Un conflit qui emporte tout sur son passage, à commencer par le lecteur

Ce tome fait suite à The Wicked + The Divine - Tome 03: Suicide commercial (épisodes 12 à 17) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il s'agit d'une histoire complète en 9 tomes, il faut avoir commencé par le premier tome. Celui-ci contient les épisodes 17 à 22, initialement parus en 2016, écrits par Kieron Gillen, dessinés et encrés par Jamie McKelvie, avec une mise en couleurs réalisée par Matthew Wilson. Il contient également les couvertures originales de McKelvie, ainsi que les couvertures variantes réalisées par Kris Anka, Jenny Frison, Olly Moss, Jamie Mckelvie, ainsi que 10 pages reproduisant le script et la page correspondante à l'état de crayonné, puis mise en couleurs.


Dans un club de Londres, Perséphone est dans sa loge, se préparant à monter sur scène. Le manager l'avertit qu'il n'y a pas beaucoup de client, certainement un manque de promotion fait par le promoteur. Ce terme renvoie Perséphone à ses derniers souvenirs : la mort de Laura et de ses parents. Ce soir, elle va faire un massacre. Dans le bâtiment de Valhalla à Londres, Minerva est endormie dans son lit, avec sa chouette. Ses parents poussent la porte de sa chambre pour s'assurer qu'elle dort bien, indiquant tout haut que demain elle a une animation de prévue dans un supermarché le matin, une après-midi à rencontrer des fans, et sa fête d'anniversaire le soir. Alors qu'ils sont sortis et qu'ils ont refermé la porte, un papillon passe dans le faisceau de la chouette. Minerve en a profité pour s'aventurer dans la pièce où se trouve la cellule de Morrigan (Marian) qui la titille sur sa sagesse. Perséphone monte sur scène et commence à chanter, scandant l'expression Perséphone est en enfer, provoquant une vive émotion parmi le public. Au bout de quelques instants, l'un d'entre eux pense à sortir son téléphone portable, à filmer la prestation et à la diffuser en direct. Il est bientôt imité par les autres spectateurs.


Dans une autre salle gigantesque de Valhalla, Ananke vient trouver Woden en lui disant que son énorme machine devrait déjà être prête. Woden lui montre la vidéo de Perséphone qui est en train diffusée sur les réseaux sociaux, en direct. Ananke rassemble les autres dieux dans la salle de réunion : Amaterasu (Emily Greenaway), Baal Hammon (Valentine Campbell), Sakhmet (Ruth Clarkson), Woden. Elle leur indique que le destructeur est de retour, et qu'il s'agit de Perséphone. Elle demande à Baal de rester à Valhalla pour veiller sur Minerve, et à Amaterasu de se tenir à l'écart. Ananke part avec Sakhmet et Woden accompagné par ses valkyries, pour aller confronter Perséphone. À peine sont ils partis, qu'un coup retentit sur la porte. Ball l'ouvre pour voir de qui il s'agit, et il se fait sauvagement agresser par Baphomet (Cameron) armé d'un bâton enflammé. Baphomet neutralise Baal en 4 coups bien assénés. Sur scène Perséphone voit apparaître une sphère métallique. Elle comprend tout de suite de quoi elle relève et passe à l'attaque. Ananke, Woden et Sakhmet émergent de la scène et passent aussi à l'attaque.


Dans les pages de fin, Kieron Gillen précise qu'il s'agit du tome le plus chargé en action comme l'indique son titre. Pour le lecteur, c'est effectivement un tome de récompense, et pas forcément pour l'action. Pour commencer, il identifie avec facilité tous les personnages, aidés en cela par quelques morts dans les tomes précédents ce qui en a réduit le nombre. Il se rappelle sans difficulté l'histoire personnelle de chacun, les relations interpersonnelles et les allégeances. Il prend conscience que les auteurs ont réussi à faire décoller leur récit, malgré la forte inertie initiale, à la fois pour exposer le principe de la série (des dieux se réincarnant tous les 90 ans), à la fois pour introduire tous les personnages du panthéon (dans leurs 2 identités, civile et divine, et les personnages qui gravitent autour. Les dessins de Jamie McKelvie constituent une lecture toujours aussi facile, avec un aspect clair et précis pour chaque protagoniste et une petite touche pop dans leur apparence. Au cours de ces 5 épisodes, l'objectif se dévoile un peu plus, avec certains enjeux intermédiaires très précis : le rôle de Minerve, les actions d'Ananke, l'alignement des différentes divinités par rapport à Ananke.


