Comédie sentimentale pornographique par Eric17
« Comédie sentimentale pornographique » est un ouvrage paru il y a environ un an dans la collection « Shampoing ». Je ne l'avais pas du tout remarqué dans les rayons de librairie avant que mon frère en rédige une critique. Il apparaissait enthousiaste et présenter cet album comme assez unique dans son genre. Je décidais donc de me l'offrir pour me faire ma propre idée sur la question. Le bouquin se compose de presque trois cents pages. Son format ressemble davantage à un roman qu'à un album de bandes dessinées. Son prix avoisine les vingt-cinq euros. La couverture, dans les tons bleus, nous présente un couple en train de déguster un verre de vin, nus dans leur lit. La surprise réside dans le fait qu'ils se trouvent dehors au bord de l'eau. J'ai oublié de vous préciser que l'auteur de cet opus est Jimmy Beaulieu que je découvre à cette occasion.
L'histoire se centre autour d'un couple formé de Corrine et Louis. Ils se sont rencontrés au cours d'une séance de cinéma et depuis file le parfait amour. Louis vient de s'offrir un vieil hôtel perdu au milieu de nulle part dans lequel il rêve de vivre. Parallèlement à leurs aventures, on découvre Annie, ancienne maitresse de Corrine, la boulangère objet de désir ou encore un écrivain amoureux d'Annie et qui trouve son inspiration dans l'impossibilité de cette relation. Comme le titre l'indique, les discussions sont centrées sur les activités nocturnes et érotiques de tout ce petit monde...
On se doute rapidement en découvrant la couverture de cet ouvrage qu'il n'est pas à mettre en toutes les mains. La thématique s'adresse à un public plutôt averti. Néanmoins, malgré son titre aguicheur, la pornographique est très peu présente dans les centaines de pages qui agrémentent notre lecture. Ce n'est pas un regret, c'est une information. Ne vous procurez pas cet album en espérant voir une mise en pratique des nombreuses positions du Kâma-Sûtra. Finalement, on parle davantage de sexe qu'on ne le pratique. C'est un choix de l'auteur qui peut se défendre et qui peut donner lieu à une lecture envoutante et sensuelle.
Comme dit précédemment, c'est davantage dans les propos et les suggestions que l'érotisme doit naitre dans ce bouquin. Et sur ce plan-là, la déception est au rendez-vous. A défaut d'être intense, le bouquin est bavard. On se trouve au beau milieu de trentenaires qui se revendiquent libres d'esprit mais qui, à mes yeux, ne possèdent aucun réel intérêt. Leurs discussions sont assez creuses. D'ailleurs ils s'écoutent parler plus qu'ils ne discutent. Je n'ai jamais ressenti mes sens ne seraient ce que titillés. Ce livre n'a rien de transgressif dans le propos et ne veut pas se revendiquer comme finalement assez prévisible. Les personnages me sont restés assez indifférents. Du début à la fin, leurs pérégrinations ne m'ont jamais réellement captivé. De plus, la thématique trentenaire en introspection à un côté « déjà vu » certain.
Le titre nous annonçait une dimension érotique certaine. Même si les scènes explicites s'avèrent rares, on pouvait en espérer une intensité forte. Même là, la déception est au rendez-vous. On ne ressent rien à découvrir ces ébats entre homme et femme ou entre femmes. Même si l'auteur essaie de varier l'aspect graphique de ces moments-là, à aucun moment, je ne suis touché par la sensualité du moment. On a parfois l'impression que l'auteur se regarde dessiner. C'est un sentiment désagréable que je ressens parfois devant certains films. Cette dimension quasiment vaniteuse et égoïste a tendance à mettre le lecteur de côté et ce n'est jamais une bonne chose.
Au-delà de toutes ces déceptions, je trouve que l'auteur possède un trait assez personnel. La nature du support, des couleurs ou des styles varie d'un chapitre à l'autre et permet un découpage original de sa narration. Certaines pages utilisent les mêmes tons bleus que ceux de la couverture. D'autres utilisent tout le spectre chromatique. Les différences ne s'arrêtent pas au couleur mais aussi l'épaisseur du trait ou le mouvement des corps. La découverte graphique est donc intéressante même si elle n'arrive pas à compenser les manques de l'histoire qui préfère se perdre en digression plutôt qu'à densifier son contenu.
En conclusion, je n'ai réussi à trouver le charme dans cet ouvrage qu'avait su voir mon frère. Cet OVNI du neuvième art n'a pas su me captiver, loin s'en faut. Je n'ai eu aucun mal à lire les trois cents pages. Ce n'est pas parce que j'étais captivé mais davantage par le côté creux du propos. Il est possible que je ne sois pas sensible à cette thématique et je ne corresponde pas au public visé. Cependant, je ne regrette pas de l'avoir découvert car c'est de la diversité que nait la richesse. Cette fois-ci j'ai perdu mais la prochaine fois, la réussite sera au rendez-vous. Mais cela est une autre histoire...
