Ce tome fait suite à Une loyale descendance (épisodes 30 à 35) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il s'agit d'un récit complet en 8 tomes, il faut avoir commencé par le premier Bienvenue à la maison. Il contient les épisodes 36 à 41, initialement parus en 2016, écrits par Tim Seeley, dessinés et encrés par Mike Norton, avec une mise en couleurs réalisée par Mark Englert, et des couvertures réalisées par Jenny Frison.
À la télévision la général Louise Cale s'adresse à la population pour expliquer les mesures prises afin de la protéger, à savoir l'enfermement des revenus (revivers) et les recherches organisées pour retrouver Dana Cypress et sa sœur Martha Ann (surnommée Em) qui se sont échappées du centre de détention. Dans un bar, en regardant la télévision, Doug émet des remarques désobligeantes sur la général. Puis Louise Cale s'entretient avec la psychologue Marina Lauro pour la rassurer sur le bien-être des revenus. Pendant ce temps-là, Lester Majak effectue son footing habituel dans les bois jusqu'au poste de police où il invite Bonnie Drost (la réceptionniste à sortir le soir avec lui). Le soldat Richard Schechter conduit la général dans une communauté amish située dans la région de Wausau, dans le Wisconsin.
Arrivée dans la communauté amish, la général Louise Cale s'entretient avec Weaver Fannie, une femme qui manie le katana avec habileté. Le soir-même, Bonnie Drost et Lester Majak dansent dans le bar du coin, et Bonnie accepte de raccompagner Majak chez lui. Dans un bar à danseuse, Gianni Sarkis (un soldat) paye Nikki Singstock pour qu'elle effectue une danse (lap dance) sur les genoux de Big Tina. Puis il paye Aimee, une autre danseuse, pour une danse plus chaude entre elle et Nikki, avec attouchements. Ensuite il rend visite à Derrick Hinch pour qu'il complète son tatouage sur le biceps gauche, et il le frappe à l'estomac avec sous le regard attentif de Big Tina, parce que Derrick Finch n'a pas tenu ses quotas de revendeur de drogues pour Jimmy le viking. Jordan Brochardt réussit à sortir de sa cellule. Em & Dana se cachent dans la maison de l'agent de police Brent Gunderson.
Avant dernier tome de la série, et pourtant il reste encore énormément de chemin à parcourir avant la fin de la série. Effectivement, ce tome est bourré à craquer d'événements et de personnages, de fils narratifs qui s'entrecroisent pour former une tapisserie riche. Les tomes précédents avaient permis d'établir de manière claire ce que sont les spectres qui rôdent dans la forêt alentour de Wausau, ainsi que leur effet sur les revenus. Le lecteur apprécie le point d'étape effectué par l'entremise de l'intervention télévisée de la général Louise Cale, tout en gardant à l'esprit qu'elle raconte sa propre version des événements. Il apprécie tout autant l'autre résumé effectué par le biais d'une bande dessinée d'enfants (réalisée par Coop, le fils de Dana Cypress & Derrick Hinch) en début de l'épisode 38. Cela permet de se remémorer quelques éléments passés depuis plusieurs épisodes. Mais en fait, le lecteur se rend vite compte qu'il se souvient très bien de tous les personnages, même s'il ne les a pas vus depuis plusieurs chapitres. Pourtant la distribution du récit est assez étendue, de Dana Cypress, son fils, sa sœur, son ex-mari, son père le shérif, à des personnages plus secondaires comme Rhodey Rasch (présent dès le premier tome) ou encore Bonnie à l'accueil du poste de police.
Le lecteur retrouve avec beaucoup de plaisir plusieurs de ces personnages secondaires, en plus de Bonnie. Il y a les derniers arrivés comme la psychologue Marina Lauro qui est tout de suite apparue sympathique du fait de sa sollicitude honnête pour les revenus et leurs conditions d'incarcération. Elle continue d'être attachante du fait de son empathie pour Jordan Brochardt, jeune fille à l'état de revenu, complètement isolée et esseulée. Le lecteur se rend également compte qu'il découvre des aspects qu'il ne soupçonnait pas dans la personnalité de Nikki Singstock, la go-go danseuse, la rendant très humaine et respectable, à l'opposé des clichés véhiculés par son métier. D'ailleurs, Tim Seeley s'amuse à plusieurs reprises à renverser les clichés, à commencer par ce gugusse dans le bar avec ses remarques tour à tour misogyne puis homophobe qui se fait rembarrer direct par les autres consommateurs au comptoir. Mais les meilleures retrouvailles se produisent avec Lester Majak, personnage haut en couleurs. Le lecteur se rend compte qu'il lui avait manqué et qu'il est bien content de le revoir et que les auteurs lui accordent plusieurs scènes. À nouveau, il constate que Seeley et Norton inversent les clichés de belle manière. Voilà un homme âgé en pleine forme physique qui joue le jeu de la séduction avec une femme bien enrobée, pour des danses pleines de plaisir. Mike Norton effectue un travail remarquable pour montrer l'âge de Lester Majak avec ses rides, et son corps plutôt mince. Il représente Bonnie sans rien cacher de son surpoids, tout en sachant montrer son potentiel de séduction et son honnêteté émotionnelle. Le lecteur se rend compte à quel point il est chanceux de pouvoir ainsi observer ce moment d'intimité.