Les 2 camps étant bien définis, les affrontements en règle peuvent commencer, un premier sur la scène où se produit Perséphone, un second dans Valhalla même. McKelvie & Wilson sont en mode pop pour les effets de couleurs : les vrilles vert fluo maniées par Perséphone, la lumière des spots de couleur sur scène, les corbeaux aux yeux vert fluo de la Morrigan, les énergies rose et vert libérées par Luci, la combinaison de jaune et vert des valkyries, et les traits fluos apparaissant sur leur armure, des sucreries pour les yeux. Jamie McKelvie conçoit chaque découpage de planche sur mesure en fonction de la nature et du déroulement de l'affrontement : les 3 cases collées serrées où Baphomet abat son bâton sur Baal, les vrilles de Perséphone qui dépassent des cases pour enserrer tout ce qui est à leur portée, les corbeaux de la Morrigan qui envahissent littéralement l'espace du dessin en pleine page, les cases penchées du fait de la vitesse de frappe de Sakhmet, le sang qui s'imprègne dans les vêtements des témoins d'une mise à mort explosive. Pour ces combats, la narration visuelle est à l'opposée d'un alignement des combattants prenant la pose indifféremment de leur pouvoir ou de l'endroit où ils se trouvent : chaque bataille est racontée en fonction des divinités en place, et du lieu où elle prend place.


Dans les pages bonus, Kieron Gillen explique que sa méthode de travail avec Jamie McKelvie passe du script complet précisant le découpage de la planche et le contenu de chaque case, à une description lâche (à la méthode Marvel) laissant libre cours à l'inspiration de l'artiste, chaque planche pouvant être révisée par la suite si besoin est, que ce soit pour un détail dans une case, ou une ligne de dialogue inadaptée. À la lecture, la connivence entre scénariste et dessinateur apparaît à chaque page, indépendamment de la méthode utilisée. Outre les affrontements inventifs et terrifiants malgré leur apparence pop, le lecteur découvre régulièrement une image mémorable : Perséphone s'observant dans le miroir, Ananke découvrant le camouflage avec la chouette, Cameron découvrant sa divinité dans 2 pages de chute (un leitmotiv visuel depuis le premier tome), Ananke pulvérisant littéralement 2 humains, les valkyries s'assemblant pour former une valkyrie géante (impossible de ne pas sourire devant ce moment très geek), Perséphone dégoulinant littéralement de sang, etc. La case la plus réussie intervient à la fin de l'épisode 18 : Perséphone est en train de tirer sur une clope, au lit avec son amant. La scène est irrésistible, avec le calme qui se lit sur le visage de Perséphone, l'incrédulité un peu inquiète sur le visage de son amant qui appréhende la suite. Non seulement, les auteurs inversent le cliché de la domination masculine, mais en plus ils réussissent à faire apparaître des émotions subtiles et fugaces, exprimant l'état d'esprit de chacun des 2 personnages comme si le lecteur se trouvait dans leur tête. Du grand art.


Avec ce tome, le lecteur a retrouvé sa confiance en lui de saisir tous les tenants et les aboutissants du récit, et d'identifier sans difficulté chaque personnage. Son plaisir de lecture s'en trouve accru et il se dit qu'il va reprendre le dessus sur l'intrigue. Effectivement, les 2 camps se dessinent clairement, et l'objectif de chacun est limpide. Ce n'est pas pour autant que le récit devient prévisible : le rôle d'Ananke a été éclairci pour ce moment, mais il reste à découvrir la nature exacte de sa fonction dans chaque occurrence et son objectif réel, en plus de sa survie. Le lecteur se souvient également qu'il avait été évoqué des forces des ténèbres qui ne se sont pas encore manifestées mais qui constituent une menace. Les divinités continuent de constituer un danger pour les civils et ne pas toutes souhaiter la même chose, certaines envies étant même incompatibles entre elles. Outre l'intrigue toujours aussi prenante, le lecteur se rend compte qu'il s'est attaché à chaque divinité, et à ses failles très humaines, à commencer par leurs doutes et leur manque de confiance en elle. Au milieu des affrontements, le scénariste consacre l'épisode 20 à la prostration de Perséphone, accablée par un traumatisme. Cette situation fait apparaître que Gillen ne se contente pas de bagarre pour toute histoire, mais que ces personnages disposent d'une épaisseur, qu'ils ne sont pas interchangeables, qu'ils ne peuvent pas être réduits à leur costume ou à leur superpouvoir ou même à leurs attributs divins.


D'une certaine manière, ce tome constitue une récompense : le lecteur peut pleinement profiter de l'investissement qu'il a consenti dans les 3 premiers tomes, que ce soit pour l'intrigue, les personnages ou les enjeux. Jamie McKelvie & Matthew Wilson sont dans une forme éblouissante pour des dessins immédiatement accessibles, très agréables à l'œil, avec une narration visuelle sophistiquée discrète. Même si l'accent est mis sur l'action, Kieron Gillen réussit l'amalgame des différentes composantes de son récit pour une histoire pleine de surprises, de spectaculaire, d'émotions, de bruit et de fureur.

Presence
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le 18 sept. 2019

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