Chess
Chess

BD franco-belge de Bruno Ricard, Sylvain Ricard et Michaël Minerbe (2007)

Pas brillante, la partie d'échecs

Cette histoire de géopolitique, quasiment uchronique (peu probable qu'en 2019, si un astéroïde s'écrabouille sur Terre, il ne détruise que les Etats-Unis), est essentiellement fondée sur un gosse, arraché à une prison paumée dans le Kirghizistan, et que le héros trimballe derrière lui pour le sauver de tas de gens qui veulent lui mettre la main dessus. Faut dire que le gosse semble recevoir un traitement biologique spécial, qui fait de lui un enjeu géopolitique, mais on n'en sait pas plus.

On trouve assez curieux l'argument de base : un hiver "nucléaire" (en fait, lié aux rejets de poussières volcaniques lors de la fracture de l'écorce terrestre qui a suivi l'impact) règne sur les seuls Etats-Unis. Très bizarre. Quand des poussières se répandent dans l'atmosphère, les vents dominants leur font faire rapidement le tour du monde, et tout le monde y aura droit ( voir Tchernobyl, Fukushima et Eyjafjallajökull !). Les auteurs voulaient mettre les Etats-Unis hors-jeu, alors ils ont inventé un hiver nucléaire qui reste sagement dans leurs frontières et ne joue pas à l'émigré clandestin. Ah ! Si les dinosaures avaient connu des astéroïdes aussi disciplinés, peut-être bien que je prendrais mon café, ce matin, avec un rhamphorhynque !

L'intérêt est de voir comment les scénaristes conçoivent le Monde après la destruction des Etats-Unis. Pas brillant : les Arabes avec leur pétrole et les Chinois avec leur eau jouent à s'échanger ces denrées rares, mais il est clair qu'ils ne peuvent pas se sentir. Le titre de la série, "Chess", vient de ce qu'un chef Arabe, Sul (lui même pas très en cour vis-à-vis des islamistes radicaux dominant les monarchies du Golfe), et un chef Chinois, Shaïpang, jouent aux échecs par Internet en se soupçonnant mutuellement de concocter des coups bas. Les passages qui parlent des échecs (planches 8-9, 38-39) sont assez inintéressants, si allusifs qu'on ne comprend pas très bien en quoi ils sont nécessaires à l'action, et, si les scénaristes ont voulu fonder leur récit sur la symbolique du jeu d'échecs, de ce côté-là, c'est assez raté.

Arabes comme Chinois ne parviennent pas à contrôler les révoltés, islamistes ou pas, d'Asie Centrale, ce qui embête bien les deux camps et les pousse à se soupçonner de manipuler ces révoltés contre les intérêts de chacun des deux.

Le héros, Christophe Anatoli Dorvechess (abrégé en "Chess" pour répondre à la symbolique de jeu d'échecs que les auteurs veulent nous imposer sans grande réussite) est un baroudeur style Bruce Willis, qui a l'habitude de tuer assez froidement et de se prendre des bastos dans le bide. Il m'a rappelé le film "Mercury Rising", dans lequel Bruce Willis protège un gosse qui constitue un gros enjeu pour des gens assez peu sympathiques.

On se déplace du Kirghizistan au Kazakhstan, on va sur la mer d'Aral (tiens, il en reste ?); d'autres personnages sont à Zurich; et, malgré le cataclysme, il semble qu'il reste assez d'Américains pour s'intéresser au gosse, eux aussi.

Tout ceci fait un peu fouillis tout de même. Le dessin de Michaël Minerbe, assez figé et avare de détails, assez loin de suggérer la 3D, ne nous livre que peu de beaux moments : le bâtiment et la salle de conférences de Jadid Madina, "capitale du Califat" (autant dire le IIIe Reich des musulmans) (planche 1), et les deux superbes compositions colorées en dégradé savant de la première et de la quatrième de couverture. Un peu léger pour captiver. Et déprimant : les Américains disparus, la prédation du Monde et les saloperies géopolitiques continuent. Bon pour le moral ? Bof...
khorsabad
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le 10 nov. 2013

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