Cent ans de vie
Will Eisner est connu pour être sans doute l'auteur de BD à l'origine du terme "roman graphique". Voulant sans doute par là distinguer certaines de ses oeuvres de la masse de comics de super héros,...
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le 21 mars 2016
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Will Eisner est connu pour être sans doute l'auteur de BD à l'origine du terme "roman graphique". Voulant sans doute par là distinguer certaines de ses oeuvres de la masse de comics de super héros, aux sujets, tons et styles de dessins plus codifiés et commandés par les grands éditeurs, et Dropsie Avenue forme la troisième volet de la "trilogie" consacrée à un quartier fictif du Bronx : la Dropsie Avenue justement. Et si Un Pacte avec Dieu, premier volume, proposait plusieurs petites histoires narrant les destinées de certains de ses habitants, ce troisième volet engage le lecteur dans un périple temporel de cent ans, entre 1870 et 1980, pour montrer l'évolution du Bronx dans son ensemble.
Parce que c'est bien le quartier le sujet et même le héros de l'histoire, naissant sur des terres agricoles exploitées par des Hollandais, connaissant peu à peu son heure de gloire, puis une lente, mais certaine décadence, Eisner propose en fait de voir toutes les étapes de création d'un quartier américain, rythmé par les différentes vagues de migrations, certains fuyant les guerres européennes, d'autres à la recherche d'un continent plus florissant économiquement ou même des Américains défavorisés faisant le grand saut vers New-York. Brièveté oblige (170 pages pour couvrir cent ans d'histoire), les personnages se succèdent à une vitesse fulgurante, mais restent bien au coeur du récit, quand bien même ils marquent individuellement peu le lecteur au vu de leur faible présence et du brassage continu d'individus.
Car Eisner a fait le choix (logique en somme) de ne raconter son histoire qu'au travers de certaines familles vivant dans le quartier, mais les départs et arrivées continues empêchent toute lassitude, et contribuent à rendre cette histoire très vivante et "justement" décrite, puisqu'elle tient compte de points de vue très différents. L'absence de découpage en chapitres ou d'encarts trop explicites rend la narration complètement fluide, et laisse le lecteur seul juge de ce qui détermine vraiment les époques et la réelle évolution du quartier. Eisner ironise beaucoup sur les maux de la multiculturalité (et de l'immigration), faisant dire à nombre de ses personnages au cours des différentes générations que la situation ne fait qu'empirer "à cause des nouveaux immigrés" et force parfois un peu le trait avec des mariages œcuméniques ou des beaux gestes de solidarité entre communautés pour nuancer son portrait plutôt pessimiste du territoire new-yorkais, dont le nom est devenu au fil du temps synonyme de ghetto.
On pourra regretter le côté caricatural de la plupart des personnages : le Juif avocat qui investit dans l'immobilier, les Italiens qui tiennent un resto de pâtes ou les Irlandais brutaux, mais encore une fois il aurait été difficile de véritablement développer les différents personnages, puisque ceux-ci ne servent qu'à montrer l'évolution du véritable protagoniste : l'Avenue Dropsy.
Un voyage dans le temps fascinant, bien rythmé et narré de manière plutôt originale pour une bande-dessinée, le tout avec un dessin efficace qui évite le style caricatural des comics américains et permet des personnages très variés dans leur style et plutôt expressifs. Une très bonne BD américaine, étonnamment méconnue dans nos contrées.
Créée
le 21 mars 2016
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