Dessiner le son ; tel est le défi que se lance le mangaka Shin’ichi Ishizuka avec sa série Blue Giant et sa suite, Blue Giant Supreme (une troisième « acte », Blue Giant Explorer, étant en cours de parution), qui se déroule dans le monde du jazz, style pour lequel l’auteur voue une passion depuis ses études aux États-Unis. Pourtant, c’est du côté des mangas de sport (supokon, en japonais) et de course automobile qu’il va puiser son inspiration. « Quand j’ai commencé à travailler avec M. Katsuki, mon éditeur sur le projet, nous n'avions pas comme références des mangas de musique mais des mangas de courses de voitures, où les choses vont très vite, ou des mangas de sport comme le baseball où le lanceur enverrait une balle très rapidement et le batteur la renverrait avec encore plus de vitesse et de dynamique. » déclare Ishizuka auprès de France Info. Les nombreuses séquences de performances scéniques rendent ainsi compte de cette conception sportive de la prouesse musicale ; par les regards des personnages et leurs gestes musicaux échangés, ils lancent un solo comme ils se lanceraient une balle, courant ensuite à vive allure après le jeu de l’autre. Le trait est vif, explosif, et le découpage, dynamique. Épique, le dessin de Ishizuka parvient à figurer la vitesse, l’énergie et l’intensité de la musique, dessinant une bande-son que chaque lecteur jouera dans sa tête.


Dans une logique sportive toujours, Blue Giant rend également compte de la tension existante dans le milieu de la musique entre le personnel et le collectif. Dans les premiers tomes, le héros, Dai Miyamoto apprend le saxophone en autodidacte et joue en solitaire sur les rives de la rivière Hirose. Mais une fois au sein d’un groupe, les enjeux changent ; la personnalité de jeu doit désormais s’exprimer dans un ensemble, chaque musicien devant jouer pour soutenir l’autre sans l’écraser. Les divergences artistiques et les différences de caractères comme la question du nom de la formation qui traverse par exemple Blue Giant Supreme instaurent ainsi un dialogue permanent entre l’individuel et le collectif, source pour le lecteur de suspens et de plaisir. Ishizuka a par ailleurs lui-même l’intelligence de laisser exister les personnages secondaires en dehors du cadre du groupe formé autour du personnage principal.


En adaptant formule éprouvée – celui du nekketsu – à un univers singulier – le jazz – Shin’ichi Ishizuka signe une série d’exception qui se bonifie de tome en tome.

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le 29 avr. 2024

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