Dès le départ, les auteurs ont fait en sorte que le lecteur n'ait pas une grande estime pour Derrick Hinch, l'ancien mari de Dana Cypress : peu agréable, se livrant à des petits trafics, peu attentionné envers son fils. Ils font en sorte de changer le regard du lecteur sur cet individu pas très recommandable. Le dessinateur lui donne un physique quelconque sans rien de remarquable, avec des tenues vestimentaires bon marché. Mais d'un autre côté, il devient la cible de Gianni Sarkis, un soldat costaud bodybuildé qui le maltraite pour sa baisse de chiffre d'affaire en trafic de cannabis. En outre, Hinch essaye de s'amender vis-à-vis de Dana Cypress en lui rendant service. À nouveau la simplicité des petits gestes d'affection emporte la conviction du lecteur, de par leur naturel et leur spontanéité. Dans le même temps, Dana Cypress le personnage principal du récit en prend pour son grade. Le tome précédent faisait ressortir que l'un de ses principales motivations était également de faire amende honorable vis-à-vis de sa sœur. Or ce faisant, elle en vient à délaisser son fils Coop. Mike Norton dessine Coop avec un grand naturel dans des positions d'enfant de son âge, peiné par sa situation, mais également capable de s'immerger complètement dans une activité. Ce sont bien les images qui le font exister et qui le montrent comme un enfant, agissant en cohérence avec son âge.
De séquence en séquence, le lecteur voit évoluer d'autres personnages. Il soupire d'agacement devant le comportement égocentrique et brutal de Gianni Sarkis, abusant de sa force, ne cherchant que son profit personnel. Il se rend compte qu'il éprouve le sentiment d'impuissance des autres personnages qui le croisent, devant ce gaillard qui impose sa volonté avec ses muscles, attestant encore une fois de la capacité des auteurs à donner vie à tout un éventail de personnages différents. Tim Seeley introduit également 2 nouveaux protagonistes : Weaver Fannie et sa fille Atlee. Pour ces deux-là, il y va un peu fort avec le maniement du katana. L'artiste a beau donner une consistance suffisante à l'environnement de la communauté amish, le cliché de la femme s'entraînant au sabre japonais comme si on en croise tous les jours reste un peu dur à avaler. À l'opposé, le lecteur sent sa gorge se serrer quand il voit Wayne Cypress en train de pleurer du fait de la fuite de ses filles dont il ne sait ce qu'elles sont devenues. Fannie & Atlee constituent un unique faux pas dans une galerie de personnages qui dépassent tous le stade de clichés, qui disposent d'une histoire personnelle et qui dégagent une forte empathie.
Outre ces personnages touchants, le lecteur bénéficie aussi d'une solide intrigue. Em & Dana semblent dans la dernière ligne droite pour élucider le meurtre de la première. La général Louise Cale semble avoir la situation bien en main. Le secret des spectres a été révélé. Gianni Sarkis est en bonne voie pour rétablir les affaires à Wausau. Malheureusement de nombreux grains de sable viennent contrarier les plans les mieux établis. Le pouvoir de séduction de la narration ne réside pas seulement dans des péripéties, des révélations et des situations contrariées générant du suspense. Il réside également dans le fait que chacun de ses éléments découle naturellement des motivations et du caractère des personnages. Le lecteur découvre l'ampleur des actions menées par la général Louise Cale qui vont bien plus loin que simplement maîtriser les revenus et capturer des spectres. Au vu de sa stratégie, de sa capacité d'anticipation et de sa gestion de la situation de crise, elle a amplement mérité ses galons de général. Rodhey Rasch est un autre personnage emblématique de cette interdépendance entre intrigue et protagonistes. Seeley et Norton ont établi depuis le début son caractère destructeur et destructif et ses actions émanent naturellement de sa personnalité.
Les auteurs n'ont pas non plus oublié qu'ils racontent un récit d'horreur. À nouveau Rodhey Rasch emporte le pompon avec une mise à profit de son immortalité, aussi inventive qu'immonde. L'horreur n'est pas que physique, elle prend aussi des formes psychologiques. Il y a bien sûr les maltraitances que Gianni Sarkis inflige à Derrick Hinch, ainsi que ses sous-entendus graveleux destinés à le miner et à souiller sa compagne. D'une manière beaucoup plus insidieuse, Louise Cale s'y entend aussi pour manipuler les individus et les rabaisser. Elle caresse la psychologue Marina Lauro dans le sens du poil, en la flattant sur l'utilité de son travail. Mais dès que les circonstances le nécessitent, elle n'hésite pas un instant à lui indiquer que son travail ne sert en fait que d'alibi vis-à-vis de l'extérieur. De manière totalement inattendue, Tim Seeley se montre également cruel avec une poignée de personnages, de manière inventive. L'épisode 37 s'ouvre avec Nikki Singstock en tant qu'astronaute confirmée effectuant des réparations à l'extérieur d'une station spatiale. L'explication de cette séquence en dit long sur les aspirations du personnage, mais aussi sur son manque d'estime d'elle-même du fait de la réalité de son métier de go-go danseuse. Il passe ainsi en revue une poignée de personnages, établissant le futur dont ils avaient rêvé et enchaînant avec leur réalité quotidienne.
Cet avant-dernier tome de la série est une réussite d'une rare qualité. Les auteurs mettent en scène des personnages d'une grande diversité, qu'ils font exister avec une aisance élégante. L'intrigue conserve tout son suspense, et Lester Majak est de retour.