Dans la vie, il y à Bowie aussi.
Je dois l'avouer, je connais assez mal l'œuvre musicale de David Bowie, mais c'est plus par intérêt pour le travail de Mike Allred que j'ai acheté cette BD. Il y a bien sûr certaines chansons qui me...
le 11 mai 2023
Ce tome constitue une biographie partielle de David Bowie, se suffisant à elle-même et accessible à tous les lecteurs, néophytes comme fans confirmés. Il s'agit d'une bande dessinée d'environ 150 pages, en couleurs, coécrite par Michael Allred & Steve Horton, dessinée et encrée par Michael Allred, et mise en couleurs par Laura Allred. L'ouvrage s'ouvre avec une page d'introduction écrite par Neil Gaiman, évoquant sa découverte de l'univers de Bowie ayant été accroché par les récits de science-fiction racontés par les paroles de ses chansons, depuis The man who sold the world (1970) à Ziggy Stardust (1972). Puis il évoque sa rencontre avec Michael Allred en 1983 lors d'une séance de dédicace à Forbidden Planet (Londres), et leur collaboration pour l'épisode 54 de la série Sandman en 1993. En fin de tome se trouve une postface de 2 pages de Michael Allred évoquant la genèse et le développement de cette bande dessinée et sa collaboration avec Horton, ainsi qu'une page de remerciements, et une demi-douzaine d'illustrations en pleine page.
3 juillet 1973, David Jones se produit à l'Hammersmith Odeon à Londres, en Angleterre, avec les Spiders from Mars, pour le dernier concert de leur tournée, et la fin de Ziggy Stardust. En 1962, David Bowie s'est disputé avec George Underwood à propos d'une fille et la bagarre occasionne un dommage à sa pupille gauche qui restera dilatée toute sa vie. Au cours des années 1960, il fait partie d'une douzaine de groupes différents, et il apprend l'art du mime avec Lindsay Kemp, ce qui lui sert également d'introduction à l'avant-garde et la Commedia Dell'Arte. Assis à une terrasse de café, il écoute avec Marc Bolan, Steve Marriott annoncer la formation d'un groupe appelé Small Faces. Un peu plus tard, Ken Pitt, le manager de David, lui conseille de changer de nom pour ne pas être confondu avec un personnage de la série télé The Monkees. David se décide pour le patronyme Bowie, non pas comme le couteau, mais comme un autre personnage télé. En 1967, il est allé voir Cream en concert avec Eric Clapton, accompagné par son demi-frère Terry Burns. Ce dernier a une crise de démence en pleine rue, ce qui inquiète David quant au risque que lui-même finisse par en souffrir.
Un peu plus tard, Ken Pitt fait écouter un pressage test de l'album The Velet Underground & Nico, cadeau que lui a fait Andy Warhol lors de sa visite de son atelier The Factory à New York. En 1967, sortent de nombreux albums pop et rock, de Bob Dylan aux Beatles, en passant par Pink Floyd, autant d'influences et de sources d'inspiration. Le premier album e Bowie sort en même temps que Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, mais il ne connaît pas le même succès. Kenneth Pitt lui présente un nouveau producteur : Tony Visconti. Ils sympathisent au cours de la journée. Bowie emménage dans la maison de Pitt, et entame une petite carrière d'acteur, dont un tournage de publicité avec un jeune Ridley Scott. Le 4 septembre 1963, The Tortoise, le groupe dont il fait partie, se produit au Roundhouse à Londres : parmi les spectateurs se trouve Mary Angela Barnett, sa future épouse. Régulièrement, il se rend dans les échoppes de Kensington Market où travaille, entre autres, un dénommé Farrokh Bulsara. Ken Pitt a réussi à réunir un budget pour tourner un film promotionnel pour l'album de Bowie. Lors du tournage, il fait la connaissance de Hermione Farthingale avec qui il fait plus que sympathiser, mais elle finit par tomber dans les bras d'un autre acteur. Dans ce film, il joue les rôles des personnages Ground Control et Major Tom. Ce film rend hommage à 2001 l'odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick, et à Barbarella (1968) de Roger Vadim.
Rien qu'en lisant le sous-titre (Stardust, rayguns & Moonage dayrdreams), le lecteur sait que les auteurs s'adressent au moins aux connaisseurs : Stardust comme Ziggy, Rayguns et Moonage Daydreams, constituant une expression et le titre d'une chanson de l'album Ziggy Stardust. Effectivement, les références sont pointues et précises, nombreuses et pertinentes, à la fois relatives à la biographie de David Bowie, à la fois relatives aux artistes de l'époque. Du coup, cet ouvrage parle forcément plus à des lecteurs un peu familiers de l'univers de la musique pop & rock de l'époque, qu'à des néophytes qui pourraient être rebutés par ces noms de célébrités, parfois confinées à cette époque, parfois à la notoriété ayant survécu au passage des décennies. D'un autre côté, ces mêmes lecteurs peuvent aussi apprécier cette forme de découverte, d'ouverture sur toute une époque. Celle-ci est clairement définie : de 1962, en avançant rapidement jusqu'en 1970, jusqu'en 1974 pour la sortie de Diamond Dogs en 1974, c’est-à-dire la retraite définitive du Personnage de Ziggy Stardust. De même le ton de la biographie est clair dès le début : un croisement entre une hagiographie et la mise en œuvre d'un destin déjà avéré, c’est-à-dire presque une justification à rebours, le passé étant revu à l'aune de la carrière à venir de l'artiste. Là encore, le ressenti du lecteur peut varier entre agacement d'une admiration sans critique, ou plaisir de cet enthousiasme communicatif.
