Soyons honnêtes ! C'est uniquement à la vue des premières planches que ce SPIROU & FANTASIO pouvait rassurer par rapport au précédent opus - qui compte tout de même parmi les deux pires albums de la série (aux côtés de Spirou à Tokyo), mais au final c'est loin d'être une merveille. Loin s'en faut ! C'est par contraste avec La Face cachée du Z qu'il pouvait paraître bon. C'est tout. En fait, on veut plus l'aimer qu'on ne l'aime vraiment. Ça fait tellement d'années (depuis 1995) qu'on n'a pas eu un vrai bon SPIROU à se mettre sous la dent que les quelques points positifs de celui-ci aperçus dans son début peuvent donner l'illusion du retour de la qualité dans la série.
La première moitié a donc apparemment de quoi rassurer l'habitué, car il y trouve une esthétique très stylisée qui le ramène en terrain connu grâce à Fred Blanchard, chargé des décors (Jidéhem était mentionné sur les couv', pourquoi pas lui ?) Sa contribution, associée à la luminosité retrouvée de la colorisation et au retour de la turbotraction I, rappelle grandement l'Incognito City des Pirates du silence dans les planches se déroulant sur l'île (la colorisation de la seconde moitié est beaucoup plus discutable - cf. la forêt turquoise foncé !?!).
Malheureusement, les pages se tournent et le vide se fait de plus en plus présent passée la première vingtaine. Le scénariste nous sort des dialogues plombés et on nous gratifie de références pénibles et complaisantes adressées au fan de l'âge d'or (Jijé, Delporte, Demesmaeker. Sans oublier la Licorne et le marché aux puces - lourdes références à TINTIN - On se croirait presque chez Yann). Il serait temps que les auteurs cessent de faire des clins d’œil aux collectionneurs ; Les bons auteurs n'ont pas besoin de ça, leur talent et leur créativité leur suffisant, normalement.
Yoann & Vehlmann ont beau nous raconter ce qu'ils veulent, on sent toujours que ce n'est vraiment pas naturel pour eux de faire du SPIROU & FANTASIO. Il suffit de voir le dessin de Yoann : Tant que les personnages ont été prédéfinis, il arrive à les recopier et à donner le change (encore que Seccotine ne ressemble à rien une fois sur deux. Quant à la dernière case, nombreux sont ceux qui n'ont pas reconnu Vito Cortizone à la première lecture), mais ses créations personnelles et ses figurants n'ont graphiquement rien à voir avec le monde de SPIROU (cf. les juges et avocats, ou le méchant). Et que dire de la turbotraction II, normalement hyper longue et toute en aspérités, ici ronde et ultra compacte !?
Cette reprise s'avère en fait plus fastidieuse que le fut celle de Fournier à qui il avait déjà fallu trois albums pour s'approprier la série.
Dans les griffes de la Vipère a toutefois quelques menues qualités. La petite Ninon - une mini-Seccotine jeune et brune - est très charismatique, notamment par son énergie et sa vivacité qui contrastent avec la pâle figuration du comte de Champignac. Le sujet de Vehlmann est plutôt valable, mais très mal exploité. C'est plus un prétexte qu'un véritable scénario, mais on arrive malgré tout à se laisser porter jusqu'au bout de l'histoire. La fin paraît certes un peu brutale, mais elle correspond bien au thème et caricature/critique à bon escient le destin d'une vie vouée à la finance moderne et qui évolue au gré des fluctuations de la bourse. Ce n'est pas vraiment elle qui pose problème, mais tout le passage à Champignac. Pourquoi en effet y renvoyer Spirou alors que chacun sait que lorsqu'on fait l'objet d'une chasse à l'homme, on évite les lieux et les personnes qu'on fréquente habituellement - c'est d'ailleurs pour cette raison que Spirou ne contacte pas Fantasio directement, non ? Où est la cohérence ? (C'est un "bon scénariste" qui a commis ça ?)
L'histoire aurait dû se dérouler intégralement dans les îles Marmelade et mettre à profit tout le potentiel que cela implique (cadre et personnages secondaires), mais Vehlmann a bâclé par fumisterie et plutôt que se creuser la cervelle, il a facilement renvoyé tout le monde au village (encore une fois pour faire plaisir à ces fameux "gardiens du temple" qu'il se délecte à citer à longueur de promo) pour une seconde moitié des plus artificielles et des moins convaincantes, voire ridicule (rappelons que Spirou ne revient de l'autre bout du monde à Champignac que pour changer de costume gris - alors qu'il l'avait déjà fait auparavant).