Dans la Prison est un manga one shot de Kazuichi Hinawa publié dans les années 2000 au Japon. Nous ne sommes pas en face d'un récit de fiction, mais davantage d'un documentaire-témoignage narrant l'expérience carcérale du mangaka qui fut emprisonné le 8 décembre 1994, durant trois ans pour détention illégale d'arme à feu, dans une prison de l'ile d'Hokkaidō située au nord du pays. Chaque chapitre représente des micro scènes du quotidien, mettant en perspective les conditions de vie et les états d'âme de l'auteur et de ses voisins de chambrée. L'on pourrait s'attendre à lire un récit sombre et réaliste sur la misère existentielle d'un prisonnier soumis à un sévère régime de lois, mais il n'en est rien. Le manga dénonce avec un ton très fin et ironique, l'absurdité de l'administration pénitentiaire japonaise basée sur des règles très infantilisantes, voire absurdes si on les juge avec un regard occidental. Tout est codifié et ritualisé : la prise des douches, la façon de s'habiller, de marcher au pas militaire dans les couloirs, d'assurer l'hygiène de sa cellule en devant respecter des protocoles très précis sur la manière de tenir l'hygiène de ses vêtements ou de son régime alimentaire. Chaque moment de la journée est régi par des activités bien spécifiques, empêchant le moindre moment de vide, conséquence fatale avec ses avantages et ses inconvénients : le temps passe vite, mais avec l'impression ténue de vivre dans une boucle où la fantaisie et l'insolite sont limités par les menus changements du régime alimentaire. Un temps comme figé, dont les variations cosmiques ne filtrent qu'à travers une fenêtre du réfectoire donnant sur une montagne dont la couleur du moment permet de garder une maigre conscience de la saison dans laquelle l'on se trouve.
Le dessin de Kazuichi est âpre, précis dans la retranscription des décors et des atmosphères, mais parfois grossier dans le rendu des visages des personnages : comme si durant la parenthèse que représente la prison, le poids et la répétition de l'endroit prenait le pas sur la subjectivité et les colorations de l'individu, légué au second plan. z