Cet avis peut contenir des spoilers, attention à ne pas dépasser cette ligne si vous n'avez pas encore lu la BD.
J'ai beaucoup aimé le fait que l'environnement soit exclusivement féminin et même lesbien sans que ce soit jamais étonnant pour les personnages et presque pas pour le/la lecteur/lectrice. C'est s'offrir une belle marge de manœuvre pour aller au-delà des questions qui tournent habituellement autour de ces thématiques, même si j'aurais préféré l'absence de guillemets autour du pronom iel histoire d'être 100% inclusif jusqu'au niveau typographie.
Je ne peux pas dire que je n'ai pas été touchée par l'histoire d'amour de Mia au lycée, construite je trouve avec justesse et pudeur dans un flashback qui prend son temps, mais je trouve ses relations avec le reste de l'équipage trop vite expédié (comme le retournement de Grace à la fin) et les hasards un peu grossiers : comme par hasard les cheffes du vaisseau ont transporté son amoureuse dans le passé ? Comme par hasard le personnage mutique vient du même endroit bizarre où il a une histoire archi compliquée et conflictuelle ? On se connait à peine mais on part pour une mission qui a tout l'air d'être suicidaire toutes ensembles parce qu'on est trop amies et tant pis pour le travail après tout on a pas besoin d'argent ? (???) J'ai du mal à dépasser ces facilités scénaristiques d'accueil inconditionnel et total, mieux traitées je trouve (plus progressivement, avec plus d'événements qui soudent) dans le livre de Becky Chambers par exemple - L'espace d'un an.
A part ça, je pense que j'ai été un peu frustrée de ne pas comprendre davantage l'organisation de la société, de l'univers ; pourquoi réparer ces bâtiments anciens retrouvés on ne sait comment dans l'espace ? Pourquoi l'absence de problèmes de gravité ? Comment trouvent-elles le bacon qu'elles mangent au petit-déjeuner ? Le vaisseau qui les transporte est-il animal ou mécanique ou un mélange des deux, comme Moya dans Farscape ? J'aime bien quand il y a un zeste de mystère mais mon côté terre-à-terre exige un certains nombre de principes plausibles fondateurs que je n'ai pas réussi à trouver dans cette BD, lui donnant un côté flou un peu trop facile à mon goût.
Pour finir, j'ai trouvé que la palette chromatique limitée et cette omniprésence du noir servait bien le récit, que l'émotion des personnages était bien rendue dans leur attitude, leurs visages, même si au début il m'est arrivé de confondre certains personnages / de ne pas bien m'y retrouver. J'ai bien aimé les quelques planches muettes même si elles restaient un peu froides peut-être.
Une bonne lecture dans l'ensemble, émouvante et onirique bien qu'elle aurait pu être davantage fouillée et développée.