Comme le sous-titre l’indique, Construire un Feu de Chabouté est adapté de la nouvelle de Jack London de même nom, un classique de la littérature américaine. Il raconte la traversée d’un homme et son chien dans la neige du Klondike (région à l’Ouest du Canada) pendant la ruée vers l’or. Dans le froid, il tente à plusieurs reprises de se faire un feu, avec plus ou moins de succès, avec le jugement d’un narrateur externe…
La première chose qui frappe dans cette courte BD (64 pages seulement), c’est son silence. On ne compte pas les nombreuses cases sans paroles destinées aux actions de l’homme, et notamment lorsqu’il essaye de faire un feu, ou tout simplement quand il le contemple. Car nous aussi, lecteur, on contemple. On contemple le triste spectacle de l’homme et son chien qui se mène à leur perte. Et des fois, on contemple un doux spectacle, celui de cette satisfaction d’avoir réussi son but. Mais nous, lecteur, savons que cet exploit n’est que de courte durée…
La deuxième chose qui nous vient à l’esprit, c’est la couleur. Quand on connait Chabouté, on sait qu’il a surtout fait du noir et blanc, faisant manier les contrastes entre les deux. J’ose même dire que ce que nous avons là est une exception dans son œuvre. Cependant, dire que c’est juste de la couleur serait un raccourci beaucoup trop gros. Car la couleur est pauvre. La montagne est blanche, l’horizon formé par les arbres est noir. Au final, seuls les personnages sont un peu colorés et apportent du réconfort dans le triste paysage. Mais ce sont des couleurs froides, le réconfort est menu. L’homme dans sa veste est d’un brun qui se confond dans les branches, le chien est d’un gris qui se confond dans la neige. Mais apparaît un troisième personnage : le feu. Ce dernier, d’un rouge flamboyant, fait contraste avec le morose paysage que nous avons juste depuis le début. Il apparaît comme une source d’espoir au milieu du périple dangereux, douloureux, et surtout interminable que vit l’homme. Il apporte de la vie. A l’inverse, quand on aperçoit les dernières pages, la couleur disparaît peu à peu pour finir sur des silhouettes, en noir et blanc.
Après, en tant que gros râleur, je pourrais reprocher que c’était trop rapide, qu’on a pas vraiment le temps de s’y faire, que ça se lit trop vite. Chabouté n’y peut rien, évidemment, c’est une nouvelle. Et bien qu’elle se suffise à elle-même, elle aurait pu être complétée davantage…
Maniant la couleur comme il manie la narration, Chabouté nous offre une courte histoire sur une longue traversée. Il nous fait part d’un voyage difficile, mêlant courage et désespoir, au travers d’une histoire contemplative et pourtant trop rapide. Mais pour sa beauté, elle vaut le coup !