Ce tome fait suite à Caroline Baldwin T18 - Half-blood (2018), les deux formant une histoire complète. Sa première parution date de 2020. Il est l'œuvre d'André Taymans, créateur du personnage, scénariste, dessinateur, encreur et coloriste. L'auteur a complété ce diptyque avec un hors-série : Caroline Baldwin, Miss Tattoo (2020) en collaboration avec Cyrielle Zurbrügg et Anne Matheys.
Caroline Baldwin se trouve à Vientiane au Laos. Elle est en train de siroter une bière dans un café. L'agent Num du bureau des narcotiques y pénètre, la salue en se déclarant soulagé de l'avoir enfin retrouvée, et s'assoit à sa table. Il entame la conversation en lui révélant plusieurs informations. Il avait passé un marché avec Jeremy Wilson pour obtenir des informations sur le trafic de Ya Ba, avec pour objectif de faire coffrer un gros trafiquant appelé Keo Tak. Baldwin se rend compte que ces informations l'intéressent et elle demande à en savoir plus. Num lui propose de sortir et de marcher dans la rue pour limiter les risques d'être écoutés. Baldwin souhaite savoir comment Jeremy était lié avec le trafiquant Keo Tak. Num lâche le morceau : Jeremy a une demi-sœur, née des amours du père Wilson et d'une laotienne pendant la guerre. Cette femme a épousé Keo Tak. En arrivant à Vientiane, Jeremy s'est montré aussi peu discret que Caroline en posant des questions à tout le monde, ce qui a occasionné sa perte. Num suggère à Caroline de retourner avec lui à Bangkok : elle décline sa proposition car elle a encore à faire au Laos. Ils se séparent et elle rentre à pied vers son hôtel.
À quelques mètres de la porte de son hôtel, un individu surprend Caroline Baldwin par derrière et lui applique un chiffon sur la bouche, imbibé d'un produit qui la plonge dans l'inconscience. L'un des kidnappeurs charge Caroline inanimée à l'arrière de son véhicule utilitaire sport et s'en va. Le second rentre dans l'hôtel pour aller fouiller sa chambre. Une fois à l'intérieur, il se dit qu'il va commencer par la salle de bain. Mal lui en prend, car madame Jow est en train de se délasser dans un bain, et elle lui tire dessus, lui logeant une balle en pleine tête, le tuant net. Elle l'identifie tout de suite comme étant un sbire de Keo Tak. Elle comprend qu'elle doit mettre les voiles : elle rassemble ses affaires dans son sac et s'en va. Pendant ce temps-là, le ravisseur est sorti de la ville. Il répond à un appel en conduisant : il indique que le colis est chargé, et qu'il lui reste à récupérer Tsin. Il arrête son véhicule dans les bois, à côté d'un temple désaffecté. Il appelle Tsin qui ne répond pas, et pour cause son téléphone sonne dans le vide sur son cadavre. Lassé, il retourne à sa voiture, et constate que Caroline Baldwin n'est plus l'arrière, qu'elle lui a faussé compagnie.
Le lecteur retrouve tout ce qui fait les caractéristiques de la série depuis le début. La première séquence montre Num en train de fournir un gros paquet d'informations à Caroline Baldwin. C'est une des marque de fabrique de l'auteur dans cette série : le moment où les personnages s'assoient (ou parfois, comme ici, marchent) et fournissent des renseignements en quantité importante. Pour cette séquence-ci, la transmission d'explications dure 3 pages, dans une prise de vue vivante, grâce à la représentation détaillée du bar en arrière-plan, puis de la rue avec ses façades de petits immeubles, les voitures, les piétons, un moine bouddhiste dans le fond d'une case, etc. Comme d'habitude, le lecteur éprouve la sensation d'être sur place, dans un environnement plausible et réaliste, représenté d'après repérages. Elle est complétée par 3 autres scènes d'explication. Pages 20 & 21 Caroline discute dans un fauteuil en osier avec Neng, personnage qu'elle avait rencontré dans Caroline Baldwin, tome 8 : La Lagune (2002), scène très relaxante sur la pelouse d'un jardin. Pages 37 à 40, Gary Scott s'entretient avec Jack et un autre, dans l'arrière-salle du bar d'Alain, scène rendue moins statique par des dessins montrant des moments du passé. Enfin pages 42 & 43, Scott s'entretient avec madame Jow, pour une dernière explication à Bangkok, dans un temple bouddhique, où le lecteur peut apprécier à la fois l'intérêt de l'artiste pour les différents éléments d'architecture, et son admiration pour le modèle ayant servi pour madame Jow.
