Que ce soit clair : le Joker est un personnage extrêmement mineur de cette anthologie Harley Quinn - et tant mieux - et sa présence sur la couverture n'est sans doute qu'une stratégie marketing classique. Cette BD parle uniquement de Harley, l'anti-villéroïne la plus attachante de l'univers DC, et de ses tribulations une fois débarrassée de sa relation empoisonnée avec Mistah J.


Un petit point rapide : dans cette continuité (le New 52), le Joker est encore plus psychopathe que dans ses incarnations antérieures - il a notamment fait subir à Harley le même traitement chimique que lui, ce qui explique son albinisme, et s'est littéralement arraché le visage avant de se le recoller sur le crâne. Au lieu de rester désespérément fascinée par le personnage, Harley finit par craquer et parvient à se défaire de son emprise pour de bon, d'abord en rejoignant la Suicide Squad, puis en gagnant sa liberté et en s'installant à Brooklyn où un admirateur lui a légué un immeuble dont elle devient la gestionnaire. Ainsi commence une des séries DC les plus loufoques, proche en ton de ce que pourrait être un Deadpool s'il n'avait pas complètement conscience d'être un personnage de comics.


Difficile de décrire l'action de ce premier recueil, car, fidèle à son personnage principal, elle est aléatoire et décousue - si vous cherchez de grands drames existentiels, passez de suite votre chemin et orientez-vous vers Batman, Wonder Woman ou Earth-2. Mais Harley est hilarante (malgré de malheureuses pertes à la traduction, dues à l'impossibilité de correctement transcrire les expressions typiques de Brooklyn dans notre langue), dynamique, et surtout terriblement attachante. Contrairement à de nombreuses autres héroïnes DC, le destin ne l'a pas choisie pour faire le bien, et pourtant elle tente systématiquement d'être une bonne personne malgré ses singulières méthodes. Le plus proche parallèle que je puisse tirer serait avec Jack Skellington, un autre personnage déterminé à apporter le bonheur autour de lui malgré une compréhension maladroite du monde qui l'entoure.


Les récits alternent entre action intense, où l'on voit que fréquenter le Joker, affronter Batman ou encore rejoindre la Suicide Squad ont fait de Harley une personne extrêmement létale quand elle le souhaite, et vie quotidienne : trouver un moyen de payer son loyer, résoudre les problèmes des locataires et se détendre à l'occasion lorsque Poison Ivy est de passage. Ce qui en ressort n'est certes pas l'arc le plus passionnant et le plus profond du New 52, mais encore une fois, là n'est pas le but : le but est de montrer un personnage somme toute extrêmement humain, en particulier comparé aux autres têtes d'affiche DC (Superman, Batman, Wonder Woman, Aquaman...). Harley a besoin de trouver du boulot (deux boulots, en fait, même si le second paraît assez fun - "éclater des adversaires au roller derby", un sport qui soit dit en passant va à Harley comme un gant), cherche à se créer de nouvelles relations amicales comme romantiques, et l'on se rend progressivement compte que son problème est surtout d'avoir un trop grand coeur qui la met dans des situations impossibles. En réalité, Harley ressemble à la personne que chacun et chacune souhaiterait être s'il/elle n'était pas limité(e) par les impératifs et règles de la société. Là où une personne "normale" adopte un ou deux animaux abandonnés, Harley détruit un refuge et adopte tous ses occupants.


La note est donc encore plus subjective que d'ordinaire, et si vous préférez les histoires aux personnages, passez votre chemin. Mais si vous voulez de l'humanité au milieu de la galerie d'extra-terrestres indestructibles et d'hommes et femmes parfaits que propose DC, n'allez pas plus loin. Ce qui fait sans doute de Harley Quinn la plus Marvel des héroïnes DC.

C__Nec
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le 18 août 2015

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