« J’ai passé toute mon enfance en pleine nature. L’enfance et la nature, pour moi, c’est la même chose exactement. Comment je vais faire pour lui transmettre ça, en quatre heures, à Mexico. »
C’est par ces mots, prononcées en ouverture d’ouvrage, que l’auteur s’impose un projet simple mais fortement ambitieux : transmettre à sa fille le « sentiment de nature », de bienveillance envers le monde qui nous entoure.
Cette démarche – qui aurait pu paraître « anecdotique » il y a quelques années, c’est désormais coupler à l’assurance que cet environnement est en train progressivement de disparaître par la faute des exactions humaines. L’émerveillement contemplatif semble définitivement couplé à un sentiment de perte et d’immense tristesse. Évoquer l’odeur des petits pois, le mode de vie des fourmis ou la pousse des arbres dans les rares forêts où l’homme n’est pas intervenu, n’est-il pas devenu un vain exercice ? Pourtant, la beauté du monde semble s’étaler encore sous les yeux du père et de sa fille. La nature, que l’on redoute condamnée, continue à développer son pouvoir de fascination. L’enfant s’y amuse, s’y projette, y invente un monde, une harmonie.
Le propos de François Olislaeger, ne définit pas comme ouvrage didactique. Le livre assume non seulement sa subjectivité, de par son point de départ autobiographique, mais aussi son incapacité à savoir quel est le bon discours à tenir. Après tout, si le dessinateur dessine les fleurs pour « les mettre à l’abri avant qu’elles meurent », il reconnaît lui-même la naïveté de son projet. « Putain, s’il suffisait de représenter des fleurs pour les mettre à l’abri ce serait facile ». C’est cette honnêteté du ton, qui se traduit par l’abandon de son double fictif, qui rend Ecolila si émouvant.
Le graphisme foisonnant, se laisse guider par les entrelacs végétaux, puise dans la mythologie de la nature, s’abandonnant parfois vers de fantastiques rivages -, tout en ayant l’audace de retrouver un plaisir enfantin du dessin magnifié dans d’extraordinaires doubles pages en couleurs. Si le livre est dédié à la nature - « fable écologique » comme l’indique le sous-titre du livre – il témoigne aussi de l’espoir -peut-être temporaire- qu’éveille en l’artiste l’observation du comportement de sa fille. Elle ne cesse d’explorer, de construire, de ressentir, de proposer. Cette vivacité qui semble irriguer chacune des pages proposées par François Olislaeger.
Le lecteur est alors partagé entre le bien être provoqué par cette somptueuse et significative promenade de quatre heures à Mexico, et la crainte que le livre soit le témoignage d’un temps révolu.
Bruno