagnons et notamment pour Ichigo. Elle se révélera souvent d'une importance capitale dans l'évolution psychique de nos héros voire même des ennemis, étant toujours là pour les soutenir et les faire avancer sans jamais les juger alors qu'elle même garde toutes ses craintes au fond d'elle sans jamais embarrasser les autres avec ses problèmes. Un personnage difficile à réellement mettre en avant dans une œuvre d'action comme BLEACH mais qui possèdera des qualités à ne pas ignorer pour autant.
Mais notre héros sera surtout rejoint par l'autre héroïne du manga, à savoir Rukia, shinigami novice qui devra rester sur Terre le temps de régénérer les pouvoirs qu'elle a "prêté" à Ichigo. Alors là clairement, Rukia se pose en ovni dans l'univers des héroïnes de shônen avec son caractère un peu gauche et garçon manqué et sa franchise désarmante. Et pourtant ça ne l'empêche pas de parfaitement s'intégrer dans l'univers. À la fois forte et fragile, la camarade d'Ichigo est un personnage que l'on ne peut ignorer tant elle apporte à l'intrigue via le lien de camaraderie qu'elle réussit à créer avec Ichigo. À la manière de deux bons potes se soutenant mutuellement, le tandem fonctionne parfaitement et là encore, Rukia ne vire pas dans l'héroïne mielleuse et inutile (et ne tombera pas amoureuse du héros !!), même lorsqu'elle est pieds et poings liés. Une héroïne remarquable qui là encore ne se trahit pas. Il est juste assez dommage que l'intrigue avançant, celle-ci finisse par se concentrer bien plus sur Ichigo que sur Rukia qui deviendra un personnage parmi tant d'autre puisqu'elle n'aura plus grand chose à raconter une fois son arc passé et fera de moins en moins équipe avec Ichigo.
Nous découvrirons ensuite plusieurs factions tout au long de l'œuvre, généralement les ennemis de chaque arc :
Pour commencer les Hollows qui ne sont ni plus ni moins que des âmes vengeresses qui n'ont jamais pu monter au ciel et ont fini par se transformer en monstre qui s'en prennent aux humains. Il n'y a pas grand chose à dire sur ces créatures qui sont surtout là pour introduire l'univers et les mécaniques des pouvoirs de shinigami. Généralement chaque Hollow aura été lié durant son vivant à la personne qu'il attaque, occasionnant quelques histoires larmoyantes, mais ça n'ira pas beaucoup plus loin. Le Hollow se fait battre et monte au ciel et voilà.
Parlons donc plutôt de ces fameux Shinigamis avec notamment les 13 Divisions (Gotei 13), l'équivalent de l'armée chargée de protéger la Soul Society. Chacune des divisions possèdent son propre Capitaine et Vice-capitaine. Cela fait beaucoup de personnages mais l'auteur parvient tout de même à les rendre tous marquant à leur niveau, chacun possédant ses propres spécificités et avec des Capitaines plus cools les uns que les autres, vous trouverez de tout ! Bien sûr, ils ne seront pas tous développés de manière égale mais parviendront tout de même à rester en mémoire, ne serait-ce que par les différentes relations qu'ils entretiennent avec ceux qui sont le plus mis en avant. Au final le seul vrai problème des 13 Divisions c'est qu'on a un peu de mal à comprendre en quoi consiste chacune d'elle, car si certaines comme la 2e Division spécialisée dans l'espionnage et l'assassinat ou la 11e Division spécialisée dans le combat et la force brute se démarquent sans mal, on aura souvent du mal à dire en quoi la 7e et la 9e Division sont différentes et pourquoi tel ou tel Capitaine a été choisi pour cette Division plutôt qu'une autre...
