Ce tome comprend les épisodes 14 à 20 de la série américaine ; il peut être lu indépendamment des autres.
Carl Donewicz est un supercriminel appelé Steeljack (anciennement Steel Jacketed Man), il dispose d'une peau métallique et d'une force surhumaine. Aujourd'hui, il vient de terminer son temps de prison, il est libre, vieux et usé par une vie de perdant. Malgré sa volonté de ne pas retomber dans les mêmes ornières, il ne trouve pas d'autres solutions que de revenir habiter dans son ancien quartier Kiefer Square dans Astro City, et de reprendre contact avec certains de ses anciens compagnons dont Donnelly Ferguson, celui qui met en contact les gros bras avec ceux qui en ont besoin. Bientôt les habitants de Kiefer Square envoient Ferguson demander à Steeljack d'enquêter sur des meurtres de supercriminels domiciliés dans le même quartier. Dans la mesure où ce n'est pas son métier et où il n'est pas particulièrement génial, Steeljack commence par le plus évident : interroger les proches des défunts. Il découvre quelle était la vie de ces individus qu'il connaissait de vue pour la plupart. Il rencontre une jeune fille qui souhaite reprendre le flambeau de son père et un ancien superhéros tombé en disgrâce. Son enquête ne mène nulle part, mais il parvient à sauver la vie d'un supercriminel tout juste arrivé d'Angleterre (Mock Turtle) et tout le monde pense que l'affaire est réglée.
Le lecteur retrouve l'ensemble des créateurs d'Astro City : Kurt Busiek au scénario, Brent Anderson aux dessins, Willy Blyberg à l'encrage, Alex Sinclair à la mise en couleurs et Alex Ross pour les couvertures et la conception graphique des personnages. Dans l'introduction originale, Frank Miller dit tout le bien qu'il pense de cette série, et de cette histoire en particulier. Il insiste sur le fait que les superhéros sont spécifiques aux comics, et il met en avant que Busiek et compagnie ont su utiliser au mieux ce type de personnages.
Busiek continue de tricoter son histoire et sa géographie d'Astro City en tissant des liens entre les différentes générations de superhéros, tous pleinement développés grâce aux contributions d'Alex Ross. Mais l'intérêt principal du récit réside ailleurs : dans le personnage de Steeljack. Busiek a choisi un individu aussi éloigné que possible des stéréotypes des superhéros : Steeljack est âgé, sa belle armure brillante a besoin d'être passée au polish pour éliminer la rouille, il a des bourrelets, c'est un criminel de petite envergure et il a une intelligence moyenne. Busiek a, lui, l'intelligence de ne pas surjouer ces traits de caractères, mais plutôt de montrer comment sa vie est limitée par les cartes distribuées à sa naissance. Même s'il est un perdant, Steeljack est éminemment sympathique. Même s'il ne peut s'extraire de son milieu, il n'est pas résigné. Steeljack est un individu complexe, crédible et humain. Steeljack raconte l'histoire à la première personne et il n'y a pas de narrateur omniscient. Ce mode narratif crée une forte empathie avec le personnage principal et procure au lecteur une grande intensité dans la lecture.
Les illustrations renforcent l'aspect très ordinaire de Steeljack grâce à ces traits relâchés qui expriment la lassitude. Ross et Anderson ont vraiment trouvé un visuel parfait pour ce personnage qui sort de l'ordinaire. Comme à son habitude, Anderson sait comme peu de dessinateurs traduire l'aspect prosaïque de chaque individu et de chaque situation ce qui aide beaucoup à ancrer l'histoire à un niveau humain. Il faut le voir pour apprécier la détresse de Steeljack (qui a trouvé un boulot de plongeur dans un restaurant) quand il casse une assiette qui lui échappe des mains. Dans cette simple case, Anderson transmet toute la résignation d'un individu qui se sait destiné à une vie minable. L'épisode consacré à Mock Turtle est également une réussite d'humanité. Busiek nous invite à suivre la carrière d'un technicien de génie qui crée une armure et que les circonstances amène à s'en servir pour commettre des vols. Anderson transcrit avec finesse chaque émotion sur le visage de cet homme aussi intelligent que naïf. Ce personnage existe comme peu d'autres sur le papier, et son souvenir reste avec le lecteur pendant longtemps. Anderson et Blyberg utilisent un style un peu vieux jeu qui fait des merveilles pour ces récits situés à échelle d'homme. Ils rendent régulièrement hommage aux grands dessinateurs de superhéros des années 1970, sans pour autant les piller, ni se complaire dans une nostalgie passéiste.
Ce tome dépasse largement les 3 précédents grâce à un personnage principal développé et crédible, à une intrigue bien agencée (même si la résolution se sent venir de loin), des dessins mesurés, efficaces et au service de l'histoire, et une richesse très cohérente sur cette ville et ses générations successives de superhéros.