Guy Delisle fait partie de ces auteurs qui se mettent en scène dans la plupart de leur albums. Evidemment, ce genre n'ayant le vent en poupe que depuis quelques années, il a fait ses débuts à L'Association, avant de délaisser comme beaucoup d'autres cette maison d'édition pour Delcourt. Après Chroniques Birmanes en 2007, Guy retourne au front, et pas n'importe lequel : celui du conflit israélo-palestinien.
Scénario : Malgré les enjeux, l'auteur n'a pour seule ambition que de raconter son séjour d'un an à Jérusalem, avec sa femme travaillant à Gaza pour une ONG et ses deux enfants. Celui-ci débarque alors que les tensions entre israéliens et palestiniens sont ravivées par des colonies qui n'ont que pour unique objectif d'opprimer les palestiniens dans leurs propres villes. Guy Delisle relate alors un certains nombres de faits divers et d'injustices commis par les israéliens envers les palestiniens, et notamment l'opération "plomb durci", où les israéliens bombardèrent la bande de Gaza pendant plusieurs semaines. Sans compter la politique excessivement sécuritaire d'Israël qui contraint Guy Delisle à devoir s'expliquer pendant plusieurs heures, les nombreux checkpoints qui font passer les personnes aux comptes-gouttes, et l'éternel mur, impassible, qui va inspirer l'auteur dans de nombreux croquis. Au final, on a un compte-rendu plutôt précis et objectif de la situation à Jérusalem, ce qui n'est pas rien. En parallèle, on suit le quotidien de l'auteur, les embouteillages pour emmener ses enfants à l'école, la visite des très nombreux monuments religieux de Jérusalem, etc. En tout cas, quel que soit son propos, l'auteur arrive à nous captiver de bout en bout durant plus des 300 ans pages que contiennent cette BD.
Dessin : Histoire d'alléger les nombreux passages où l'auteur assiste à des injustices sociales et autres expulsions révoltantes, les dessins sont simples et stylisés. Les personnages sont à peine esquissés, et les décors la plupart du temps sommaires. Le récit ne pouvait pas être mieux illustré...
Pour : Même si l'auteur se met en scène de manière permanente, il est totalement transparent du récit. Loin de tomber dans le nombrilisme parfois agaçant de Lewis Trondheim avec "les petits riens" ou de Pénélope Bagieu, Guy Delisle est ici pour raconter son expérience, et sûrement pas pour partager ses goûts.
Contre : Très souvent, Guy part faire des croquis à droite et à gauche, notamment du fameux mur qui sépare les deux populations, et se fait très souvent interpeller par les militaires israéliens qui n'aiment pas ça du tout. Pour admirer les croquis eux-mêmes, il faudra tout simplement investir dans un autre livre, "croquis de Jérusalem", sorti un an après les chroniques. Un parti pris très gonflé de Dargaud, qui aurait très bien pu rajouter une centaine de pages pour intégrer les croquis à la fin de la BD originelle...
Pour conclure : "Chronique de Jérusalem" méritait-il son fauve d'or d'Angoulême en 2012 ? À la vue des albums qui composaient la sélection de cette année-là, la réponse est difficile. Mais en sachant que c'est la première distinction majeure de l'auteur, on peut aisément dire qu'il l'a bien mérité. Son dernier album, Le guide du mauvais père, est sortie il y a quelques mois et s'avère terriblement drôle et décomplexé. Chassez le naturel...