Je suis très fan de du Label 619, et encore plus fan de la série DoggyBags.
Que ce soit la série régulière, les DoggyBags Présente, les One Shot, les Cahiers de Vacances, le recueil de nouvelles, j’ai tout lu, tout acheté, et j’en redemande.
Cependant, ce n’est pas parce qu’on est fan de quelque chose qu’il faut se voiler la face et jouer les fanboy absolus face aux défauts que l’on peut trouver.
Il est évident que la nature même des DoggyBags fait de la qualité un paramètre hasardeux. Trois histoires différentes, souvent écrites et dessinées par des gens différents, donc il va de soi qu’il y a du bon et du moins bon, et que tous les numéros ne peuvent pas être égaux.
C’était également évident avec le recueil de nouvelles (Voir ma critique), il ne pouvait pas être parfait.
En revanche, pour un One Shot, le problème est différent, tout comme les attentes ou les critères à prendre en compte, car c’est un seul récit murement réfléchi.
Pour être bref, je dirais que mon plus gros problème avec Trenchfoot, c’est que c’est très court, paresseux, et peu inspiré.
En fait, on dirait une histoire qui était un peu trop longue pour être dans la série régulière, ou dans un ‘Présente’, et trop court pour être divisé en plusieurs parties.
Là où ça devient génant, c’est que vu le nombre de longueurs inutiles, le scénariste aurait largement pu tailler dans le gras, virer grand nombre des moments ‘calmes’ ; et là ça rentrait avec deux autres histoires dans un numéro de la série régulière. L’histoire en elle-même n’est pas mal, elle a tous les critères d’une bonne grosse série B limite Z, ces petits cotés pulp ou cinema d’exploitation, ce qu’il faut de gore, et univers relativement intéressant. Mais il aurait sûrement été préférable de ne pas avoir peur de raccourcir le récit et de l’intégrer dans un numéro du genre de Beware of Rednecks.
Le trait de Ghisalberti n’est pas sans rappeler ceux de Run, Guillaume Singelin, Neyef, Mëgaboy, Baptiste Pagani, ou Prozeet. Des gueules cassées, du décor craspec, des personnages cartoonesques... On aime ou on n’aime pas.
On pourrait leur reprocher d’être loin de dessinateurs comme Jack Kamen, Wallace Wood, Joe Orlando, Jack Davis (les maîtres de l’époque EC Comics), ou Neal Adams, Bernie Wrightson et Tom Sutton (récurrents à l’époque de Creepy et Eerie), dont ils se réclament être les héritiers français, mais leurs styles rappellent plutôt celui de Frank Miller, avec un soupçon d’Eduardo Risso, un zest de Simon Bisley, et peut-être une touche de John Romita Jr. ici et là. C’est loin d’être classique, mais pour ce genre de BD ça colle quand même pas mal (malgré un découpage et une mise en page parfois trop Franco-Belge à mon gout).
Le problème avec Ghisalberti, c’est qu’à la différence d’un Mathieu Bablet qui (même si son style leur ressemble également un peu) arrive à dégager un univers propre et fourmillant de détails, Ghisalberti propose un univers qui ne marque pas... Quand on y prête attention, il y a tout de même du détails, les cases ne sont pas vides, mais c’est l’impression que ça laisse une fois la BD terminée.
Le plus troublant, c’est que beaucoup de planches contiennent 9 à 13 cases, ce qui est quand même assez chargé pour le format (voire trop chargé). Alors oui, ça détaille bien l’action, mais c’est parfois assez lourd, bien que ça se lise extrêmement vite. Néanmoins, malgré ces pages chargées, il demeure une impression de vide. Comme si les dessins n’étaient pas au service de la narration, mais de simples illustrations sans convictions.
En revanche, il y a tout de même truc bizarre qui reste : les couleurs.
Il y a une sorte de code couleurs pour les cases ; selon les lieux, selon les gens, selon les heures... Je n’ai rien contre ce genre de procédés, mais là j’ai trouvé ça too much, avec la sensation désagréable d’être pris par la main (voire d’être pris pour un débile), avec un chemin bien balisé de bon gros panneaux qui m’indiqueraient l’ambiance, et les émotions à ressentir à chaques instants.
La grande majorité des romans graphiques jonglent naturellement avec les émotions. On sent une réelle alchimie entre les images et les mots, bien qu’il y ait parfois une sorte de ‘déséquilibre magique’. Certains textes arrivent à être boulversant sans être fatalement soutenus par les images. Certaines planches sont de véritables œuvres d’art qui se passent largement de textes pour exister. Le lecteur peut ainsi expérimenter de véritables montagnes russes d’émotions, passant de l’action brute au contemplatif, de la joie à la tragédie, du rire franc à l’horreur glaciale. Mais hélas, ça n’est jamais le cas ici. On note bien la volonté, souvent soulignée par ce code couleurs, qu’on assiste à un moment d’action, d’émotion, d’horreur, etc ; mais on ne le ressent pas. Ça ne fonctionne pas.
