Kieron Gillen, alors auréolé du succès de son run sur Journey Into Mystery (mettant en scène Kid Loki), débarque sur Iron Man. Et vu qu'on est dans une série sortie après les premiers films sur le héros, on y retrouve vraiment une écriture de Tony Stark très proche de celle des longs-métrages (ce qui est assez logique, vu que c'est un des points les plus réussi des films).
Comparé à des runs précédents où le personnage pouvait être plus sérieux et héroïque, on a ici un Tony qui fait le mariole, et qui est dragueur et égocentrique, tout en étant un inventeur de génie. Gillen choisissant de mettre plus l'accent sur le côté "futuriste" du perso, remis en avant par Ellis dans son run, que sur le côté patron d'entreprise, qui sont d'ailleurs désormais gérée par Pepper (mais je crois que ça date du run de Fraction, ou peut-être même de la période où Iron Man dirigeait le SHIELD). Le seul élément vraiment traditionnel des comics de Tony Stark qui est gardé, c'est son alcoolisme et son combat quotidien pour ne pas retomber dedans.
Vu que la série est sortie en pleine période "Marvel Now" en 2012, ce premier arc se veux une vraie porte d'entrée pour découvrir le héros et offre une histoire assez facile d'accès. C'est le grand retour d'Extremis (le grand concept issu des épisodes de Warren Ellis), qui se retrouve cette fois-ci non pas dans les mains d'une personne mais de 4-5 dispersées à travers le monde. Toutefois cette intrigue se révèle rapidement très différente de l'originale, puisqu'il n'est pas ici question d'une grande histoire sérieuse à la narration cinématographique, mais d'une histoire beaucoup plus légère, fun, composée de petits épisodes quasiment auto-conclusif, où à chaque fois Gillen propose une tonalité différente et fait découvrir un nouvel aspect des aventures d'Iron Man.
C'est un style d'histoires qui risque d'être un peu déconcertant, notamment pour ceux qui lisent peu de comics, mais qui est intéressant pour la variété des histoires qu'il permet de proposer. On a ici un tournoi de baston, une histoire d'infiltration, une plus orientée occulte, une dans l'espace... Et ce qui bien c'est qu'il permet également d'avoir des histoires à chute, telle des nouvelles, comme le 3e chapitre avec son excellente conclusion tragique.
Donc il y a pas mal de bonnes idées, ainsi qu'un humour anglais qui est franchement le bienvenue sur la série et qui colle bien à Tony Stark. Mais c'est loin d'être un grand arc. Si le retour d'Extremis permet d'explorer de manière intéressante ce que c'est que d'être futuriste, les différentes conceptions du futur et de la fonction du transhumanisme, le problème est qu'à côté de ça, notre héros est complètement laissé de côté. Il est bien là à tous les épisodes en train de sauver le monde, mais il manque franchement de développement. Par exemple, on ne sait pas réellement comment il envisage le futur, lui. Il traverse une espèce de crise existentielle mais ce n'est que survolé, et la conclusion est beaucoup trop vague pour être convaincante. Elle prend du sens avec le tome suivant, mais si l'on considère seulement cet arc, ça ne fonctionne pas. Et pour un tome d'introduction au héros, c'est problématique. Le concept de l'armurerie mobile qui lui permet de changer d'armure selon les situations n'est pas non plus le concept le plus renversant que l'on ait pu voir. Et puis les différents chapitres proposant des types d'histoires différents à chaque fois, il y en a forcément des plus ratées que d'autres. Et honnêtement celle dans les catacombes de Paris m'a bien gonflée, là où j'ai bien aimé celle chez le colombien, et celle du tournoi était plutôt intéressante dans sa construction même si j'ai aucune idée de ce que Gillen a voulu dire avec la conclusion.
Un autre point qui divisera avec ce tome, c'est la partie graphique, assurée par Greg Land. Il a un style très particulier, et honnêtement on est très loin des sommets graphiques atteints par d'autres séries lors du relaunch Marvel Now (allez voir Ribic sur Thor, Opena sur Avengers ou Immonen sur All-New X-Men, c'est quand même autre chose), mais je trouve que son style plein de grands sourires publicitaires et d'espèce de femmes-mannequins aux poses figées convient bien pour le monde superficiel des riches industriels. Ça me fait rire de voir la tête d'idiot que se paye Tony Stark. Ça n'aide pas à l'empathie, c'est sûr, mais ça colle à son caractère. Notons quand même que Land s'applique pas trop mal sur le dessin des armures et que le coloriste Guru e-FX fait étonnamment une prestation presque potable, notamment sur ce très beau ciel crépusculaire à la deuxième page du premier chapitre. Ça doit bien être la seule fois que j'ai vu quelque chose de bien colorisé de la part de ce type. Mais c'est pareil, son style clinquant et flashy colle bien aux dessins de Land et à l'univers de la série.
Pour conclure, si ce tome n'est pas aussi catastrophique que ce à quoi je m'attendais, on est quand même loin d'une vraie bonne histoire, et surtout ce n'est pas vraiment le tome que je conseillerais pour découvrir le héros. Allez plutôt lire Extremis ou à la limite le premier arc de Bendis si vous voulez quelque chose de proche des films, et sinon allez essayer le run de Busiek.