Ce tome fait suite à The man on the Wall (épisodes 1 à 5) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 6 à 11, initialement parus en 2015, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Marco Rudy, aidé par Langdon Foss qui dessine l'épisode 7 et quelques pages de l'épisode 6, et 10 pages de l'épisode 11. Ces 11 épisodes forment une saison complète.


Sur la planète Mer-Z-Bow, la reine Ventolin Xtal emmène Daisy Johnson et Bucky Barnes (celui de 200 ans dans le futur) voir comment Bucky Barnes (Le Man on the Wall du présent) guérit, plongé dans des fluides réparateurs. Chemin faisant, la reine explique qu'elle a bien compris qu'elle doit se défendre contre Crossbones (Brock Rumlow) qui ne semble pas être celui du présent. Le Bucky du futur explique son histoire et qui est ce Crossbones.


De son côté, Crossobones prépare son action suivante, dans son vaisseau spatial dont la forme est très particulière et en dit long sur ses intentions. Avec la connaissance du futur, Bucky Barnes met en évidence pour le Bucky du présent à quel point la guerre et l'amour sont entremêlés dans son histoire personnelle. Mais où est passé Loki ?


Le lecteur découvre donc la deuxième partie de ce récit complet réalisé par un scénariste inventif et un artiste tout feu flamme (Marco Rudy). La première partie était un peu frustrante dans la mesure où la composition des pages était magnifique d'innovation et d'ambition, mais la narration pas toujours en cohérence de phase entre l'intrigue et les images, et avec de nombreux non-dits ce qui ne facilitait pas la compréhension, et obérait quelque peu le plaisir de lecture, en tout cas le diminuait d'un cran.


Fort heureusement l'épisode 6 apporte une clé de compréhension majeure : la provenance de ce Bucky Barnes plus âgé. À partir de ce moment, le lecteur reprend pied dans l'intrigue et il est en mesure d'en apprécier les différents enjeux. Lors de la réapparition de Loki, Ales Kot fait également le nécessaire éclaircir les raison de son implication, et ce qu'il a à y gagner. Le scénariste avait donc bien bâti une intrigue rigoureuse, mais la forme de la narration retenue pour la première moitié du récit la rendait un peu trop nébuleuse.


Grâce à ce retour à un niveau de compréhension satisfaisant, le lecteur comprend mieux les choix graphiques. Comme dans la première partie, le contraste entre Marco Rudy et Langdon Foss est énorme. Ce dernier dessine de manière détaillée, avec des lignes de contour assez fines, dans une approche concrète. Il s'inscrit dans un registre figuratif, avec une volonté de donner de la substance aux scènes qu'il doit illustrer. Le lecteur voit donc un monde de science-fiction à la technologie futuriste, au service de l'être humain. Foss a une petite tendance à arrondir les contours, ce qui dédramatise ce qu'il représente, en particulier les scènes de combat. Par contre, il se plie aux exigences du scénarise, que ce soit pour le nombre de cases par page (jusqu'à 16, en 4 par 4) afin de respecter le rythme souhaité pour la narration, ou que ce soit pour ce qui est représenté (par exemple une vingtaine d'images juxtaposées en page 14 de l'épisode 6 pour figurer une remontée de souvenirs dans l'esprit de Bucky).


Une page bonus en fin de tome montre d'ailleurs que Kot n'avait pas donné beaucoup d'indications à Foss sur ce qu'il devait représenter et que ce dernier a dû accomplir un véritable travail d'écriture pour aboutir à cette composition. Avec cette indication, le lecteur se rend compte que derrière l'apparence simple et détaillée des dessins de Foss, il y a un travail de conception de ce qui doit figurer dans les images dont une partie significative incombe à l'artiste.


Les pages réalisées par Marco Rudy en imposent immédiatement plus au lecteur. Dès les couvertures de chaque épisode, le lecteur peut apprécier sa volonté de réaliser une composition dépassant la dimension figurative. Ainsi sur 3 des 6 couvertures, le lecteur peut détecter le motif de la tête, simplifié pour ne conserver que 2 ronds (un pour chaque œil), et un troisième pour l'ouverture buccale. Ainsi sur la couverture de l'épisode 7, les nuages forment une vague tête de mort, rendue identifiable par la corde du cerf-volant, ces 2 composantes s'amalgamant pour représenter le masque de Crossbones (sans oublier le premier niveau de l'image, un enfant jouant au cerf-volant). Sur la couverture de l'épisode 8, ce sont 3 trous laissés par des balles sur une cible qui évoque la forme d'une tête, avec là aussi une autre image au premier degré. Les pages bonus contiennent pas moins de 16 autres sketchs en couleurs réalisés pour autant d'études préparatoires de couverture, tous des dessins différents.