Viendront par la suite les Arrancars, des Hollows qui ont su évoluer et développer des grands pouvoirs. Les Arrancars sont d'abord des antagonistes qui frappent fort mais qui amèneront avec eux nombre d'interrogations d'ordre plus philosophique puisque chacun se questionnera sur sa condition de Hollow et de "survivant". On a donc des personnalités dans l'ensemble assez matures et surtout des personnages à la classe inébranlable et aux pouvoirs ma foi intéressants. Il est dommage que là encore tous ne soient pas développés avec la même profondeur. On pensera notamment à ceux qui apparaissent sur la fin et se retrouvent assez expédiés malgré leur grande puissance puisqu'il fallait se dépêcher de conclure l'arc, une vraie déception quand on voit le temps accordé à certains sous-fifres inutiles en début d'arc.
On n'oublie pas les Vizards et les Fullbringers qui seront des sortes de "clans" annexes ni ami, ni ennemi puisqu'ils suivront simplement leur propre objectif. Si les Vizards sont d'abord très mystérieux et plutôt difficiles d'approche avec leur personnalité assez wtf, leur histoire restera néanmoins la plus travaillée de tout le manga, les rendant extrêmement marquant malgré leurs apparitions assez furtives dans l'ensemble.On ne pourra malheureusement pas en dire autant des Fullbringers avec leur personnalité et objectifs plutôt fades et clichés. Leurs capacités se révéleront intéressantes mais assez mal développées malheureusement, les rendant donc assez peu mémorables, à l'image de leur arc...
On finira avec les fameux Quincy toujours dignes mais qui font preuve d'une violence et d'un pragmatisme assez déroutants. Soyons honnêtes, une bonne partie des Quincy sera bonne à jeter. Déjà parce qu'il y en a de toute façon beaucoup trop, et surtout parce qu'ils n'apportent strictement rien à l'histoire des héros (étant bien plus liés au lore et à l'histoire des shinigamis à la base), du coup on a du mal à se prendre de sympathie pour eux. Je n'ose même pas parler de leurs pouvoirs qui sont tout bonnement incompréhensibles, rien n'est logique, et de l'un à l'autre on peut trouver des capacités et des valeurs ou des objectifs complètements opposés. Difficile ainsi de voir autre chose que des soldats à la botte de leur chef bien trop puissant pour ce monde qui reste classe, certes, mais au final très cliché dans son rôle de méchant pas beau qui veut dominer l'univers...
Ainsi on pourrait s'attarder des heures durant sur tous les personnages de BLEACH tant ils sont tous ne serait-ce qu'un tant soit peu développés. Mais ils ont tous un problème similaire qui est leur absence d'évolution dans la suite de l'histoire. C'est simple, dans l'arc final, les personnages qui évoluent sont seulement ceux qui n'avaient pas encore eu droit à leur développement dans le début de l'histoire. Je conçois qu'il est dur de trouver quelque chose de conséquent pour chacun des personnages, mais dans ce cas, pourquoi Kubo s'est-il entêté à en rajouter encore et encore, jusqu'au point où ils ne deviennent même plus utiles à l'intrigue ? Et pourquoi certains se sont subitement stoppés en plein dans leur développement ? Et pourquoi faire un focus aussi gros sur Ichigo dans chaque arc en lui donnant tous les pouvoirs du monde et en le laissant battre à peu près 80% des ennemis pendant que les cinquante autres personnages se partagent les miettes ? Bref, beaucoup d'ambiguïté autour de tout ça, bien que les bruits de couloirs pointent souvent l'éditeur qui a du jouer un certain rôle vu qu'il n'était vraisemblablement jamais d'accord avec l'évolution de l'intrigue choisie par Kubo, et probablement que Kubo lui-même a fini par préférer la quantité à la qualité (on voit très bien la différence de travail sur les personnages de la première partie et de la deuxième), peut-être pour espérer grapiller quelques chapitres de plus dans le JUMP... bref, on ne saura jamais !
Mais une chose est sûre : les personnages de BLEACH sont une des forces du manga, de par leur diversité et leur développement même pour les plus secondaires. On regrettera seulement que ce soit toujours les plus populaires qui reviennent de manière régulière alors même que d'autres personnages auraient été bien plus logiques à certains moments (genre il y a 13 Divisions mais bizarrement ce sont toujours les 5 mêmes qu'on envoie au front...), ou bien plus simplement que chaque arc qui est pourtant censé être centré sur un des compagnons d'Ichigo à chaque fois mette totalement le personnage en question au second plan au profit d'un Ichigo toujours plus craqué.
