Shinichi Kudo est un lycéen tip top qui n'a que faire des problèmes adolescents. Encore mieux, les problèmes il les résout par paquet de quinze puisque sous sa tignasse incoiffable se cache un esprit des plus impressionnants, capable de venir à bout de n'importe quelle enquête. Car oui, au Japon, on peut à la fois passer son bac et mettre des criminels sous les verrous, un truc culturel faut croire. Toujours est-il que tout semble rouler pour notre Sherlock Holmes des années 90, jusqu'au jour où...au détour d'une ruelle, le mal fit son apparition.
Alors qu'il passait une après-midi fort tranquille dans un parc d'attraction en compagnie de Ran, son amour d'enfance et fille d'un privé raté, à faire les montagnes russes, résoudre le cas d'une décapitation inopportune, bref une journée comme les autres à la foire du trône, voilà que deux hommes en noir, l'air louche, sont malgré eux mêlés à l'enquête et semblent cacher bien plus de mystère qu'une tête volante. Aussi Shinichi se décide à les suivre. Bien rapidement, alors qu'il assiste dans l'ombre à une sombre magouille, notre héros se fait assommer. Plutôt que de régler le problème d'une balle entre les deux yeux, les hommes en noir décident de s'amuser un peu. Et pour une bonne poilade, quoi de mieux que de tester sur un sujet humain une nouvelle substance de leur organisation. Pensant que le corps du jeune homme se mettra à doucement fondre, ils quittent la scène et laisse pour mort Shinichi. Ce qu'il n'avaient pas prévu fut que la drogue ingérée faisait plus que de faire fondre les corps : il les rajeunissaient. C'est alors un Shinichi de 17 ans que nous retrouvons dans un corps de 7. La belle affaire...
Par la suite, c'est aidé du professeur Agasa, son voisin, que Shinichi va prendre une nouvelle identité, celle de Conan Edogawa et tacher de faire tomber la mystérieuse organisation des hommes en noir afin de retrouver son corps. De chez le professeur, Conan sera confié à la famille de Ran en se faisant passer pour un parent d'Agasa. Se servant à son insu du père de Ran, Kogoro, Conan va résoudre enquête sur enquête et se rapprocher encore et toujours plus de son but, vivant dans le mensonge auprès de tous. Tremblez mesdames et messieurs criminels, le détective en culotte courte vous fait prendre 20 ans sans sourciller...
Quand on était gamin on croyait être malin, et surtout particulièrement drôle, à dire qu'on lisait "Détective Connard". Et pourtant, malgré ce gag extrêmement mauvais, la vérité n'est pas loin.
Réfléchissons ensemble quelques instants.
Qu'est ce que c'est que ce mec ?! Partout où Conan met les pieds, que ce soit pendant un voyage, un concert, une ballade dans un parc ou simplement pendant qu'il va prendre un casse dalle en bas de chez lui, les meurtres et les abominations en tout genre pleuvent par centaines. Faut pas l'inviter à dîner celui-là, à coup sûr qu'un des convives finira la tronche dans la soupe et un autre empalé sur sa propre fourchette alors qu'il coulait un bronze dans des toilettes fermées de l'intérieur. Sincèrement, c'est pas humain d'avoir la poisse comme ça, surtout que la criminalité au Japon est tellement plus basse que la notre. Le gamin concentre à lui seul, sur une base de trois enquêtes par tome, à raison d'environ 90 volumes, en enlevant les affaires où personne ne passe l'arme à gauche, on doit être proche des 250 morts. Sachant ensuite qu'aux alentours des derniers tomes on nous fait croire qu'il ne s'est passé qu'une année depuis le début de la série (Ah, le Japon et ses fameuses 48 saisons !! Ça se sait mon bon monsieur, ça se sait), on est sur près d'un décès constaté par Conan par jour !! Et personne ne fait le lien entre cette étrange recrudescence morbide à Tokyo et la présence de cet enfant du démon (parce qu'à ce niveau là je vois rien pour le défendre contre cette hypothèse sur ses vils obédiences).
En mettant de côté tout cela, qui ne sont au final que de sympathiques reproches, on est tout de même face à un manga d'une grande qualité. Pas une qualité de tous les instants, faute à quelques facilités et/ou élucubrations fantaisistes lors d'enquêtes pas toujours très passionnantes mais une qualité à prendre dans son sens général. Parce qu'il faut quand même le faire de proposer autant d'affaires avec autant de raisonnements et de procédés mortels. Bien que beaucoup de meurtres semblent bien peu réalisables dans la vie de tous les jours (je pense notamment à une sur-utilisation de câbles et artifices du même tonneau), l'intérêt est pourtant présent et plus d'une fois, on se prête agréablement au jeu de l'enquête, de la recherche du coupable, du mobile, des preuves etc. De plus, on ne peut que constater le talent de Gosho Aoyama pour ce qui est de créer autant d'ambiances et de ribambelles de personnages tous plus attachants les uns que les autres entre un Conan blasé mais néanmoins sensible, une Ran à la fois touchante et combattive, un Kogoro aussi stupide qu'étonnant...
Avec autant de matière cette série fait office de référence dans le genre du thriller et réserve plus d'un sursaut de notre part, nous lecteurs. L'ayant commencée il y a de cela plus de dix ans, je me surprends encore aujourd'hui à replonger dans mes enquêtes fétiches (tome 46, le meilleur de tous) et me remémore le gosse que j'étais qui appelait notre héros "Détective Connard" tout en dévorant chacune de ses aventures en se gargarisant de découvrir presque à chaque fois la vérité.