En outre, le ton de la narration s'apparente plus à une forme de respect et même d'admiration pour David Bowie, au travers de ses accomplissements, qu'à une adoration idolâtre. À l'évidence, il s'agit d'un chanteur pop dont la carrière s'est étendue sur plus de quatre décennies, avec un succès impressionnant, des prises de risque, une vie qui force l'admiration quelle que soit son appréciation pour sa musique. En fait, le lecteur peut aussi prendre le ton de l'ouvrage pour du respect tout simplement, sans y voir une sorte de révérence aveugle. Sous réserve qu'il soit curieux de la vie de l'artiste ou qu'il ait un peu d'appétence pour la scène musicale de l'époque, le lecteur se retrouve vite emporté dans cette biographie. Il se sent à la fois en terrain connu avec les références qu'il identifie comme les pochettes d'albums de l'époque, à la fois comme guidé par un passeur attentionné vers des détails, des correspondances qu'il ne connaissait pas, qu'il ne soupçonnait pas. Il peut aussi s'interroger sur la volonté des auteurs de rapprocher des événements qui ne présentent pas de lien de causalité, pour donner un sens à leur association sur la page. Par exemple, le fait que David Bowie achetait des vêtements à Kensington Market alors que le futur Freddie Mercury y travaillait peut paraître forcer la dose juste pour établir un lien qui n'existe que dans la tête des auteurs. D'un autre côté, cette mise en avant d'une synchronicité peut aussi se lire juste comme une façon de faire ressortir la concomitance de l'émergence de plusieurs talents remarquables, l'esprit d'une époque favorable à ces artistes aventureux.
Sous réserve qu'il ne se formalise pas de ces 2 particularités de la narration, le lecteur ressent tout l'amour que les auteurs portent à David Bowie, et se sent lui aussi vite gagné par une partie de cet enthousiasme, et de ce respect. Il découvre la vie singulière d'un artiste allant de l'avant, aimant la vie, la popularité, créateur original et infatigable. Il se rend compte que Horton & Allred ont pris le parti de mettre en avant les éléments positifs de la vie de David Bowie, n'occultant pas les scandales et les turpitudes, mais préférant se montrer constructifs, ce qui offre une vision très inhabituelle par comparaison avec les biographes préférant utiliser les éléments négatifs pour être sûrs de retenir l'attention du lecteur. Par voie de conséquence, cette approche ne permet pas de prise de recul, et ne contient pas d'analyse critique constructive ou non sur l'œuvre de l'artiste. Il y a la mise en avant de quelques liens de cause à effet sur telle ou telle évolution de la carrière, telle idée créatrice. Pour autant, la lecture s'avère passionnante de bout en bout, même pour un amateur superficiel de David Bowie. Michael Allred est avant tout connu pour sa carrière d'artiste de comics comme Madman, X-Statix (avec Peter Milligan), iZombie (avec Chris Roberson), FF (avec Matt Fraction), Silver Surfer (avec Dan Slott) et beaucoup d'autres. Ses dessins sont souvent qualifiés de pop un peu naïfs, avec des couleurs acidulées, et une sensibilité rétro, autant de qualité parfaitement en phase avec une évocation d'un géant de la pop du début des années 1970.
À la lecture, la première chose qui saute aux yeux est la capacité de l'artiste de capturer la ressemblance avec les personnes ayant vraiment existé : David Bowie bien sûr, Iggy Pop, Lou Reed, Elvis Presley, Elton John et tant d'autres. D'ailleurs, ça se transforme vite en jeu pour le connaisseur d'identifier tel ou tel visage d'un artiste qui n'est pas nommé dans les bulles ou les cartouches. En outre, il ne se contente pas de visages ressemblants, il sait aussi reproduire les postures, les attitudes avec fidélité et justesse. De la même manière, les pochettes d'album, les costumes de scène sont reproduits avec fidélité et exactitude, Allred réalisant des dessins dans un registre plus descriptif qu'à son habitude. Ses représentations des instruments de musique, des scènes, des bâtiments sont tout aussi consistantes et précises, offrant une reconstitution historique de cette époque, de ces modes, très consistante et précise. Très vite, qu'il en soit familier ou non, le lecteur se projette dans ces lieux, aux côtés de ces personnes très vivantes, très justes. Il est impressionné par la densité de détails, attestant de recherches extensives, et d'un grand amour pour leur sujet.
Dans les faits, les bandes dessinées sur un musicien pop ou rock buttent vite sur la difficulté de transcrire les vibrations de la musique sur une page de papier. Au fur et à mesure des séquences, le lecteur se retrouve à fredonner les chansons des albums évoqués, s'il les connaît, tellement les auteurs parviennent à restituer avec justesse la personnalité publique de David Bowie, au travers de son parcours personnel et de sa vie privée. Les dessins sont d'une justesse surnaturelle, fidèle et vivante, sans être figée. Une bande dessinée qui réussit le pari de donner l'impression d'être en train d'écouter les albums en lisant simplement les pages.
Créée
le 3 nov. 2020
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3 j'aime
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