Street & Pop art
Venons-en maintenant à l'aspect purement technique du manga.
On peut dire que dans les premiers tomes, le coup de crayon était assez rébarbatif, pas très maitrisé et pas forcément joli, notamment le côté "fil de fer" des corps et un design pour le coup assez éloigné de votre manga habituel. Puis le dessin a évolué, très rapidement, et le tout est passé de maladroit, à beau, à splendide ! Le trait de Kubo dans les derniers tomes est juste parfaitement maîtrisé en plus d'être plutôt esthétique sans trop tirer sur le style manga toujours, lui donnant un style reconnaissable immédiatement. On appréciera notamment les diverses illustrations couleurs aux allures pop art et street art qui contrastent pas mal avec les références plus inspirées du japon traditionnel de l'histoire. En dehors de ça, les chara designs de Kubo sont dans l'ensemble très efficaces avec des faciès bien différentiables. Là où les ennemis deviennent tout bonnement inutiles vers la fin, on ne peut leur enlever une apparence pouvant être aussi classe que totalement bizarre (mais dans le bon sens du terme). Certes, pour certains ça pouvait frôler quelques fois le ridicule mais on ne peut nier que pour la majorité, ils ont quand même de la gueule.
Mais ce qui en a encore plus, c'est le découpage des cases, chose dans laquelle Kubo excelle. Les plans arrivent à retranscrire n'importe quelle ambiance à merveille, allant parfois même jusqu'à se rapprocher des plans cinématographiques. De plus, on n'est jamais perdu malgré les combats incessants, tout est extrêmement fluide. Il y a malgré tout deux reproches que l'on pourra faire : la disparition des arrière-plans au fil des tomes (avec des décors de plus en plus minimalistes, et encore, quand Kubo prend la peine de le dessiner) et le peu de texte (qui se raréfiera de plus en plus au fil du temps également) qui fait qu'on a vite fait de lire un tome en à peine 15 minutes. Ce sera encore plus vrai à mesure qu'on avance dans la lecture car plus le temps passe, et plus BLEACH se résumera à un enchaînement de combats, parfois sans grand intérêt avec des sbires qu'on oubliera aussi vite qu'ils sont arrivés, du coup ça se contente de se taper, inutile d'expliquer le pourquoi du comment puisque de toute manière tout le monde s'en fiche un peu, et puis le beau style graphique fera passer le truc. Et en vrai c'est plutôt dommage... Car lors des scènes fortes, Kubo arrivera toujours à nous faire passer le message, notamment grâce à des textes à la fois très poétiques et imagés (on retiendra les magnifiques citations qui ouvrent le début de chaque tome), comme on peut le voir dans les dernières paroles de Yhwach (l'antagoniste final de la série) qui, bien que sortant à moitié de nulle part à cause de cette conclusion rushée, font passer un message fort et très parlant.
Car en effet, il faut savoir que ce qui permet à BLEACH de se démarquer des autres shônen également, c'est le ton qu'il adopte. Comparé à la plupart des shônens classiques pour adolescents, BLEACH prendra un ton beaucoup plus mature et réaliste, comme on peut le voir avec Ichigo par exemple qui réagit beaucoup plus comme un vrai adolescent de son âge et qui a la tête sur les épaules. On remarque également qu'en dehors de ses compagnons d'armes, la grande majorité des personnages qui composent BLEACH ne sont pas des adolescents comme dans la plupart des shônens mais plus souvent des jeunes adultes, voire des adultes chevronnés qui ont déjà un vécu derrière eux, ce qui peut donc expliquer leurs échanges plus mûrs. En effet BLEACH se définira par une mélancolie omniprésente. Pas forcément très dramatique ou tire-larmes, car là encore BLEACH reste dans le réalisme et donc aussi dans la mesure, mais il renvoie toujours à cette aspect assez philosophique voire fataliste d'une vie faite de contraintes où la mort n'est qu'une composante de l'univers parmi tout le reste et se révèle ainsi aussi naturelle qu'inéluctable, ceci étant notamment illustré par les shinigamis qui existent eux aussi grâce à/ à cause d'elle.
