Pour les adeptes de prémices de guerre dans un labyrinthe amazonien...
« Conquistador » est une série née il y a environ deux ans. Elle est le fruit de la collaboration du scénariste Jean Dufaux et du dessinateur Philippe Xavier. C’est le nom du premier cité qui m’a attiré. Etant un grand adepte de sa fresque antique « Murena », je suis toujours curieux de ses productions. De plus, le fait que l’intrigue s’inscrive dans un univers aztèque au seizième siècle a alimenté mon intérêt. Cette civilisation a toujours généré beaucoup de fantasmes et de mystères et peut ainsi facilement accompagner des trames envoutantes et passionnantes. Cette saga est éditée chez Glénat dans la collection Grafica. Ma critique d’aujourd’hui se concentre sur le dernier épisode paru. Il date du mois de novembre dernier. A l’image des tomes précédents, ce troisième opus nous présente une couverture occupée par un personnage central. Il s’agit ici d’une femme qui nous est familière du fait de son appartenance au groupe d’aventuriers autour duquel se construit le scénario.
« Tenochtitlan, an 1520. Ils cherchaient le trésor des Aztèques… Ils allaient affronter l’Histoire. » Voilà les mots qui habitent la quatrième de couverture. Le groupe se composait de six personnes. Ils ne sont plus que quatre éparpillés dans la forêt amazonienne. Initialement, ils devaient mettre main basse sur un trésor… La réalité est tout autre. Une guerre est en marche et chacun des membres s’apprête à y subir son rôle…
L’apparition de cet ouvrage dans les rayons de librairie m’a surpris. En effet, j’avais compris que « Conquistador » se vouait à être un diptyque. C’était donc une agréable surprise de voir naître une nouvelle occasion de m’immerger dans cette angoissante atmosphère amazonienne. A la conclusion du deuxième tome, les protagonistes de l’aventure étaient éclatés aux quatre coins de la forêt. Une guerre est maintenant en marche et chacun se trouve dans un camp différent. Cela permet au lecteur de percevoir les événements à travers une grande variété de regards. Cette structure narrative entraine ainsi naturellement une densification appréciable de la lecture.
Dès ma découverte des premières planches, une évidence me saute aux yeux. Il est judicieux de lire une nouvelle fois les deux premiers épisodes avant de se plonger dans cette suite. En effet, « Conquistador » n’est pas un train qu’on peut attraper en marche. Dufaux reprend le fil où il l’avait laissé. Les trois actes forment incontestablement une œuvre homogène. L’auteur ne s’embarrasse d’un rappel ou d’une remise en perspective des enjeux. Le temps n’est pas à perdre.
Au fur et à mesure que les pages défilent, le lecteur reprend contact avec des figures familières. Rares sont celles qui vivent un présent apaisé et se dirige vers un avenir doré et épanoui. On effectue des sauts de puce de l’une à l’autre. Chacun de ces voyages participent à former une toile traduisant des interactions complexes entre les communautés. Les révélations s’enchainent et dégagent le sentiment qu’un événement de grande ampleur approche. La sensation d’être à l’aube d’une guerre grandit alors que la narration avance. Je suppute donc que le prochain album abritera l’éclosion de grandes batailles fruits de ce conflit naissant.
Le premier diptyque offrait une conclusion honnête. Ce nouvel opus présente un nouveau départ habilement construit. La narration est dense. De plus, Dufaux prend plaisir à nous faire avancer à tâtons. Rien n’étant prévisible, la curiosité est en permanence relancée par l’apparition d’un personnage. Les nombreuses informations accompagnant la lecture sont subtilement distillées. Le scénariste arrive à doser avec talent des moments magistraux et des moments plus dynamique et rythmés. Cette alternance permet au lecteur de passer un moment très agréable durant lequel l’ennui ne le guette jamais.
L’intensité de la lecture découle également du travail graphique de Philippe Xavier. Son trait construit une forêt amazonienne envoûtante à souhait. Son travail sur les décors est remarquable. Le lecteur est oppressé par cette végétation à l’apparence hostile. A la manière des héros, il s’y sent perdu et abandonné. La qualité dans ce domaine ne dépareille pas dans les trois épisodes de la saga. C’est remarquable et appréciable. Par contre, je suis moins conquis par le style des personnages. Certes, ils sont aisément identifiables sans mal et ils témoignent d’expressions variées au cours de leurs aventures. Néanmoins, je ne retrouve pas la force et la puissance dégagée par les lieux chez les différents protagonistes. Sans être déçu, je trouve qu’ils auraient pu être un tout petit plus affinés pour coller parfaitement à l’atmosphère de l’album. Mais peut-être suis-je trop exigeant ?
Pour conclure, cet ouvrage offre une suite honorable au diptyque initial. La densité des événements fait que je me suis laissé porter sans aucun mal dans les arcanes de l’intrigue. L’ensemble reste classique mais est habilement construit. Ce bouquin comblera les adeptes du genre sans en révolutionner les codes. Ce n’est déjà pas si mal.