Rudy emploie une technique s'apparentant à la peinture (infographique ou non, difficile à dire), souvent sans trait de contour pour délimiter les surfaces. Comme dans le premier tome, cet artiste modifie son découpage, à chaque planche. Il conçoit la structure de la narration visuelle, à l'échelle de la page ou de la double page. Il n'y a pas de cases sagement alignées sur un gaufrier, il y a soit une image centrale autour de laquelle les autres cases se rattachent selon un motif en spirale ou en branches, soit un motif géométrique de base qui impose la forme des bordures (traits, arabesques, cercles concentriques) et qui guide l'œil dans l'ordre de lecture des cases.


Le lecteur apprécie d'autant plus ces élégantes compositions qu'elles sont en phase avec l'intrigue qui est plus accessible à l'entendement. Du coup l'osmose entre ces 2 composantes narratives (composition des pages et intrigue) permet aux 2 de se compléter. L'approche conceptuelle des dessins rend la narration adulte. Marco Rudy varie le degré de figuration et d'expressionnisme en fonction de la nature de chaque scène pour lui donner plus de force. Il effectue lui-même la mise en couleurs (puisqu'elle ne sert pas qu'à remplir les contours), adoptant des teintes parfois un peu claires dans des tons, jaune, rose, violet, rouge, parfois un peu surprenantes (sûrement dû à la nature différente du soleil de la planète Mer-Z-Bow).


Dans cette deuxième partie, le scénariste fat la part belle à son intrigue, plus qu'aux personnages. Il s'agit donc plus d'une sorte de thriller à suspense, que d'une étude de mœurs. Les principaux protagonistes ne sont pas interchangeables, mais leur personnalité ne s'exprime qu'au travers de leurs propos, après que les éléments indispensables à l'intrigue aient été formulés. Ales Kot a su profiter de la nouvelle position de Bucky Barnes (défenseur de la Terre contre des menaces extraterrestres insidieuses, c'est-à-dire pas des invasions en bonne et due forme) pour l'extraire de son milieu habituel (bras droit de Captain America) et profiter ainsi de l'espace de liberté.


Le scénariste utilise donc l'environnement d'une planète inconnue et habitée, ainsi que le voyage dans le passé d'un Bucky Barnes venant de 200 ans dans le futur. Il évite le schéma habituel de Cable (Nathan Summers) tous flingues dehors, pour mêler un conflit ayant atteint un nouveau niveau (ce qui justifie l'irruption dans le présent), et un trafic d'un genre assez original. Il se montre très habile en mettant en scène ses protagonistes dans des endroits variés, aussi bien sur la planète Mer-Z-Bow que dans l'espace, ou encore dans le futur. Son intrigue emprunte au genre science-fiction avec une race extraterrestre et des créatures exotiques, au genre opéra de l'espace, ou encore aux voyages dans le temps, avec un pot aux roses original, et un dénouement satisfaisant dans le cadre d'une aventure pour un héros récurrent. Il n'y a que le rôle du Grand Reznor qui laisse le lecteur perplexe, cet animal ayant été déclaré essentiel dans le premier épisode, ne servant au final pas à grand-chose.


Dès le début de cette série, ses auteurs savaient que leur temps était compté. L'omni crossover Secret Wars 2015 se profilait à l'horizon, leur laissant une dizaine d'épisodes au maximum, pour exister. Ils savaient également que leur travail serait comparé à celui d'Ed Brubaker et Steve Epting, les créateurs sur Winter Soldier. La fonction de Man on the wall permettait d'extraire le personnage de son rôle d'espion englué dans ses crimes passés (situation finalement assez proche de celle de Black Widow), pour le projeter dans l'espace.


Ales Kot a donc conçu un récit fini, indépendant de la continuité, avec une intrigue bien ficelée. Il a bénéficié des pages immédiatement envoûtantes de Marco Rudy, et du travail plus discret mais tout aussi conceptuel de Langdon Foss (avec qui il a réalisé l'incroyable The Surface). Toutefois, son choix de construction narrative a déstabilisé le lecteur au point qu'il se sente perdu dans la première partie, et qu'il éprouve des difficultés à s'impliquer dans des personnages devenus un peu superficiels dans la deuxième partie. 4 étoiles. Ales Kot a réalisé une bien meilleure saison sur la série Secret Avengers, avec Michael Walsh en 3 tomes : (1) Let's have a problem, (2) The labyrinth, et (3) God level.

Presence
8
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le 23 mars 2020

Critique lue 61 fois

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