Le lecteur retrouve également le plaisir touristique indissociable de cette série, grâce à des dessins descriptifs documentés, des traits de contour à la fois assurés et modulés pour rendre compte de l'irrégularité des matériaux. Il peut ainsi se projeter dans le bar à Vientiane en regrettant de ne pas pouvoir s'assoir à la table de Caroline pour partager une bière, marcher dans un quartier résidentiel de cette même ville, effectuer une balade de nuit dans la jungle au milieu de cette végétation exotique, se poser devant une cabane sur pilotis au bord du Mekong, assister à un enterrement sous la pluie dans un vaste cimetière enherbé, se balader dans un temple bouddhique. Taymans se montre un guide attentionné et visiblement très impliqué dans la découverte et la représentation de ces sites, ce qui transparaît dans l'attention portée aux dessins. Le lecteur retrouve bien sûr Caroline Baldwin fidèle à son caractère de tête de mule, sachant apprécier l'alcool (mais sans abus pour ce tome), ne se laissant jamais en imposer, et ne sachant pas renoncer. Elle porte sa fameuse petite robe noire dans la première séquence : le lecteur est en territoire familier, contenté par toutes ces caractéristiques récurrentes, rasséréné et curieux de connaître le dénouement de cette histoire. Il retrouve également la propension du scénariste à donner une importance relative à certains détails, comme le fait que Caroline jetait tous les médicaments de son traitement à la fin du tome précédent, et que finalement ça n'a aucune importance.
Sous réserve qu'il ne se formalise pas sur les scènes explicatives copieuses et sur l'omission de la mise au rebut des médicaments, le lecteur plonge dans une aventure qui apporte toutes les explications attendues quant à l'imbroglio au milieu duquel s'est retrouvée son héroïne préférée, avec son lot de péripéties, et son lot de surprises, puisqu'il est question du propre père de Caroline Baldwin. Une fin satisfaisante de l'intrigue commencée dans le tome précédent, avec une narration visuelle toujours aussi entraînante, attentionnée attestant de l'amour que l'auteur porte aux lieux visités et aux personnages comme Caroline et madame Jow.
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ATTENTION : la suite de ce commentaire comprend des divulgâcheurs de premier ordre.
Le lecteur avait bien assimilé que cette histoire était destinée à la base à servir de scénario pour un film dont le tournage a commencé mais n'a jamais été terminé, avec l'actrice Carole Weyers dans le rôle de Caroline Baldwin. Au cours du tournage, l'auteur a fait la connaissance de Cyrielle Zurbrügg à qui il a souhaité donner une plus grande place dans l'histoire, et qui fait l'objet d'un hors-série. Avec cette idée en tête, le lecteur comprend mieux le tournant inattendu que prend l'histoire. Pour autant, il n'est pas préparé au passage onirique qui court de la planche 21 à la planche 32, débutant par 5 pages muettes avec une mise en couleurs dans les tons brun et noir, virant progressivement à l'orange et blanc. Caroline Baldwin est sous l'emprise de la drogue Ya Ba et son esprit ramène à la surface des souvenirs les mêlant à une interprétation inconsciente. Le lecteur comprend à demi-mots ce qui est en train de se jouer, en particulier quand Caroline se retrouve face à madame Jow faisant l'amour à Gary Scott : le message est clair. Il se sent pris d'une bouffée de nostalgie à l'évocation de trois ou quatre aventures passées, évocation reposant sur des visuels dont il se souvient parfaitement, que ce soit le casque de cosmonaute du premier tome, la course sur le pont, la pile de carcasses de voitures dans une casse, ou encore la chute dans une crevasse en montagne, sous la neige. L'évocation de ces moments repose sur ces images mémorables, et fonctionne parfaitement sans même avoir besoin de se souvenir de l'intrigue associée, ou du numéro de l'album correspondant. La dernière séquence entérine la sensation éprouvée par le lecteur : un au revoir à Caroline, peut-être un adieu, seul l'avenir le dira. Madame Jow t'a supplantée dans le cœur de Gary Scott qu'il est alors possible de voir comme l'avatar de l'auteur.
Ce dix-neuvième tome s'avère donc doublement émouvant. Le lecteur découvre avec curiosité et plaisir le dénouement de cette histoire mêlant trafic de drogue et enjeux personnels, dans des environnements toujours aussi bien rendus, permettant de s'y promener à loisir. Il comprend en cours de route que le récit contient un enjeu supplémentaire inattendu porteur d'une forme de tristesse douce, une page qui se tourne, sans certitude de retour.