Enfer et Paradis
6.6
Enfer et Paradis

Manga de Oh! Great (1998)

Oh! Great, de son véritable nom Ōgure Ito, est un mangaka qui dénote : après s’être forgé un style résolument ecchi dans des magazines spécialisés, celui-ci quittera les plates-bandes du récit pour adulte averti au profit d’œuvres davantage grand public... non sans se départir de récurrences olé olé. Son premier grand succès, Enfer et Paradis (Tenjō Tenge), en dépeint ainsi parfaitement les caractéristiques tout constituant le titre charnière de sa future carrière : un graphisme atteignant rapidement des sommets, des portraits hauts en couleur, beaucoup de baston et... encore et toujours ces figures féminines fantasmées.


Découvert par le biais de l’anime éponyme, Enfer et Paradis est fait de deux virages lui étant propres : celui d’abord formel, le coup de crayon rond et parfois brouillon des premiers tomes se muant peu à peu en une véritable démonstration graphique. Quant au second, il s’agit de l’évolution abrupte des enjeux et du background de l’intrigue au point de faire basculer le tout dans une autre dimension... où confusion et défauts de tout ordre côtoieront de franches bonnes idées. Il est ainsi facile de résumer l’œuvre, celle-ci tenant rapidement du capharnaüm fait de personnages à la pelle, jeu de factions fluctuant et retournements de veste pas toujours compréhensibles.


Pour en revenir au versant formel de l’œuvre, il apparaît rapidement qu’Enfer et Paradis vit et meurt aussi rythme de la plume de Oh! Great : car si sa plastique est à n’en pas douter brillante, douée qui plus est d’un dynamisme imprégnant d’immersives planches, le manga souffre d’une illisibilité finalement chronique, telle la matérialisation d’un fil rouge partant dans tous les sens. Sous ses faux-airs de shonen brutal et idiot, le premier volume agira en trompe l’œil : difficile à ce titre de qualifier le viol de ressort léger, l’intrigue basculant rapidement dans un grand n’importe quoi débridé mais non moins grave.


La qualifier de mature ne tombe pas pour autant sous le sens, le semblant d’application dont fera preuve Enfer et Paradis s’imposant sporadiquement puis plus nettement à l’aune d’arcs fondamentaux. Le souffle tragique des passés liés de Maya et Mitsuomi dans un premier temps, puis le retour au présent qui verra les diverses forces en présence s’agrandir, se diversifier et se complexifier : et bien avant qu’un autre flash-back ne nous renvoie aux origines (la surface émergée de l’iceberg tout du moins) du schmilblick, l’intrigue s’était donc d’ores et déjà muée en une entité improbable. Sous couvert d’un versant à la fois historique, ésotérique et fantasmagorique, la baston et les guerres de clans entre lycéens trop sérieux pour leur âge n’étaient plus les uniques composantes d’un récit unique.


Néanmoins, comme évoqué plus haut, Oh! Great est un drôle d’animal : à la manière d’un Tite Kubo, celui-ci possède des mains en or mais pèche côté scénario. En l’absence de garde-fous à même de canaliser son imagination débordante, son récit manque rapidement de cohérence comme de lisibilité : abusant encore et encore de dialogues pêchus et autres punchlines philosophico-badass, l’étiquette « cool » d’Enfer et Paradis tend à s’estomper d’elle-même tandis que ses enjeux pâtissent de l’abondance de protagonistes et alliances sens dessus-dessous. Si le tout se découvre sans déplaisir, il s’avère ainsi que, faute de clarté suffisante et d’une propension à la dédramatisation, la lecture tourne au survol sans réel investissement de notre part.


Il subsiste malgré tout une affection particulière pour ce titre bancal mais mémorable. Car, quand bien même « l’amour » d’Aya pour Sōichirō tiendra de bout en bout de la farce agaçante, et que la traduction/édition de Panini Manga est une véritable honte, Bunshichi prévaut et continuera de prévaloir.

NiERONiMO
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes bulles d'Orient

Créée

le 4 avr. 2020

Critique lue 583 fois

2 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 583 fois

2

D'autres avis sur Enfer et Paradis

Enfer et Paradis
Ninesisters
6

Critique de Enfer et Paradis par Ninesisters

L'édition française de ce manga est une véritable honte. A un point qu'il serait presque difficile d'imaginer sans avoir le livre en main, même en connaissant déjà les publications manga de Panini...

le 5 mars 2012

4 j'aime

Enfer et Paradis
NiERONiMO
6

Enfer au poing et déculottée

Oh! Great, de son véritable nom Ōgure Ito, est un mangaka qui dénote : après s’être forgé un style résolument ecchi dans des magazines spécialisés, celui-ci quittera les plates-bandes du récit pour...

le 4 avr. 2020

2 j'aime

Enfer et Paradis
666Raziel
4

L'avis de 666Raziel sur la série (22 tomes)

On connait tous l'histoire du Shonen qui commence bien avant de s'enliser à cause d'un auteur qui ne sait pas y mettre un terme. Et bien cette histoire c'est un peu celle d'Enfer & Paradis. Ça...

le 31 mars 2014

2 j'aime

3

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
6

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 23 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3