L'Acadie des guerres coloniales
Au temps où Anglais et Français se disputaient l'Acadie, et plus précisément lors de l'année (1755) où le gouverneur anglais de Nouvelle-Ecosse, Charles Lawrence, entreprend de déporter les Acadiens (Français) vers la Nouvelle-Angleterre (ce qui constituera le Nord-Est des Etats-Unis), le navire qui porte Emie et pas mal de compagnons d'aventures se fracasse sur les rochers de la côte.
Ce sont des Anglais, mais pas tous d'accord entre eux. Pas mal d'éléments mystérieux apparaissent : le capitaine du bateau, Elgrave, est le vilain de service : cruel avec les prisonniers qu'il trimballe dans la cale (on n'en sait pas trop sur eux), il est l'ennemi déclaré de le belle Emie (charmant portrait planche 25) qui, elle, va tenter de rejoindre un village où se trouvent ses enfants, emmenés par leur père (militaire britannique). Mais voilà, les Anglais présents en Acadie tiennent à mettre la main sur Emie (on ne sait pas trop pourquoi), et l'intrigue, pour les naufragés, consiste à échapper aux mains d'Elgrave (qui les poursuit de son côté), des Anglais d'Acadie, et des Indiens (Iroquois, Delawares) soudoyés par les Anglais ou les Français pour leur apporter des prisonniers...
Emie a un sacré caractère; décidée, autoritaire, courageuse, bien foutue, elle emmène avec elle un groupe d'individus hauts en couleurs dans la nature acadienne, et les longues marches dans la forêt sont l'occasion pour le scénariste de nous dévoiler (parfois un peu rapidement) les rôles et fonctions des divers personnages dans l'intrigue. Vieux baroudeurs, prostituées, le beau médecin Tyron, Opkins, le "chaperon" de Emie - qui est mariée, ne l'oublions pas -, et puis des alliés de rencontre, comme le pittoresque Comte de Bercegol Dumoulin...
C'est la grande aventure bien classique style Canada pas trop frisquet : grandes forêts, grands lacs, cours d'eau musclés, canoës indiens, radeaux de fortune, trappeurs avec vêtements à franges, bicornes XVIIIe siècle, attaques d'Indiens, Anglais scalpés, forts en rondins, escopette à un coup... Tout cela est bien rythmé, mais finalement pas d'une folle originalité.
L'initiative la moins heureuse de ce récit d'aventures est le tronçonnage du flashback en de nombreuses planches dispersées tout au long de l'album : on y apprend comment les choses ont mal tourné entre Emie, Elgrave et ses prisonniers sur le navire anglais. Un tel saucissonnage est agaçant, coupe la lecture, et la livraison des informations qui y figurent n'a pas grand rapport direct avec le reste de l'action.
Le dessin, efficace, suit les tendances à l'oeuvre dans les sagas d'aventures de chez Glénat ou Soleil : dynamisme des gestes et des expressions, visages pouvant évoluer vers la caricature, cadrages intéressants.
Une bonne BD d'aventures, mais dont l'intérêt reste limité.