Un road-movie sur fond de drame familial ? Rien de plus classique ! Et pourtant...

Alfred est un auteur pour le moins polyvalent. Depuis les années 90, il signe des nombreuses BD seul ou plus souvent accompagné d'un scénariste, comme "La digue", "Le désespoir du singe", Pourquoi j'ai tué Pierre", et "Je mourrai pas gibier". Il est aussi l'un des auteurs les plus drôles de l'Atelier Mastodonte, un collectif déridé et plaisant. Avec Come Prima, il réalise un road-movie long et personnel, qui joue beaucoup sur le registre des sensations. Son prochain projet ? Il dessine un des deux prochains albums de Donjon, qui vont conclure la série en mars prochain. Rien que ça !


Scénario : Fabio et Giovanni sont deux frères qui se sont perdus de vues depuis une dizaine d'année. C'est un soir, alors que l'un vient de perdre son match de boxe, qu'il rencontre l'autre sur le bord du trottoir. Les retrouvailles n'ont tout d'abord rien d'émouvant, et on comprend rapidement qu'un conflit de famille a eu pour conséquence l'exil de Fabio. Les deux frères vont donc devoir retourner en Italie a bord d'une vieille voiture, faire plus de 1000 kilomètres entre rencontres, disputes et souvenirs. Le récit est légèrement autobiographique, puisqu'Alfred dit s'être inspiré de l'histoire de sa famille et de son propre rapport avec ses frères. D'ailleurs, alors qu'au départ l'auteur avait réalisé un synopsis détaillé de son histoire, il a décidé de recommencé à zéro et d'improviser chaque séquence au fur et à mesure. On peut dire que ça lui a réussit !


Dessin : De ce côté-là, Alfred met son dessin au service du récit avec toujours autant de talent, voir même plus que dans ses précédents albums. D'un point de vue purement technique, ses planches n'ont rien d'extraordinaire, et on dénombre quelques erreurs d'anatomies et de perspectives. Mais son sens de l'esthétisme, de l'évocation et de la mise en scène sont incroyables, et toutes les erreurs citées plus haut donnent un charme indéniable à l'oeuvre. Si on rajoute à cela une mise en couleur franche et mémorable, on peut dire qu'Alfred est arrivé à une maturité graphique admirable.


Pour : Les passages en flash-backs sont particulièrement réussis. Alors que dans bon nombre d'autres albums ils plombent le récit, ceux d'Alfred, en bichromie, dans un registre sensuel souvent abstrait, donnent tout son sens au récit.


Contre : On ne peut pas reprocher à l'auteur de prendre son temps à installer le récit, et a parfois le faire stagner pour mieux installer l'ambiance générale. Mais il est bien dommage que les deux tiers du récit se passent en dehors de l'Italie, qui est pourtant un lieu important à la fois pour les personnages et pour l'auteur, qui vient de là-bas.


Pour conclure : Avec Come Prima, Alfred signe son meilleur album, le plus ambitieux, le plus évocateur, le plus personnel. Au final, cet album est probablement le fauve d'or le plus mérité de ces dernières années, rien que ça. Un véritable chef-d'oeuvre.

Marius_Jouanny
9
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le 24 févr. 2015

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Marius Jouanny

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