Clapas
6.9
Clapas

BD de Isao Moutte (2021)

Clapas, amoncellement de débris rocheux

Ce roman graphique signé Isao Moutte nous emmène dans le Vercors, plus exactement dans le Diois (au moment de la 63è fête de la lavande, à Lesches-en-Diois dans la Drôme, à 50 km de Gap), région où on peut vite avoir l’impression de se trouver loin de tout. C’est ce qui arrive à un groupe voyageant en car, lorsque le véhicule se trouve coincé par un éboulement.


L’auteur (scénario, dessin et couleurs) imagine un concours de circonstances très noir pour ces personnes qui voyagent toutes pour des raisons personnelles. L’un est tombé en panne de voiture alors qu’il allait voir son père vivant dans une maison isolée, un duo constitué d’un frère et une sœur vont également voir un parent. Un automobiliste les rejoint, qui pensait rejoindre l’Italie par la route. Bref, un groupe de personnes qui utilisent ce transport en commun pour des raisons précises et que cet imprévu contrarie. Malheureusement, les téléphones portables captent très mal dans la région. La route étant impraticable pour les véhicules, la seule solution est d’avancer à pied pour demander de l’aide.


Un drame et ses conséquences


Confronté aux autochtones qui ont leurs habitudes et leur rythme de vie, le groupe de voyageurs voit bientôt le contrôle de la situation lui échapper. À tel point que la tension monte et constitue une sorte d’écho au film Délivrance (John Boorman – 1972), toutes proportions gardées. Ainsi, à un moment crucial un homme défiguré surgit de nulle part, menaçant. Il se révèle très amoindri psychologiquement, on finira par deviner à la suite de quel genre de drame. À propos de drame, le premier qui se joue est une sorte de règlement de compte familial dont, bien involontairement, les voyageurs sont témoins. Ce drame met le feu aux poudres et le groupe de voyageurs se trouve pris au piège.


En pleine nature


Avec Clapas, Isao Moutte propose un thriller rural où les malheureux concours de circonstances s’enchaînent. Bien que très noir, l’ensemble respire la nature et le grand air, grâce aux couleurs où le vert et le brun dominent (avec plusieurs nuances), comme sur l’illustration de couverture, de façon à bien faire sentir les grands espaces et la désolation des lieux.


Une question de survie


Isao Moutte ne propose pas un dessin trop fignolé ou léché, mais il s’arrange pour mettre en valeur de manière très convaincante tous les sites et paysages où l’action se déroule. De plus, il caractérise physiquement chaque personnage pour qu’on les distingue bien les uns des autres. En adoptant le format 29,8 x 22,4 cm sur 150 planches (une majorité comporte trois bandes, avec quelques paysages grand format qui aèrent l’ensemble), il trouve largement l’occasion de caractériser psychologiquement la plupart des personnages qui interviennent. Autant dire que la galerie vaut le détour, avec un groupe de voyageurs peu préparés aux mauvaises surprises, confrontés à quelques locaux bien caractéristiques dans leurs mentalités et façons de vivre. Nous avons en particulier une famille qui habite dans une grande maison à l’écart : c’est là que nos voyageurs vont se retrouver, pour leur plus grand malheur. On ne se méfie pas particulièrement, lorsqu’on se retrouve à pied, loin de tout. Si quelqu’un propose de vous héberger, on ne fait pas la fine bouche. Sauf qu’ici, pour le groupe, la question sera bientôt de chercher une fuite possible. Il sera même question de survie et pour cela, Isao Moutte concocte un enchaînement de situations où, pour nos voyageurs pas vraiment préparés, ce sera du lui ou moi. Or, ces protagonistes se trouvent confrontés à des personnages habitués à chasser qui trouvent naturellement à leur portée des fusils et des chiens…


Le décor et son envers


L’ensemble se lit beaucoup plus rapidement que ce qu’on pourrait imaginer à première vue, d’abord parce que l’auteur évite les dialogues superflus et surtout parce qu’il imagine des rebondissements qui incitent continuellement à poursuivre la lecture. À vrai dire, ces péripéties ne sont pas si originales que cela ; elles sont surtout bien articulées entre elles. De plus, le dessin est d’une grande lisibilité, sans trop de détails en ce qui concerne les décors. Le décor le plus marquant est celui de la nature sauvage, ses montagnes et précipices, ses forêts et ses cours d’eau. Le scénario nous emmène aussi vers quelques villages et des habitations isolées, le tout pour donner une ambiance où la tension monte progressivement. Les pièges sont multiples, aussi bien naturels qu’élaborés par des humains pas spécialement commodes. La palme revient à mon avis à Maryse, la matriarche du clan où nos voyageurs arrivent pour la nuit. Bien entendu, ses rejetons sont dans le même état d’esprit.


Pour l’office du tourisme


Pour tempérer un peu l’impression générale, précisons que si le Diois est ici plutôt bien rendu, pour y avoir effectué quelques séjours touristiques, je témoigne que la région est effectivement magnifique et tranquille (avec sa démographie particulièrement modeste). Enfin, si tout dans ce roman graphique respire l’authenticité, je ne me suis jamais senti sous une quelconque menace dans cette belle région.


Critique parue initialement sur LeMagduCiné

Electron
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le 3 mars 2022

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