Crystal Sky of Yesterday n’était pas forcément un titre qui était dans mes priorités, mais je ne sais pas, j’ai été touchée par la couverture en librairie et je lui ai laissé une chance. Je n’ai pas du tout regretté. J’ai absolument adoré !
A l’instar des éditions Fei, la bande dessinée chinoise n’est pas vraiment présente dans notre contrée. Pour les éditions Kotoji, il semble que cela soit un réel pari car en allant fureter sur leur site, j’ai découvert que leur nouveau label « Asian District » était tout nouveau. Celui-ci a notamment pour but de mettre en avant des œuvres graphiques asiatiques (surtout chinoises). Et c’est avec Crystal Sky of Yesterday que l’éditeur prend le pari. Un titre qui a connu un grand succès en Chine il semblerait. Je ne connaissais pas Pocket Chocolate, mais ce titre m’a donné envie d’en découvrir plus le concernant.
Crystal Sky of Yesterday est un titre intimiste qui nous plonge dans la vie de Tu Xiaoyi, un jeune homme qui, suite à un évènement, va alors se replonger dans les souvenirs de son adolescence. Mais cela va aussi faire ressurgir quelques moments douloureux. Il semblerait qu’il y ait une part autobiographique dans ce titre. C’est peut-être pour cela qu’on a vraiment la sensation de rentrer dans l’intimité de Tu Xiaoyi. On se sent limite un peu gênés.
Tu Xiaoyi est un adolescent comme tous les autres. Il n’a pas forcément des notes excellentes si bien qu’il subit les foudres de son professeur principal, le très strict Mr. Chen. Mais il a quelques loisirs qui lui permettent de s’évader comme une passion pour les jeux vidéos et pour les dessins. Il faut dire que le jeune homme aimerait bien devenir dessinateur de manga. Il peut également compter sur son pote « Peanut ». Mais voilà, notre jeune Xiaoyi est secrètement intrigué par la belle Yao Zhetian et aimerait se rapprocher d’elle. Quand Qi Jingxuan va arriver dans sa classe, l’équilibre du jeune garçon va se rompre et petit à petit, des choses vont brusquer son univers…
Franchement, quand on regarde l’intrigue, on se dit qu’il n’y a rien d’extraordinaire. C’est quelque chose de simple qui est proposé par le manhuajia. Et pourtant, quel délice que cette narration. Je ne saurais l’expliquer, mais on est saisi par ce qui est véhiculé. Tout le long, on suit les pensées rétrospectives du héros qui se dévoile comme jamais. On a l’impression que l’auteur parvient à toucher assez justement les choses. En sachant qu’il y a une part autobiographique, je pense que c’est pour cette raison que l’on est davantage touché par ce que vit le jeune Tu Xiaoyi : le peu de place laissé aux rêves personnels, l’éducation très stricte au lycée (les pressions du système éducatif chinois sont très bien dépeintes) et surtout cette incertitude face à demain. Comment envisager son avenir quand on manque de soutien ? Comment penser que la vie adulte sera envisagée sous les meilleurs auspices ? Des interrogations que l’on peut se poser quand on est au début de sa vie d’adulte. Tout cela se passe à travers une peinture assez fine de la vie quotidienne. Les instants « tranche-de-vie » sont très présents. Tu Xiaoyi se remémore les bons comme les mauvais moments : ses disputes avec son pote, les moments privilégiés en compagnie de la jolie Yao Zhetian et sa fâcheuse manie de mettre ses cheveux derrière ses oreilles. Mais malheureusement, les mauvais moments vont aussi être l’occasion d’exprimer des regrets bien compliqués à oublier.
L’ambiance douce-amère qui se dégage du titre est très marquante. On sent une grande nostalgie dans ce titre. Cette mélancolie touche de manière captivante au fur et à mesure que l’on découvre les personnages et l’histoire. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de les apprécier : Yao Zhetian est le seul personnage féminin du titre. Elle apparaît comme la fille douée naturellement et assez amicale. On a presque l’impression que c’est une évidence si le héros tombe amoureux d’elle. Pourtant, la demoiselle cache aussi des blessures liées à la pression parentale. On voit une jeune fille qui ne peut pas entièrement vivre ses aspirations brisées par des attentes trop lourdes sur ses frêles épaules. Peanut apparaît comme le bon pote. Toujours jovial, il essaie d’être insouciant comme pour soutenir la pression que subit le héros. Mais il est parfois un peu malmené par ce dernier. Enfin Qi Jingxuan ne peut que vous intriguer. Il incarne la figure du rebelle. Fils du directeur de l’académie, il sait qu’il a un certain poids et en joue. Mais pourtant, on ne peut pas dire qu’il en profite. Il préfère s’en servir pour aider les autres d’une certaine façon. C’est un personnage qui me paraît encore insaisissable mais que je ne peux m’empêcher de trouver captivant. On sent qu’il aimerait aspirer à plus de libertés tout comme il semble cacher une souffrance palpable mais qu’il tait. Le trouble qu’il suscite chez nous (enfin, davantage les lectrices) trouve écho chez Yao Zhetian qui éprouve également une certaine attirance pour le jeune homme, ce qui ne manquera pas de perturber Tu Xiaoyi. Très vite, on comprend que la déception amoureuse va poindre, mais on ne sait pas encore entièrement quelles résonances elle aura sur les deux jeunes hommes. Ce triangle amoureux qui s’installe petit à petit est d’une magnifique subtilité. Comment l’auteur arrive à exprimer avec autant de charme des petites choses aussi simples ? Je n’arrive toujours pas à comprendre…
En somme, ces personnages sont vrais. On se sent proches d’eux, on comprend leurs tourments et on a envie de les épauler. Les éléments sont parfois simplement esquissés, mais on arrive à comprendre tout de suite ce que Pocket Chocolate a voulu dire. Cette jeunesse aux rêves brisés, qui se cherche sans y parvenir réellement et qui aimerait aborder sereinement la vie adulte, j’ai été séduite. On sent bien que cela amène tout doucement l’entrée en scène d’un des thèmes importants du titre : l’entrée dans la vie adulte. J’attends de voir comment l’amour brisé sera mis en scène par la suite car j’ai ressenti une vague de compassion pour le héros quand il saisit ce qu’il n’aimerait pas saisir. Ce qui est le plus troublant, c’est que paradoxalement, il va créer un lien avec Qi Jingxuan.
Vous l’aurez compris, on est dans un titre sensible où les émotions sont à fleur de peau. Tout sonne juste dans ce titre et c’est peut-être pour cela que j’ai été touchée. C’est le genre de titres que j’aimerais davantage voir en France. Pour moi, Pocket Chocolate semble davantage être un artiste. Et cela est souligné par ses planches qui ont un style assez épuré. On sent un travail affiné et cela est confirmé par l’auteur qui semble être souvent revenu sur ses dessins. Tout est fluide et cela fait du bien.
En somme, c’est donc un récit limpide, fin et parfaitement nuancé qui est proposé. On n’est pas trop gêné par le dessin de l’ordinateur car l’auteur prouve qu’il est capable d’utiliser une palette assez riche. J’ai beaucoup aimé le jeu des couleurs avec notamment les couchers de soleil, comme si on cherchait à renforcer la mélancolie du titre.
J’ajoute que la qualité du titre passe également par un choix de papier vraiment très agréable au toucher. Un papier de très haute qualité.
Crystal Sky of Yesterday est une très belle découverte. C’est touchant, réaliste et profondément humain. On ne peut pas l’expliquer : cela touche, c’est tout.
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