Au premier coup d’œil, quand j’ai lu « Collection privée », j’ai cru tout d’abord qu’il s’agissait d’un type d’édition particulier…
…Et puis j’ai fini par comprendre qu’en fait non, c’était bien le titre de ce deuxième volet de cette saga « Sillage ».
…Un titre qui ne m’a vraiment pas inspiré grand-chose.
…Comme cet album en fait.
Alors soit, je ne vais pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain, il y a quand-même dans cet amorce de tome 2 quelque-chose qui renvoie forcément aux qualités de son prédécesseur.
Moi, du tome 1, j’avais notamment particulièrement apprécié cette effusion d’idées, de personnages et de décors et, dès les premières pages de cette suite, on est clairement là-dedans.
Le scénario a notamment l’intelligence d’avoir opéré un petit saut dans le temps. Nävis a grandi. Elle est désormais pleinement intégrée à Sillage. Sa nouvelle place interroge forcément le lecteur curieux ; l’organisation dans laquelle elle entend s’inscrire aussi.
Seulement voilà, quand bien même l’aventure proposée va aussi offrir son petit lot de rebondissements, de personnages nouveaux et de lieux insolites à visiter, j’avoue ne pas m’être laissé entrainer avec autant de complaisance que lors du tome précédent et au fond les raisons sont multiples.
La première de ces raisons tient tout simplement à l’intrigue propre à cet épisode.
Quand bien même sent-on l’intention de faire de cette « Collection privée » un épisode mixte entre le « stand-alone » et le « filer » pour reprendre le langage sériel, ni l’un ni l’autre ne sont parvenus à m’emballer.
D’un côté je trouve le personnage du consul totalement inintéressant, aussi bien dans ses traits de caractère que dans ses ambitions. Dès le départ je n’avais aucune envie de savoir quels étaient ses enjeux et ses motivations. L’effet d’appel n’a pas fonctionné une seule seconde.
D’autre part je trouve que tout le « filer » autour de la cartographie de Nävis n’a en soi rien de véritablement fabuleux. OK, on cherche à savoir dans Sillage ce qu’est un humain mais bon, quand on nous révèle pour la première fois la « carte » de Nävis, moi je ne vois rien d’extraordinaire hein… C’est juste… Bah une humaine quoi… Où est la révélation franchement ?
La seconde raison est davantage formelle.
Pour un épisode qui mise beaucoup sur l’action et l’exploration, je trouve que le trait et surtout l’agencement des planches de David Buchet manquent de dynamisme, pour ne pas dire de limpidité.
Le cheminement d’une case à une autre n’a rien d’évident je trouve. Je me suis souvent arrêté pour essayer de comprendre ce qu’il fallait voir et surtout pour saisir comment cette case s’emboitait à la précédente. Le genre de lecture saccadée qui manque de fluidité et qui rompt régulièrement l’immersion.
Car ce n’est pas parce qu’on saisit rapidement et spontanément l’idée d’une image qu’on ne s’y attarde pas. Et ce n’est pas parce qu’on s’y attarde que cela rompt le rythme de notre lecture.
L’important pour moi dans des pages d’action et d’exploration c’est de maintenir un continuum dans l’exploration que nous menons avec notre regard.
Or, sur cet aspect-là, autant j’ai pu trouver quelques idées du tome 1 malicieuses, autant ce tome 2 a enchainé pour moi les désillusions.
Une vraie lacune à mon sens pour une BD tournée vers l’action et l’exploration.
Et puis enfin – troisième raison et peut-être la pire – je trouve que l’univers de « Sillage » a beau être riche et diversifié, il n’est au final pas si stimulant que ça.
Pour un univers qui se vend comme une immense mosaïque d’espèces et de cultures venant de tout l’univers, je trouve qu’au final je ne suis jamais surpris par ce que je vois.
Les vaisseaux sont certes beaux mais j’ai déjà l’impression de les avoir vus ailleurs.
Les personnages sont certes chamarrés mais au final on reste sur des formes humanoïdes auxquelles on se contente simplement de rajouter maladroitement une ou deux pattes, voire un ou deux yeux supplémentaires. C’est tout.
Au final les aliens que je vois me donne juste l’impression d’être issus d’un menu de personnalisation aléatoire de jeu RPG plutôt que d’un véritable esprit créatif…
A chaque nouveau personnage j’ai l’impression de voir les trois bobines d’un bandit manchot tourner dans la tête du dessinateur avant que celui-ci l’ait couché sur papier.
« Alooors… Ding ! Peau verte… Ding ! Quatre pattes… Ding ! Trois yeux… Bon bah voilà, un nouveau personnage de créé ! On va t’appeler… (Réactivation du bras du bandit) …Ding ! Xxx…. Ding ! Xang… Ding ! Xangthar ! Voilà ! C’est bien un nom d’extra-terrestre ça ! Allez ! Va pour Xangthar ! Au suivant ! »
(Spoiler : oui je sais qu’il n’y a pas de personnage vert à quatre pattes et à trois yeux qui s’appelle Xangthar dans cette BD. Je viens de l’inventer donc inutile de poster un commentaire pour ça… Mais par contre je suis persuadé qu’en pensant à mon Xangthar, vous avez déjà une bonne vingtaine de personnages de cette « Collection privée » auxquels il vous fait penser. Pas vrai ? »)
Au final, au sortir de ce tome 2, j’avoue que je suis quand même bien dubitatif face à ce « Sillage ».
Je vois ce qui peut séduire – d’ailleurs je suis moi-même séduit parfois – mais je trouve malgré tout que tout ça n’a pas l’air d’aller bien loin.
La générosité est là, c’est indéniable, mais l’imagination des créateurs touche tout de vite son horizon.
De même, j’ai beau retrouver parfois dans ces aventures un vrai souffle, il n’empêche que celui-ci reste animé par une sorte de fascination pré-pubère pour un personnage au fond pas si intéressant et développé que ça… (…du moins pour le moment.)
Parce que bon, à part faire ses caprices de femme « indomptable », se battre comme une guerrière alpha et enfiler des jolies robes, la Nävis elle ne fait et ne dit quand même vraiment pas grand-chose…
Donc bon…
Après il reste encore presque trente albums derrière celui-là et encore vingt ans d’évolution…
…Donc qui sait, peut-être que l’épaisseur viendra en allant.