Building Stories
8.5
Building Stories

Roman graphique de Chris Ware (2012)

par Sylvain Quément
CAPE GRAPHIC NOVELS

A l'heure où des geeks impeccables en viennent à pondre des théories exaltées quant à son usage de la perspective isométrique, alors que la critique anglophone se touche à la simple évocation du nom du maître, que va-t-on bien pouvoir ajouter ? Ils ont absolument raison. Chris Ware, l'homme à tête de cacahuète, avait une drôle de maison, sa maison est en carton, les escaliers sont en papier. Aux trois étages, des femmes, des hommes, un chat et une abeille vivent, et l'auteur nous les raconte, armé de ce titre à double sens désignant tout autant les « histoires de l'immeuble » que cette application méticuleuse à vouloir encore et plus que jamais « construire des histoires ».

Car « Pourquoi, bordel, tous les bons livres devraient-ils nous parler des pervers ou des criminels ? Est-ce que je ne peux pas en trouver un qui parlerait des gens normaux vivant leur vie de tous les jours ? ». Au détour d'une page, le programme est annoncé par personnage interposé. Structuré autour de journées-clé égrenant rencontres, décès et leur lot commun de révélations, c'est un récit de vie choral et fictionnel qui se déploie. Souci du temps, du couple, de l'enfantement, de la dégradation du corps : du problème de plomberie au flirt qui vient briser la solitude, Ware décante ce quotidien si familier pour en extraire tout le substrat dramaturgique. A des années-lumière, faut-il le dire, de la fausse connivence entretenue autour d'une médiocrité partagée, des strips de chat sympa ou des histoires de chasses d'eau d’un quelconque connard en voyage...

Dans cette boite à souvenirs en forme de jeu de société qui ne se contente pas d'épater la galerie, le lecteur découvre autant de fragments de vie gigognes : de la simple bande de papier imprimée au carnet cartonné, du format tabloïd à la reliure dos toilé. Sans esbroufe, la multiplication des formats s'avère délibérément propice à d'infinies variations délicates sur les degrés de réalisme du dessin. Médusés, on observe page après page l'avancée de ses recherches vertigineuses quant à la nature du langage : chaque technique y fait sens, de la séquence muette au monologue en voix off, du phylactère vide à ces diagrammes dont l'auteur a désormais fait une véritable marque de fabrique. (...)

Lire la suite sur : http://www.chronicart.com/bandes-dessinees/chris-ware-building-stories/
Chro
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le 4 avr. 2014

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