BLEACH possèdera bien évidemment les valeurs de tout bon shônen qui se respecte avec la confiance en ses amis, le bien qui doit guider nos actions, ou le fait de ne pas tuer pour tuer, néanmoins ce seront des aspects qui seront mis en avant de manière beaucoup moins théâtrale que dans les autres mangas. BLEACH conservera toujours ce côté gris et mesuré où les personnages devront apprendre à faire preuve d'humilité et à vivre avec leurs erreurs et leurs regrets, car il n'y a que comme ça qu'ils pourront finalement avancer. Une ambiance un peu à contre-courant des messages d'espoir et d'amitié lancés à tout va dans les autres nekketsu mais qui donne donc à BLEACH sa propre identité et qui parlera peut-être à une génération de lecteur un peu plus âgés, bien que le tout restera malgré cela très grand public comme dans n'importe quelle série du Shônen JUMP. On pourra noter par exemple l'humour très présent malgré tout avec des personnages aux habitudes souvent originales ou qui sont dans l'ensemble assez rentre-dedans. De même les personnages, malgré les épreuves qu'ils traversent, avancent finalement toujours avec conviction et il est assez rare de les voir craquer au final. On notera aussi un fanservice plutôt efficace car relativement discret et bien utilisé dans l'ensemble (si on omet un certain forcing à plusieurs niveaux dans le dernier arc mais ça arrive sur le tard donc voilà) et qui rend donc l'oeuvre assez divertissante sans qu'elle ne se noie pour autant dedans comme ça a pu être le cas pour FAIRY TAIL par exemple.
The long tale of The Death and The Strawberry
Si je devais parler de BLEACH subjectivement, quoi qu'on puisse me dire, l'arc Soul Society en fait mon ultime manga préféré. J'aime son univers, j'aime ses personnages, j'aime ses thématiques et surtout, j'aime l'ambiance qu'il s'en dégage et les diverses interrogations plus philosophiques que le récit soulève.
Si je devais parler de BLEACH objectivement, j'en parlerai comme étant le parfait exemple du long shônen qui a trop duré. Les gens ont tendance à l'avoir oublié avec le temps mais BLEACH a bel et bien fait parti des trois successeurs du sacro-saint Dragon Ball. Il avait une force sûre à ses débuts, avec des personnages principaux peu conventionnels et surtout plus matures que la moyenne du genre shônen. En effet, les personnages avaient des passés durs, se posaient de vraies bonnes questions et avaient une réflexion plus terre à terre que dans les autres mangas. De même pour l'histoire autour de Rukia qui paraît simplette et clichée en surface mais qui relevait en réalité d'une machination bien plus pragmatique et élaborée. Bref, BLEACH ne prenait pas ses lecteurs pour des imbéciles, et même si Kubo a eu tendance à oublier cela dans les derniers arcs, on retrouvait toujours quelque part ces réflexions intrinsèques et ces parts d'ombre dans le récit.
En conclusion, BLEACH est un manga à lire !
Peut-être pas en entier, certes. La plupart s'accorderont à dire que la fin de l'arc Arrancar apportait une conclusion satisfaisante avec elle et que la suite n'a que peu d'intérêt (ce que je ne vais pas nier), néanmoins tout le début du manga le place réellement dans le haut du panier à tous les niveaux. Car si BLEACH peut sembler assez convenu en reprenant toutes les ficelles de ses prédécesseurs, réussir à en faire quelque chose d'unique qui donne à une oeuvre son identité n'est en réalité pas chose aisée et pourtant Kubo y sera très largement parvenu. La logique de son univers s'effritera avec le temps, mais celui-ci demeure malgré tout efficace et différent de ce qu'ont pu offrir la majorité des autres mangas du genre. Un hit qu'on pensait voir tomber dans l'oubli et qui pourtant parvient toujours à susciter un certain engouement même après toutes ces années, comme a pu en témoigner son retour fulgurant en anime cette année. Une légende du manga qui n'a pas usurpé son titre de shônen culte !