California Dreamin'
J'ai toujours eu une réelle affection pour Pénélope Bagieu. Pour son style contemporain informatique qu'elle rendait tout de même chaleureux, mais surtout si sublimement féminin. J'aimais bien son blog, j'ai même aimé son premier album, « Cadavre Exquis », dont le scénario était très faible (pour ne pas dire carrément mauvais), parce qu'il y avait son trait, et déjà un vrai sens de la mise en page, chose primordiale en BD pour moi. Elle a même réussi à me faire aimer sa série « Joséphine », pourtant pas géniale niveau humour, rien que pour le plaisir visuel. Même pendant que j'écris cette critique, il y a un poster Joséphine affiché pas loin dans la pièce.
J'aime tout ce qu'elle fait, cette femme : même ses chroniques youtube , où elle parle avec enthousiasme de ses coups de cœurs, me font toujours passer un bon moment et découvrir des pépites parfois méconnues (dont Eugène, une de mes plus grandes claques en BD).
J'avais beaucoup aimé « La Page Blanche », qui alliait un fin scénario de Boulet à son style épuré.
Autant dire que niveau graphisme et mise en page, la pétillante autrice m'avait conquis depuis longtemps.
Mais avec California Dreamin', on monte d'un niveau. Comme l'avait laissé pressentir sa brillante petite histoire intimiste dans la revue Papier, Bagieu a passé le cap de bonne faiseuse à celui d'écrivaine de talent : les failles d'écritures qui lui faisaient défaut ont laissé place à des dialogues énergiques et bien pensés, une narration à point de vue multiple hyper-fluide et une trame prenante.
Le style crayon-gris, que lui imposait son mode de vie mouvementé lors de la création des pages, donne encore plus de vie et de profondeur à son talent, et le côté contrôlé du dessin informatique laisse place à une matière plus brute, plus spontanée, qui m'a fait me sentir plus près de l'auteur.
Ce genre de dessin (faussement) simple mais plein d'émotion, me transporte bien au delà de n'importe quelle BD photoréaliste old school.
Le biopic lui-même n'a rien de passionnant, je pourrais même lui reprocher une interprétation trop poussée de la vie intime des personnages, qu'un auteur ne peut que deviner. C'est un parti pris qui m'a toujours déplu dans les biopics en général : prétendre deviner la vie des gens, bien que le portrait qui est fait d'Ellen soit intéressant. Mais la manière dont Bagieu s'en empare force le respect. Car peu importe l'histoire, tout est dans la manière de la présenter.
Et avec une mise en page aussi lisible et vive, tout est intéressant à lire.
Je recommande fortement cette œuvre entre le feel-good et la mélancolie; parce qu'outre la musicalité et le groove que dégage chaque page, outre le bel hommage fait à la chanteuse Ellen et son groupe, outre la finesse humoristique, c'est un exemple en terme de BD pure. Je peux vous dire que j'en ai lues un paquet maintenant, et rarement avec autant de plaisir que celle-ci. Pas un moment je ne me suis arrêté sur une case, tout a défilé comme un film et c'était magique.
Bagieu, qui a apparemment digéré ses nombreuses influences pour en tirer le meilleur, signe ici sa première œuvre en solo vraiment aboutie. Drôle, émouvante, captivante, on lit la première page et on ne la lâche plus. J'ai retrouvé des sensations de gamin bédéphile en la lisant, ça faisait longtemps que je n'avais pas été aussi absorbé et ému.
Je demeure amoureux de Pénélope et si elle continue dans cette direction, cet amour ira grandissant.
California Dreamin' ? C'est un diamant brut. C'est génial. C'est trop bien. Lisez-le.