Cent ans de vie
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"Dropsie Avenue", dernier volume de la trilogie "eisnerienne" sur le Bronx, n'atteint pas tout-à-fait la perfection de certaines autres œuvres du maître comme, au hasard, "un Contrat avec Dieu" ou encore "l'Appel de l'Espace", sans doute parce que son sujet même - narrer la vie d'un quartier sur plus d'un siècle, plutôt que suivre le destin d'un ou de plusieurs individu(s) particulier(s) (même s'il ne manque pas ici de personnages dont la vie nous est narrée presque du début à la fin, lorsque cette vie se mêle intimement à celle de Dropsie Avenue, comme c'est le cas de l'avocat juif Gold) - empêche une véritable identification du lecteur aux "héros" du livre. C'est néanmoins par la pertinence de sa description de la construction de l'Amérique, couche d'immigrants après couche d'immigrants, que "Dropsie Avenue" gagne le statut de lecture indispensable en 2016, alors que la question de l'intégration et de la cohabitation entre cultures différentes et mœurs conflictuels est certainement l'une des plus essentielles à la survie de nos civilisations. Eisner est tout sauf un moraliste (son propos ici pourrait d'ailleurs être assimilé à celui d'un théoricien de l'urbanisme), et il ne dissimule aucune tare de l'être humain, aucune abjection à laquelle se livrent des personnages souvent corrompus jusqu'à la moelle : chez Eisner, l'homme est mauvais, le bon est impitoyablement écrasé, et tout finira forcément mal, comme l'illustre la dégradation interminable - pourtant évitable, on le voit bien - de ce quartier livré régulièrement à des scènes de haine et de violence inter-confessionnelles ou inter-raciales. Pourtant, point de nihilisme, point de désespoir, mais une sorte d'admiration devant l'énergie et la résilience de l'être humain, aussi haïssable ou au contraire naïf soit-il, qui rend la fin du livre particulièrement émouvante. Oui, "Dropsie Avenue" a été finalement rasée, puis remplacée par une utopie qui fera long feu... mais la société constituée tant bien que mal par ces groupes ethniques "inassimilables" a fini par fonctionner. Et plus important sans doute, des enfants ont grandi, des hommes et des femmes se sont aimées, des familles ont vécu ici. Ce beau livre en témoigne. [Critique écrite en 2016]
Créée
le 22 janv. 2016
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