Ah, et il y a aussi le problème de la Louisiane. Alors je ne m’attends pas fatalement à du cliché ou à des marqueurs forts qui me rappelleraient cet État, mais là, ça aurait pu se passer n’importe où, c’était pareil. Franchement, après Manhunt dans le Tome 15 de la série courante, et les trois tomes de Bayou Bastardise, je crois qu’on tient avec Trenchfoot la pire représentation de la Louisiane du Label 619...
L’histoire contée par MUD, comme je l’ai dit plus haut, n’est pas dénuée d’intérêt.
L’auteur n’est d’ailleurs pas un inconnu pour nous. On se souviendra de son Bone Pickers dans Beware of Rednecks, de sa participation à Tool dans le Tome 16, mais son passage le plus marquant dans DoggyBags reste, et de loin, son Glasgow dans le Tome 14.
C’était pertinent, personnel, crédible et onirique (ou cauchemardesque) à la fois. Ici, c’est quand même creux, ça manque clairement de finesse, de profondeur, et à part raconter une petite histoire un peu trashouille sur les bords, il semble qu’il n’ait absolument rien à dire. Pas de twist, pas de petite morale, pas de trait d’humour noir, rien...
"C’est l’histoire d’un mec, il lui arrive deux ou trois bricoles, il y a deux ou trois morts, et la vie reprend son cours". Fin. Aussi simple que ça.
Tandis que Teddy Bear abordait un sujet grave de manière admirable avec un brin de poésie macabre, et que Mapple Squares était un récit riche à plusieurs niveaux (et sur différentes temporalités), avec une fin croustillante à souhait (même si elle n’est pas des plus originale), ici on a une simple tranche de vie. Pas banale, c’est vrai. Où il arrive deux ou trois bricoles au protagoniste. Où il y a deux ou trois morts. Et puis la vie reprend son cours... Fin...
En passant, pourrais même ajouter South Central Stories au lot des comparaisons, car si il est estampillé Présente, il a toutes les caracteristiques d’un One Shot ; et il avait aussi beaucoup de choses à raconter, avec en prime quelques références bien senties (ah, Robert Johnson) et une fin noire comme on les aime.
Il est vrai que je n’avais aucune attente vis à vis de cette BD, mais franchement, j’en attendais quand même plus que ‘rien’. Parce que c’est vraiment ce que j’ai l’impression d’avoir lu, ‘rien’...
Oh je veux bien me faire l’avocat du diable et soutenir que c’est peut-être justement le propos de cette BD ; que ce récit et cette fin ne sont pas si mal car le tout reste inhérent au personnage principal et à ses choix. Pourquoi pas...
Si cette BD était sortie chez un autre label en étant qualifiée de ‘drame’, j’aurais certainement été d’accord, et je lui aurais peut-être mis la moyenne. Pas plus, parce que ce n’est franchement pas top, et à des années lumières de ce qu’on peut trouver ailleurs.
Mais ce n’est pas le cas ; cette histoire est estampillée DoggyBags, et force est de constater qu’elle est loin de coller avec le cahier des charges et le style qu’ils ont imposé à cette collection au cours de ces dix dernières années.
Je suis très fan de du Label 619, et encore plus fan de la série DoggyBags.
Que ce soit la série régulière, les DoggyBags Présente, les One Shot, les Cahiers de Vacances, le recueil de nouvelles, j’ai tout lu, tout acheté, et j’en redemande.
Mais là je ne peux pas faire l’autruche. Raccourcie et mise entre deux autres histoires, ça ne m’aurait pas dérangé outre mesure. Ça aurait été un DoggyBags comme un autre, avec de bonnes histoires et de moins bonnes. Et celle-là est moins bonne.
Hélas, c’est un One Shot, et je suis désolé, mais ça ne fonctionne pas.
Ce n’est pas grave, ça arrive, je ne regrette pas d’avoir acheté cet album (parce que je suis un peu collectionneur, et parce que ça soutient la BD française) et je continuerai à miser sur le Label 619 en achetant leurs publications. Donc je préfère être honnête en vous disant que cet album est vraiment en dessous de ce qu’on peut attendre de leur part.
Il ne me reste plus qu’à esperer que Dirty Old Glory fasse mieux, en attendant DoggyBags Tome 17 et Blood Moon.