« Mais maintenant, tu sais peut-être contre quoi on se bat. » BILLY BUTCHER

Garth Ennis ment comme un arracheur de dents dès qu’il se retrouve face à la presse. Dans chacune de ses interview, il dit qu’il déteste les super-héros et moi je l’affirme, c’est un mensonge. Pour quelqu’un qui est censé détester à ce point la brigade des encapés, il narre quand même souvent leurs aventures. Après le succès de Preacher (pour les fans, il y a d’ailleurs une chouette surprise planqué quelque part dans ces pages), Garth Ennis pouvait écrire à peu près ce qu’il voulait. Personne ne lui a mis un flingue sur la tempe en lui disant qu’il devait pondre l’histoire de branleurs à super pouvoir.

Garth Ennis, en fin de compte, déteste peut-être les mauvais comics de super-héros. Et, il déteste probablement la façon dont ce genre domine l’industrie des comics aux États-Unis. Mais au fond de lui, je sais qu’il les aime, ses enfoirés en costume bariolé.

Il pourrait répondre que The Boys existe essentiellement pour dégrader et souiller ses vieilles icônes frelaté. Mais, si The Boys était juste un moyen de taper sur les super-héros, la blague, ce serait éventé. The Boys n’est pas qu’une satire d’un genre, c’est aussi une métaphore percutante des maux de notre société.

Même si Garth Ennis nous raconte que c’est juste un délire subversif, je pense que le scénariste fait en réalité une constatation redoutable du complexe milito-industriel américain. J’imagine que les sentiments de Garth Ennis envers cette institution sont semblables à ceux qu’il ressent à l’égard des super-héros, un respect craintif quand l’emploi est sage, et une colère virulente face aux abus.

Garth Ennis s’imagine peut-être comme une personne acerbe qui cogne dur, à l’image de Butcher. Mais, en réalité, il ressemble plus à Hughie, le type sympa qui a des choses à reprocher au super-héros, mais qui les colle de tellement près qu’il se retrouve avec la figure pleine de… Enfin, vous verrez dans le comics.

The Boys (Intégrale - Tome 2) : Ça va saigner ! arrive chez nous, en France, en 2012 édité par Panini Comics. Le tome contient quatre chapitres, ce qui fait 16 issues à découvrir :

#15 - #18 : Good For The Soul

#19 - #22 : I Tell You No Lie, G.I.

#23 - #28 : We Gotta Go Now

#30 : Rodeo Fuck

Ce deuxième volume s’apprécie si vous avez une certaine tolérance face au dégueulasse, au contenu à caractère sexuelle et à l'humour féroce. Garth Ennis est l’un des scénaristes les plus agressifs de l'univers du comics et va démolir avec une rare radicalité le monde des supers-héros. Ce n'est même plus une question de burlesque. Les supers-slips sont décadents, psychopathes, névrosés et tout simplement irresponsables. Vous êtes prévenues, mais si vous en êtes au tome 2, c'est que vous en redemandez.

Ce second volume apporte une dose de vulnérabilité bienvenue aux personnages. Nous découvrons véritablement les conséquences psychologiques sur le comportement des supers-héros et sur la puissante firme Vought American. Hughie, notre jeune et sympathique écossais, découvre la véritable horreur qui se cache derrière certaines organisations de supers-héros comme les G-Men, parodie décadente et brisée des X-Men forcément. Le féroce leader, notre charismatique Billy Butcher, l'avait prévenu. Ce dernier est aussi plus nuancé dans ce second opus. Nous découvrons les blessures derrière son rictus, notamment face à une première confrontation verbale avec le Protecteur. Puis, la Crème nous dévoile son passé. Enfin, l'idylle entre Hughie et Stella se renforce.

Même si Garth Ennis fait un peu trop d'accumulation dans les passages trash ou justes dégoutants comme la fête de la Saint-Patrick qui accumule les clichés sur du vomi, le scénariste n'oublie cependant pas de créer une véritable tragédie derrière son univers. Le drame de l'avion en est un exemple. Ce passage souligne définitivement l'irresponsabilité des supers-héros, et plus précisément des 7 qui tentent de stopper l'un des avions responsables des attentats du 11 septembre. Une réécriture du drame juste infernal.

The Boys ne serait rien sans l'osmose qui unit le scénariste et le dessinateur. Darick Robertson fournit encore une fois un excellent travail. Il multiplie les design parfois grotesques pour les supers-héros. Dans son dessin, on ressent cette volonté de faire presque un pastiche du super-héros qui se brise au moindre excès de la part des supers-slips. Le dessinateur est toujours aussi à l'aise dans le trash et l'action et multiplie les planches mémorables. Darick Robertson est un dessinateur capable de rendre une scène de discussion dans l’obscurité aussi dynamique qu’une baston entre une centaine de costumé. Je suis toujours épaté par la beauté et l’efficacité de sa narration.

Garth Ennis et Darick Robertson vont tenter de nous convaincre que leur série est une comédie noire, ou un thriller politique, ou encore un truc d’action / de science-fiction, mais appelons un chat, un chat : c’est un comics de super-héros, et l’un des meilleurs du moment.

StevenBen
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le 13 juin 2024

Critique lue 23 fois

Steven Benard

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